Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

(…) Batiouchka voulait dire, semble-t-il, qu’il viendrait un moment où on ne parlera plus que de futilités. «Un moine eut une vision: plusieurs moines debout discutaient de façon oiseuse. Et il vit que des sangliers tout boueux couraient parmi eux et autour d’eux. C’étaient des serviteurs du malin. Ensuite il vit des moines qui parlaient de choses édifiantes pour l’âme, et des anges lumineux se tenaient entre eux. Alors, mon frère, ne détruisons pas nos œuvres accomplies dans l’obédience par les propos oiseux, mais efforçons-nous par-dessus tout d’acquérir l’humilité. Le prophète David a dit: «J’ai été humilié et le Seigneur m’a délivré» [N.d.E.: Ps. 114;6]. L’humilité à elle seule suffit pour nous sauver. Encore une fois, il est dit dans un psaume: «Vois mon humilité et mon labeur, et pardonne-moi tous mes péchés!» [N.d.E. : Ps. 24;18]. Ainsi a dit le Prophète David, parce que la vraie humilité ne s’obtient jamais sans labeur».
Par négligence, j’ai oublié ce qu’a dit Batiouchka au sujet de nos Startsy et du Père Lev. Je me souviens seulement de ce qui suit: «Le Père Lev a été persécuté, calomnié par ses détracteurs, (il fut le fondateur de la lignée de Startsy du Désert d’Optina), et même son Éminence Nicolas, le voyant entouré d’une foule de gens, lui dit avec reproche: «Mais que fais-tu?» «Je chanterai mon Dieu, tant que je serai». Son Éminence comprit toute la profondeur de cette réponse !’. Oui, le Père Lev a chanté Dieu au cours de toute sa vie».
J’ai récemment reçu une lettre d’un étudiant que je connais, de l’Université de Moscou. Il était gorgé de spiritisme. A un moment, par la grâce de Dieu, je me suis détourné de lui. Le Seigneur nous a choisis, Ivanouchka et moi, comme instruments dans cette affaire. J’ai détruit même tous les objets utilisées lors des séances. Une sainte relique fut apportée de la Cathédrale de la Dormition, et un moleben fut célébré. Peu de temps après, nous sommes partis. Je pensais qu’il était devenu ferme sur ses pieds. Mais, après avoir reçu la lettre, je vois qu’il est de nouveau dans la plus grande illusion spirituelle, prie d’une voix doucereuse, voit le Christ Lui-même, voit des Croix avec la crucifixion, etc.
J’ai montré cette lettre à Batiouchka. «Une lettre terrible», dit Batiouchka en la lisant. Je me dis que le Seigneur vous a écartés de lui (l’étudiant) par votre venue à la Skite. Avant, il était difficile de vivre dans le monde, mais maintenant c’est presque complètement impossible: ou l’incrédulité et l’insouciance, ou l’illusion spirituelle lorsque quelqu’un essaie de vivre dans la foi. Remerciez Dieu d’être ici. Il écrit: «Comment vivez-vous?». Comment? Simplement. Oui, nous allons essayer de faire en sorte que tout soit simple dans nos cellules.
Murs en rondins simples, et rien d’autre, peut-être du papier peint. Et surtout, nous veillerons à ce que notre cellule intérieure soit simple, propre sans aucun papier peint».
Le Seigneur a donné beaucoup de pommes cette année, tous les frères y vont par obédience, et je dois y aller aussi. En outre, on fait bouillir le kvas et on va arracher les pommes de terre. L’obédience est une chose sainte.
23 septembre
Aujourd’hui, quand j’ai lu les psaumes dans l’église, Batiouchka est venu pour affaires à l’église. En attendant le sacristain, il m’a parlé un peu. «Voici, dit Batiouchka, que dans un monastère, le Désert Sainte Catherine, près de Moscou, à dix heures du matin, l’higoumène et son auxiliaire de cellule ont été tués et ceux qui l’ont fait sont partis en toute impunité. Oui, à l’heure actuelle, ils auront peut-être encore une récompense pour leur habileté. Maintenant, en quelque sorte, ils ont commencé à attaquer surtout les monastères. Et il faut s’attendre à des horreurs. Maintenant, ils essaient de supprimer la peine de mort. Quand cela sera fait, alors tous les coupables seront appelés au pouvoir (les coupables de ce qui est raconté avant, semble-t-il).
Une moniale, déjà tonsurée à la mantia, a eu un rêve (ou une vision, j’ai oublié). La Très Sainte Mère de Dieu lui est apparue et lui a dit qu’elle devait s’attendre à des horreurs. C’était en 1899. Elle prédit la révolution russe, qui s’est accomplie six ans plus tard, en 1905. «En fait, disait-Elle, ce monde corruptible n’existera plus longtemps: la patience de Mon Fils et Seigneur s’épuise…» Oui, on peut s’attendre à cela. Il y a encore des monastères, qui sont comme des forteresses. Quand j’étais encore laïc, je suis allé à la Laure de Saint Serge, au monastère des grottes de Tchernigov, j’y ai vécu six jours, je me suis préparé, je me suis confessé dans la mesure possible pour un laïc et j’ai communié. Après avoir reçu les Saints Mystères, j’étais heureux, léger dans l’âme. Devant moi se trouvait le psautier dans sa traduction russe, j’ouvris et lu : Qui me fera entrer dans une ville fortifiée (clôturée)?.. Alors je me suis dit: mais ici (c’est-à-dire au monastère), c’est une ville fortifiée. Puis j’ai regardé l’interprétation, et en effet, il s’est avéré que c’était le cas.»
Je n’ai pas le temps d’écrire tout en détails, je voulais juste en rappeler le sens.
26 septembre
Aujourd’hui, c’est mon anniversaire, j’ai 20 ans.
Tante Lara et Katia sont venues chercher Nikolouchka. J’ai dû aller à l’hôtellerie avec eux. Ils partent aujourd’hui, si le Seigneur le veut. Nous avons bu le thé avec eux; bien sûr, cela ne s’est pas passé sans propos vides. Je suis rentré à la Skite, dans ma cellule, et de nouveau, tout est calme.
Je me souviens, dans le monde, pour les grandes fêtes, la Nativité, Pâques et les autres, ainsi que pour le jour de l’ange et l’anniversaire, je m’ennuyais; je ne savais que faire, et bien sûr, sans but tout est ennuyeux. Je ne comprenais pas que la fête spirituelle exige nécessairement la consolation spirituelle, en plus de la consolation corporelle, autorisée, bien sûr, avec modération, et non jusqu’à l’oubli de tout ce qui est spirituel . Et c’est presque toujours le cas dans le monde, mais je suis maintenant à la Skite, Dieu merci…
Dans le monde, la plupart des gens, même les croyants, ne croient pas en l’existence des démons, mais ici c’est une vérité. Voici ce que Batiouchka m’a dit une fois: «Le Père Ambroise a montré des démons au Père Benoît (Orlov) de cette manière: il l’a couvert de sa mantia, puis l’a amené à la fenêtre et a dit:
– Tu vois?
– Oui, je vois, Batiouchka, je vois qu’il y a beaucoup de détenus, sales, en lambeaux, avec des visages terribles et brutaux. Batiouchka, d’où vient qu’ils soient si nombreux? Ils vont, ils viennent, sans fin, et qui les a laissés seuls dans la Skite? Probablement, toute la Skite est-elle bouclée par les Cosaques? Et ces détenus, à droite, à gauche, (ils sont venus par le Saint Portail) vont tous, ils vont vers l’église.
– Alors quoi, tu vois, Père Benoît?
– Oui, mon père, qu’est-ce que c’est?
– Ce sont des démons. Tu vois combien il en faut pour chaque membre de notre fraternité?
– Batiouchka, vraiment?!
– Maintenant, regarde.
– Le Père Benoît regarda à nouveau et ne vit plus rien, rien du tout, tout était calme.
Vous voyez, contre combien nous devons lutter! Mais, bien sûr, Dieu permet la lutte selon les forces de chacun.» (A suivre)
Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.