Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

(…)

7 septembre
Aujourd’hui, on commémore le Starets Macaire, c’est le jour anniversaire de son décès. Hier, pendant les vigiles, au lieu de l’habituelle homélie, Batiouchka a dit quelques mots au sujet du Starets. Il a très bien parlé. En passant, Batiouchka a rappelé que dans les lettres du Père Macaire, il est expliqué comment lire et comprendre aujourd’hui les écritures des Saints Pères de jadis. Et Batiouchka a béni tout le monde pour lire soit la biographie du Père Macaire «malheureusement, très brève, elle ne reprend pas toute sa vie si vaste», ou un volume de ses lettres aux moines. «Sinon nous l’aurons complètement », c’est-à-dire que nous aurons oublié le Père Macaire.
Batiouchka a aussi raconté, comment un marchand avait eu une vision. Il a vu le Père Macaire et le Père Lev, et celui-ci a dit: «Il (c’est-à-dire la Père Macaire) m’a surpassé dans l’humilité». Je ne peux pas tout écrire, je n’en ai pas le temps.
Batiouchka nous a commandé de prier le Père Macaire et de ne rien faire par moi-même, sans humilité et sans la bénédiction du starets, «car ni le jeûne, ni les veilles, ni la prière ne sont bénéfiques s’ils sont faits sans humilité et bénédiction. C’est par le jeûne, les veilles et la prière, que les dons célestes sont reçus, il n’y a pas d’autre moyen de les recevoir, il n’y a pas d’autre moyen; mais pour cela, comme base de tout, l’humilité est nécessaire. Le Père Macaire avait une profonde et grande humilité».
Je ne peux rien écrire de plus…
9 septembre
Maintenant, lors de la bénédiction, Batiouchka a distribué de petits tableaux qui lui ont été envoyés de Sarov. Tous sont différents, tous, apparemment, montrant des événements de la vie de Saint Seraphim, je n’en ai pas vu d’autres chez aucun frère. Batiouchka m’en a donné un représentant l’apparition de la Très Sainte Mère de Dieu à Saint Seraphim.
9 septembre

Je n’ai auparavant jamais ressenti de vénération particulière pour Saint Seraphim, bien sûr, je le considérais comme un grand héros de l’ascèse et un saint. Un jour, Batiouchka m’a donné à lire un petit article (j’ai déjà oublié de quel magazine) pour la qualité de l’auteur de cet article. Il contenait des tableaux de la vie de Saint Seraphim, depuis son enfance jusqu’à sa mort, tableaux peints par la main poétique d’un homme croyant. Batiouchka a dit : «Lisez, cela vous sera même utile, cela vous fortifiera», ou quelque chose de ce genre. J’ai lu, j’ai aimé, et depuis lors, je sens que j’ai commencé a éprouver plus de respect et de vénération pour Saint Seraphim.
Combien de fois ai-je pensé: voici un vrai moine, et toi qui es-vous? Saint Séraphin a vécu et mené son podvig ainsi, et toi, comment vis-tu? Alors, involontairement, on pense: comme je suis petit, insignifiant, ne ressemblant même pas à un moine, comparé au grand héros de l’ascèse que fut Saint Seraphim…

Saint Nikon d’Optina

Aussi, j’ai demandé aujourd’hui à Batiouchka: dois-je aller aux vêpres, car j’ai beaucoup de travail? Batiouchka a répondu que c’était nécessaire: «Ici, je suis toujours allé aux matines, aux vêpres et aux prières du soir, mais la règle quotidienne de prière en cellule, je l’ai omise, quand j’étais très occupé par les obédiences (La règle: le cathismes, l’Apôtre, l’Évangile, le dyptique). C’est ce que je vous conseille de faire.»
17 septembre
Aujourd’hui, on commémore les Saintes Martyres Sofia, Foi, Espoir et Amour. Maintenant, à Moscou, ils sont pris par le malin. La fête se réduit à la boisson et au plaisir exclusivement charnel. Dans les familles que je connais, il y a aussi des fêtes onomastiques, et probablement comme avant, il y a un repas. Le soir venu, les invités arrivent, félicitent, boivent, mangent et partent quand tombe la nuit, chacun chez soi. Quelle agitation, quel vide! On parle rarement de Dieu, de foi: ce n’est pas intéressant, obsolète, tout progresse, tout ça ce sont des contes pour enfants. Certes, il y a des gens croyants et bons, mais la plupart, malheureusement, ne croient pas ou croient, oui «d’une manière nouvelle».
Combien de fois ai-je pensé: je suis assis dans l’église, surtout celle du Saint Précurseur et celle de saint Macaire, tout autour, paix et silence, les lampades brûlent doucement devant les saintes icônes, les vigiles n’ont pas encore commencé. Les frères entrent tranquillement, régulièrement, prient, s’assoient silencieusement, en attendant le service. Quelle tableau paisible! Comme c’est bon ici! Et là, derrière la clôture, l’agitation, le vide, tout le monde court, s’occupe de quelque chose, tout le monde est occupé. Et ce n’est encore rien. Peut-être, y a-t-il maintenant des meurtres, des vols, des querelles, des violences, des orgies sauvages d’ivresse et de débauche.
Quel oubli de Dieu, de l’existence de l’âme, de l’au-delà! Avant, j’étais dans ce cercle, et j’ai vécu, et j’ai pu vivre une telle vie! Et maintenant, comment remercier le Seigneur, je ne sais pas, je suis ici dans la Skite tranquille… C’est vraiment divin, comment le Seigneur m’a arraché à ce terrible monstre, le monde… Et je vois deux tableaux : le monde et toutes ses horreurs et en complet contraste, cette église calme dans la pénombre des petites lampades… Et il fait si calme, si joyeux dans l’âme. Gloire à Toi, ô Dieu!
18 septembre
On dit que Batiouchka est tombé malade. Il faudrait en savoir plus. Récemment, Batiouchka a souvent participé aux matines, et pendant la règle, généralement, il a prononcé des homélies, et a bien parlé. Je pense, avec l’aide de Dieu, écrire quelques-uns de ces enseignements. Oui, et lors de la bénédiction, Batiouchka m’a donné de petites instructions.
«Abba Dorothée, a dit Batiouchka pendant la règle, nous apprend à examiner notre vie pour voir dans quelle disposition nous sommes, si nous avons réussi en certaines choses. Cette examen de soi-même, cette attention à soi-même est nécessaire. Et quiconque ne le fait pas sous prétexte d’incapacité et d’ignorance, qu’il sache que la réussite réside principalement dans l’humilité.
Si nous avons réussi dans l’humilité, alors nous allons de l’avant. Et personne n’ose dire le contraire…
Un frère en offense un autre; offensé, fâché, le frère froissé, va se plaindre de son frère auprès du supérieur, et s’il n’y va pas, il se tourmente intérieurement. Dois-je lui répondre? Quelle sorte d’humilité est-ce? Se taire, endurer le ressentiment, pardonner, voilà ce qu’il fallait faire. C’est ce que ferait l’humble. Ou encore, par exemple: un frère avance, et à sa rencontre arrive un autre. Ce frère s’incline devant lui, et le premier, à ce moment-là, voit deux belles pommes sur un arbre et, regardant machinalement son frère, fixe de nouveau ses yeux sur les pommes, voulant les cueillir. Le frère qui a fait une métanie est offensé: je m’incline devant lui, et lui, l’orgueilleux, comme s’il ne voyait pas, a détourné son regard, il ne veut pas me parler… Mais le premier était, en effet, tellement fasciné par les pommes qu’il n’avait même pas remarqué son frère, ne voulant pas et ne pensant pas le blesser. Quelle sorte d’humilité est-ce là? L’humble penserait: je ne mérite pas que mon frère me regarde, et je ne suis pas offensé du tout. Nous avons donc peu d’humilité.»
Le deuxième cas, Batiouchka me l’a raconté lors de la bénédiction quand j’ai demandé des éclaircissements sur ses paroles prononcées le matin pendant la règle.
«Quelle doit être la position de notre corps quand nous examinons notre vie?» ai-je demandé. «Dans celle que vous voulez, mais le mieux, c’est assis. Prenez une petite demi-heure, asseyez-vous et examinez-vous. Un moine ne peut pas être dans un état précis: il va moralement et spirituellement soit de l’avant, soit vers l’arrière. Il ne reste pas au même endroit pendant une minute, il est toujours en mouvement.
Le sommeil et le ventre sont liés. Avec un estomac rempli, le moine dort beaucoup et même plus que prévu. Je vous l’ai dit et je le redis: mangez à votre faim, mais pas pour être repu. Quand vous avez mangé à votre faim, déposez la cuillère. Un autre n’a déjà plus faim, et pourtant il mange et il mange, ses yeux ne sont pas rassasiés, c’est un péché».
Encore une fois lors des matines, Batiouchka a dit qu’il fallait avoir de l’amour les uns pour les autres et s’éloigner des discussion oiseuses. «David, le prophète, a dit: “il n’y a plus aucun saint”. Pourquoi n’y en a-t-il plus? “Parce que les vérités ont été toutes altérées … Chacun ne parle et ne s’entretient avec son prochain que de choses vaines…”[N.d.E. : Psaume 11;2-3], parce qu’ils ne parlent pas de ce qui est utile à l’âme, rien que des propos oiseux, ils ne parlent que de futilités.» (A suivre)
Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.