Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

(…)

22 août
Aujourd’hui, Vitali Stepanovitch nous a quittés, très satisfait. Et sont arrivés de Moscou: maman, tante Lara et Kolia. Maman a apporté de l’argent pour l’entièreté de la cotisation et l’a déjà donné à Batiouchka. Sauve-la, Seigneur! Plus de détails par la suite, si le Seigneur le permet.
Aujourd’hui, pour la première fois, nous déménageons dans d’autres cellules. Je suis déjà assis dans ma nouvelle cellule, pas encore nettoyée. Il est tard, il faut aller au lit, je suis lecteur du jour, il faut se lever tôt, avec l’aide de Dieu.
25 août
Maman et tante Lara sont parties, mais Kolia, avec la bénédiction de Batiouchka, est resté à l’hôtellerie, comme prévu, pour un mois. Maman, en fait, est venue pour déposer l’argent pour nous et, selon sa promesse, pour la commémoration éternelle de grand-père et grand-mère. Maman était très heureuse d’avoir lavé sa conscience, et Batiouchka l’aime beaucoup. Batiouchka avait dit à Maman, lors de sa précédente venue qu’elle reviendrait en août, ce qui vient de se passer. Je ne suis pas installé pour de bon dans la nouvelle cellule. J’ai demandé à Batiouchka de bénir ma filleule à distance, avec une icône, et Batiouchka, suite à ma demande, l’a bénie à travers moi avec une icône de la Très Sainte Mère de Dieu, il me semble, de Vladimir. Cette icône, ainsi que quelques autres objets, je les ai achetés au comptoir du monastère, et maman l’a emmenée à Moscou où, si le Seigneur le veut, elle la donnera à notre filleule.
29 août
Aujourd’hui, c’est une des fêtes de la dédicace de notre église, mais pas la principale ![N.d.E. : Le 29 août /11 septembre on célèbre la commémoration de la décollation de Saint Jean, Prophète, Précurseur et Baptiste du Seigneur. La principale fête de l’église principale de la Skite est la Synaxe de Saint Jean, le Saint Précurseur et Baptiste du Seigneur, le 7/20 janvier.] L’office a été célébré par le Père Archimandrite. Gloire à Dieu, tout s’est bien passé.
Il y a quelques jours, j’ai connu un incident, plus que banal pour les pécheurs, et j’ai donc même senti que j’étais pécheur.
Le soir je suis allé auprès de Batiouchka pour demander sa bénédiction. Je n’ai pas eu le temps de dire un mot avant que Batiouchka commence lui-même à parler: «Toute l’humanité peut être divisée en deux parties: les pharisiens et les publicains. Les premiers seront perdus, les seconds, sauvés. Prenez soin de cette conscience de votre état de pécheur. C’est la chose la plus précieuse devant Dieu. Qu’est-ce qui a sauvé le publicain? Bien sûr, c’est la conscience de son péché: «ô Dieu, sois miséricordieux envers moi, pécheur». Voilà la prière qui persiste depuis près de deux millénaires. Mais regardez: le publicain est conscient de son état de pécheur, mais en même temps il espère en la miséricorde de Dieu. Sans espoir, on ne peut pas être sauvé…

Saint Barsanuphe d’Optina

Le Seigneur a dit: Je suis venu sauver les pécheurs, et non les justes. Comment convient-il de comprendre qui sont ici les justes? Cela, bien sûr, s’applique à ceux qui ne sont pas conscients de leur péché, mais qui n’en demeurent pas moins pécheurs. Mais cela s’applique aussi dit à propos des serviteurs du malin. Nous ne pouvons même pas imaginer l’orgueil dans lequel ils se tiennent devant Dieu. Nous ne pouvons pas comprendre à quel point ils détestent Dieu… Dieu s’oppose aux orgueilleux, mais aux humbles, Il donne sa grâce. Pourquoi n’est-il pas dit que Dieu s’oppose aux impudiques, ou aux envieux, ou qui que ce soit d’autre, sinon aux orgueilleux? Parce que c’est une caractéristique du malin. L’orgueilleux devient comme apparenté au malin…
Quelqu’un a dit:
– Je lis, je lis le Psautier, mais je n’y comprends rien. Je pense que je ferais mieux de remettre ce livre sur l’étagère.
Mais son starets a répondu :
– Non, il ne faut pas.
– Pourquoi? Je ne comprends rien.
– Ceux du malin comprennent. Ils comprennent ce qu’il est dit à leur sujet, et ils ne peuvent le supporter et s’enfuient. Par conséquent, en lisant le Psautier, nous chassons le malin et ses serviteurs hors de nous-mêmes».
Je ne me souviens plus très bien de ce que Batiouchka a dit à propos d’un extrait du psaume 118: «Les orgueilleux ont transgressé Tes préceptes à l’extrême, mais je n’ai pas dévié de Ta loi» (Ps.118;51). Batiouchka a ajouté «Ils m’ont transgressé, moi, à l’extrême». Pour autant que je me souvienne maintenant, Batiouchka a dit que cela se rapportait au Seigneur Jésus-Christ, mais comment, je l’ai oublié.
Batiouchka a également dit à propos d’une jeune fille venue ici avec sa sœur et sa mère qu’elle était possédée par le pouvoir du malin et que son esprit était endommagé, bien que son esprit, sa conscience, revenait parfois. Par exemple, quand elle était chez Batiouchka, elle lui a demandé de la sauver. Batiouchka a répondu: «Je ne peux pas sauver, seul Dieu sauve». «Mais à travers vous, Batiouchka», a-t-elle dit.
«Vous voyez, me dit Batiouchka, elle avait commencé à raisonner, mais à l’hôtellerie, sa mère l’a morigénée avec toutes sortes de mauvaises paroles indécentes. Nous avons entendu le bruit. Elle jurait, criait, brisait les vitres des fenêtres. Quelle force maléfique agissait en elle!..»
Je me souviens maintenant que lorsque nous avons dit au revoir à maman, elle m’a regardé et m’a dit: «Nous ne nous reverrons plus…» Qu’est-ce qui se cachait dans ces paroles: question ou affirmation? Je ne peux le dire. Bien sûr, le Seigneur est libre en toutes choses, et de telles pensées peuvent venir à l’esprit lors de la séparation. Sauve-la, Seigneur! Maman m’a semblée très humble.
Maman n’observait pas les jeûnes, comme tout le monde dans notre famille. Quand grand-père était vivant, alors, autant que je me souvienne, les jeûnes étaient respectés. La dernière fois que j’ai passé du temps dans le monde, maman a dit qu’elle ne pouvait pas supporter la nourriture de carême, ou plutôt, qu’elle ne pouvait se passer de lait. Et c’était peut-être vrai. Maman était malade toute la journée quand elle ne buvait pas de café au lait. La dernière fois, Batiouchka avait ordonné à maman d’observer le jeûne. Maman avait considéra cela avec horreur, si on peut dire. Et maintenant, gloire à Dieu, elle dit que c’est facile pour elle.
31 août
Aujourd’hui a eu lieu la première tonsure monastique depuis notre arrivée. Trois moines ont été tonsurés, mais aucun de la Skite. Les résidents de la Skite sont allés assister uniquement à la tonsure. Bien que j’aie tout entendu, je voyais mal, donc la tonsure ne m’a pas particulièrement impressionné. C’était émouvant quand ils étaient conduits aux portes royales sur l’ambon, comme ils s’étendaient sur le sol. Ce qui m’a le plus influencé, c’est quand, après le repas, le Père Archimandrite les a confiés à Batiouchka comme leur guide et starets. Quelle terrible responsabilité sur eux et sur Batiouchka!
Kolia vient de sortir de chez moi. Je suis désolé pour lui. Je ne sais même pas quoi faire. Il est venu, il a parlé un peu, sa lassitude l’a vaincu, il pleure, mais n’en parle pas à Batiouchka. Je l’ai persuadé de tout dire à Batiouchka. Je pense qu’il n’a pas la moindre idée du monachisme, et on ne peut s’attendre à cela de lui; être moine ne lui convient pas. C’est ce que je pense, pécheur, dans mon pauvre esprit. Peut-être que ce n’est pas le cas, il est seulement un homme malade et étrange, je ne peux pas le comprendre, il n’est pas tout à fait normal. Sauve-le, Seigneur.
J’ai reçu une lettre de la maison, mais à ce sujet plus tard, si possible, si le Seigneur le veut. (A suivre)

Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.