Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

(…)

12 juin
Aujourd’hui, le Seigneur m’a trouvé digne de me confesser. Après la confession, en conclusion, Batiouchka a dit:
– C’est très bon, de se repentir même des petits péchés, que beaucoup ne considèrent même pas comme des péchés, mais il faut surtout prendre soin de l’essentiel. Les marchands, lorsqu’ils négocient, prennent soin d’extraire autant d’or que possible. Tous les métaux, le fer, l’étain, l’argent et le cuivre sont eux-mêmes des métaux très précieux, mais les marchands se soucient le plus de l’or. C’est ainsi que ce que nous devons acquérir le plus , c’est l’humilité: nous faire humble, nous faire humble et être humble. Il y a de l’humilité? Alors il y a tout, mais s’il n’y a pas d’humilité, alors il n’y a rien, même si l’homme peut accomplir et a accompli des miracles. Soyez humble!
– C’est très difficile, mon Père!
– Bien sûr. L’or est-il facile à extraire?
Je ne me souviens de rien de plus. Demain, si je vis, et si le Seigneur m’en trouve digne, j’irai à la liturgie au monastère pour la communion aux Saints Dons du Christ.
16 juin
Gloire a Dieu! J’ai été trouvé digne, moi le pécheur, à recevoir les Saints Mystères du Christ, ce samedi.
Les paroles de Batiouchka se réalisent en ce qui me concerne: je n’ai absolument pas de temps libre ni en semaine ni lors des fêtes, parfois même je suis fatigué à la fin de la journée. Mais, gloire à Dieu, ce n’est rien, je me sens bien. De temps en temps, il faut que je lise un peu. Je lis tout le temps l’Évêque Ignace Briantchaninov. Je suis très consolé par ses écrits. Je ne sais comment remercier le Seigneur et Batiouchka d’avoir un tel trésor. Je lis tout particulièrement maintenant ses écrits sur la prière de Jésus. Oui, cela a l’air particulièrement bien.
22 juin
Le plus gros du travail d’emménagement de la bibliothèque est terminé, on va maintenant peindre le sol, et la bibliothèque sera ouverte.
L’officier, maintenant frère Alexandre (Avaev), bien que toujours en uniforme et non en soutane, a été admis définitivement. Sauve-le, Seigneur! Il nous a aidés un peu pour la bibliothèque et s’est comporté très modestement et humblement. Il est étonnant de voir comment une personne commence immédiatement à être humble en arrivant à la Skite; il y a ici une atmosphère particulière, favorable à une vie humble.
Je prie le Seigneur, qu’il m’humilie, moi l’endurci, j’ai toujours été fier et le reste encore maintenant… Depuis mon plus jeune âge, l’orgueil a été un compagnon inséparable de ma vie, même jusqu’à présent. Mes rêves dans l’enfance, l’adolescence et la jeunesse étaient imprégnés de fierté, j’ai nourri l’orgueil en moi-même. Maintenant, j’essaie de ne pas rêver, de chasser les rêves; mais quand les rêves viennent à moi, ils sont toujours imprégnés d’orgueil. Oui, c’est clair, on ne guérit pas immédiatement de la maladie. Étant arrivé au bain, je dois d’abord laver soigneusement tout mon corps afin de nettoyer la saleté et devenir propre.
Aujourd’hui, Batiouchka m’a dit: «Bienheureux les cœurs purs. L’humble ne peut ne pas avoir le cœur pur; oui, ils verront Dieu…». Batiouchka nous rappelle souvent l’humilité que je n’ai pas et, malheureusement, je ne veux pas supporter la douleur au cœur qui suit, accompagne et précède tout ce qui humilie la nature imprégnée d’orgueil…
L’autre jour, le Père Nikon m’a demandé comment j’avais eu le désir d’entrer au monastère, ce qui m’avait motivé, quelle était la raison. Je n’ai pas pu et je ne peux pas répondre à aucune de ces questions. Le Seigneur m’a amené ici. Je ne sais pas si je dois me souvenir de ce qui est lié au monde. Je me souviens souvent que, même dans les jeux que j’aimais, je me sentais insatisfait, vide.
Je ne savais pas où aller après le Gymnase, que choisir, quelle branche de la science, quel chemin de vie y correspondait. Rien ne me plaisait suffisamment pour m’inciter à abandonner à ce que j’ai choisi. J’ai eu un retournement dans ma vie, quand autour de moi, tout était infecté par des idéaux sociaux dans notre cercle de jeunes. Ce masque, qui couvre les artifices du malin et mène à la perdition, me plaisait au début, même si je ne pouvais pas le combiner avec la foi en Dieu, à laquelle je n’avais jamais réfléchi, au sujet de laquelle je n’avais jamais tiré de conclusion, ayant plutôt une mauvaise idée des choses de la foi, par exemple, à propos du monachisme. Auparavant, je ne me rendais pas compte de ce qu’est le monachisme, et puis je condamnais tous les moines en général. Ensuite, quelques mois avant d’arriver à Optina pour la première fois, j’ai commencé à m’interroger au sujet du monachisme : plairait-il à Dieu? Et j’en doutais jusqu’à récemment, jusqu’à mon entrée à la Skite, et probablement même lors de mon entrée j’avais encore des doutes. Maintenant, Dieu merci, tout s’est calmé et la vérité est prouvée par ma propre expérience, par la lecture de livres et par ce que je vois et entends. Comment puis-je remercier le Seigneur?
Quel bien le Seigneur m’a donné! Comment pourrais-je mériter ça? Oui, c’est la miséricorde de Dieu qui a bravé toute mon abomination. En effet, comment aurais-je pu de moi-même venir à la Skite, sans croire en l’idéal du monachisme, n’en ayant aucune idée positive, condamnant les moines, vivant la vie la plus douillette, ne voulant soumettre ma volonté à aucun mortels, ne priant ni le matin ni le soir (cependant, j’allais assez souvent à l’Église), lisant exclusivement des livres laïques (à l’exception du livre de l’Évêque Théophane avant mon départ pour Optina), pensant même au mariage? Une seule réponse: le Seigneur m’y a conduit.
Batiouchka avait raison, encore et encore, quand il m’en a parlé. Ensuite, cela ne m’a pas influencé, j’ai seulement mémorisé et puis rien. Mais maintenant, je commence à comprendre les paroles de Batiouchka.
Je vais revenir un peu en arrière. Ainsi, le retournement de ma vie a commencé, je pense, avec des idées sociales. De plus, dans mes rêves, (vraiment dans mes rêves, car je ne connaissais réellement rien à ce qui m’attirait un peu, idéalisant l’homme dans mes rêves), j’étais fasciné par cette seule chose et, étant dans un tel état anormal, j’étais en colère contre tous et contre tout. Je me suis éloigné de tous et de tout. J’ai cessé d’aller à l’église de la paroisse, et j’ai commencé à aller à l’église de la Résurrection à Kadachi.
Je remarque encore une fois (J’attache à cela une grande importance; c’est peut-être l’une des principales raisons qui m’ont amené au monastère et à Dieu, si je peux dire, si j’ai le droit de m’exprimer ainsi) que depuis l’âge de 12 ou 13 ans, je n’avais pas quitté l’église, quoi qu’il se passât. Comment je me tenais à l’église, comment je me délectais de mes rêves pendant les offices, (je vécu par le rêve, sans trouver satisfaction nulle part), cela ne m’inquiétait pas beaucoup. Je me demande, cependant: n’est-ce pas cette isolement qui m’a attiré à la conversation avec Dieu, à la prière, à ma vie actuelle à la Skite? Il ne semble pas y avoir d’autre chose de spécial. Ma vie est sortie de l’ornière de l’indifférence vis-à-vis de tout à ce moment-là, quand il y a eu ce retournement, qu’il faut considérer comme tout à fait négatif dans son principe. Oh, comme le Seigneur est bon, qui enraie le mal ou le transforme en bonnes conséquences avec Sa Divine Providence si pleine d’amour pour l’homme!
J’arrête, c’est assez. Peut-être tout cela n’est-il que discours oiseux, peut-être ne devrais-je pas écrire cela? Mais je prie le Seigneur de me pardonner mes péchés commis volontairement et involontairement.
Peut-être que tout n’est pas comme je l’ai écrit. Mais ce qui est écrit est écrit. (A suivre)
Traduit du russe
Source :                       

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.