Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

(…)
31 mai
Demain c’est la fête de la Sainte Trinité, le jour de la Sainte Pentecôte. Si nous vivons, et que Dieu donne, nous décorerons la nouvelle église avec des branches et brindilles de bouleaux. Le Seigneur me réconforte pleinement, moi le pécheur. Avec n’importe quelle obédience, je suis en paix, quelle que soit mon obédience, rien ne me pèse, tout le temps je suis de bonne humeur.
Un jour, je suis venu voir Batiouchka.
– Tout va bien? me demande Batiouchka.
– Oui, tout va bien, Gloire à Dieu.
– Oui, les novices se réjouissent toujours s’ils entrent au monastère de tout leur cœur. Il est dit dans le Psaume: Servez Dieu avec crainte, tressaillez de joie avec frémissement. Et donc, ils travaillent pour le Seigneur avec crainte, appréhendant de L’offenser en quoi que ce soit, et ils se réjouissent. Comment? En frémissant.
– Moi, Batiouchka, je commence maintenant à avoir peur du monde. Maman a dit qu’ils déménagent à la datcha, et cela me fait peur, comment n’ont-ils pas peur de vivre dans le monde?
– Ce n’est rien, c’est une crainte salvatrice. Vous vous éloignez de ce terrible monstre, le monde et, si Dieu le veut, vous vous éloignerez complètement de lui. Une fois, j’ai fait un rêve. Je marchais dans les bois et je vis qu’il y avait une longue bûche. Je m’assis tranquillement sur elle et soudain, je sentis que la bûche bougeait. Je sursautai et je vis que c’était un énorme serpent. Je m’enfuis en courant. Je sortis de la forêt, me retournai et je vis que toute la forêt brûlait, et autour d’elle, l’encerclant de son anneau, il y avait le serpent. Gloire à toi, Seigneur, de ce que je me suis enfui de la forêt; que me serait-il arrivé si j’étais resté dans la forêt? Ce rêve m’était incompréhensible. Plus tard, un moine du grand schème m’a expliqué. La forêt, c’est le monde. Dans le monde, ils pèchent et ne le sentent pas, ils ne réalisent pas qu’ils pèchent. Dans le monde se trouve et l’orgueil, et la flatterie, et la fornication, et le vol, et tous les vices. Oui, et moi, j’ai vécu comme ça, et n’y ai pas pensé. Tout à coup, j’ai vu que si on continue à vivre de cette façon, alors, peut-être périra-t-on, car après la tombe, la vie est bonne pour les bons, ou terrible souffrance éternelle pour les pécheurs. J’ai vu le monstre bouger, et j’ai vu qu’il est dangereux de s’asseoir dessus. Alors, comme je me suis éloigné du monde, quand je le regarde depuis le monastère, je vois que le monde entier brûle dans ses passions. C’est le «feu dévorant» dont parle le grand Canon de Saint André De Crète. Un homme est venu me voir, vivant déjà en famille, et il m’a dit qu’il avait commis l’adultère. «Partout, ça me brûle», disait-il, et en effet, il brûlait…
Je ne me souviens plus de ce que Batiouchka a dit. À ce moment-là, je n’ai pas eu à parler beaucoup, je me souviens seulement que j’ai dit ceci :
– Eh bien, Batiouchka je ne vois jamais ni n’ai jamais vu de tels rêves.
– C’est bien ainsi, et ne faites confiance à aucun rêve.
Je commence maintenant, semble-t-il, à être conscient (avec mon mental seulement, cependant) que je ne vis pas particulièrement bien, que je vis mal. J’oublie la prière de Jésus, je suis paresseux dans la prière, je mange trop. De façon générale je devrais vivre mieux, Mais je suis très insouciant, je n’y pense pas beaucoup. Et j’ai dit à Batiouchka que je disais la prière de Jésus sans y penser, que je suis constamment fier, et que je condamne les autres. Et tout cela, je m’en rend compte dans l’indifférence, seulement mentalement, je ne le ressens pas du tout.
– Que faire, c’est déjà bien que vous disiez la prière, vous ne pouvez rien faire immédiatement sans apprentissage; j’ai dit que c’était la science des sciences; commencez petit à petit, mais vous n’y arriverez pas tout de suite.
Quoiqu’il en soit de ma manière de vivre, je commence à réaliser que bienheureux l’homme qui est arrivé ici, et sera couché ici dans le cimetière de la Skite.
Maintenant, je prie toujours dans l’église, et je vénère les icônes, le coffre contenant les reliques et le bois de la Croix du Seigneur, afin que le Seigneur me fasse vivre tous les jours de ma vie dans cette sainte demeure et devenir un vrai moine. Je prie le Seigneur d’exaucer mon humble demande.
2 juin
Hier, pendant presque toute la journée, j’ai aidé le sacristain dans l’église et aujourd’hui de même, jusqu’à la liturgie. Le Père Ivan dit que Batiouchka ne m’a pas nommé temporairement, c’est-à-dire jusqu’au retour du Père Gérasime, mais m’a béni de façon générale pour cette obédience. Ces deux jours, l’office a été célébré dans la nouvelle église. J’aime mieux l’église du Saint Précurseur, elle est plus intime, accueillante de l’extérieur et à l’intérieur, et la nouvelle n’est pas vraiment ainsi.
Si nous vivons et si Dieu bénit cela, nous déménagerons la bibliothèque demain. Maintenant, mes journées entières sont occupées. Gloire à Dieu, le Seigneur m’affermit; rien de difficile, je ne suis pas particulièrement fatigué.
9 juin
Le carême des Saints Pierre et Paul est déjà arrivé. Toute la fraternité se prépare pour la première semaine. Dans notre bâtiment, Batiouchka a installé un étudiant de l’Académie de Kazan, le Hiérodiacre Nikon. C’est encore un jeune homme. Si Dieu le veut, nous vivrons avec lui, comme nous vivions avec mon frère Ivan en son temps. Un officier, un autre très jeune homme, est également arrivé chez nous à la Skite, pour le moment, il est à l’essai.
La bibliothèque a été déplacée, nous rassemblons tout dans la nouvelle salle, il y a beaucoup de travail.
Récemment, un novice et un moine rasofore sont revenus de Moscou. Ils sont allés chez le médecin pendant une semaine. Quand mon frère Ivan a demandé devant moi au frère Nikita: «Avez-vous déjà été à Moscou?», il a répondu: «Non». Et, se taisant, il ajouta: «Là, c’est l’enfer» Oui, après la vie à la Skite, Moscou ne peut guère plaire avec toute l’agitation qui lui est inhérente…
Je n’ai absolument pas une minute pour lire ou écrire. (A suivre)
Traduit du russe
Source :                       

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.