Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
(…)
– Et pendant les offices, Batiouchka, n’est-il pas nécessaire de réciter la prière de Jésus?
– Si vous entendez ce qui est lu ou chanté, alors vous n’avez pas besoin de la dire, vous devez écouter ce qui est lu, mais si vous n’entendez pas, alors vous la dites. Souvenez-vous bien de ça. C’est ce que disait Batiouchka Ambroise.
– Dire les cinq cents sans tunique à capuche et soutane, en chemise, est-ce autorisé?
– Oui, vous pouvez, tant que vous n’êtes pas encore rasophore mais simple novice.
– Est-il nécessaire ou non d’égrener le chotki sans dire de prière, car j’ai entendu que c’est ce qu’il faut, et cela me semble étrange.
– Sans la prière, c’est, bien sûr, inutile, un processus de passage des grains et rien d’autre. Mais c’est autre chose quand, en parlant avec les autres, on égrène rapidement le chapelet avec la prière: «Seigneur, aie pitié; Seigneur, aie pitié; Seigneur, aie pitié!..». Parfois, on dit d’autres prières sur le chotki, par exemple, cent fois à la Très Sainte Mère de Dieu. Il existe de telles épitimies. Mais sans prière, ne le faites pas.
– Le chotki, doit-on toujours avoir sur soi?
– Obligatoirement. Pour l’obédience dans la clôture du monastère, il doit être à la ceinture. Et quand vous sortez de la clôture du monastère, en ville, par exemple, ou pour la fenaison, il devrait être dans votre poche.
– Voici, Père, Abba Dorothée, Saint Pierre Damascène, l’Évêque Ignace (Briantchaninov), tout le monde dit qu’il est nécessaire de se surveiller soi-même, de vérifier notre vie, le soir pour ce qu’on fait pendant la journée, et le matin, pour la nuit. Et vous, vous me bénissez pour que j’effectue cette vérification de moi-même de la même manière?
– Que Dieu bénisse! Examinez-vous et repentez-vous de vos péchés. Bien sûr, le matin, vous ne devez vous rappeler que des transgressions grossières, par exemple, avoir trop dormi et être en retard aux matines, avoir jugé quelqu’un pendant les matines, s’être volontairement abstenu de certains devoirs et autres, car pour nous la nuit se passe dans les rêves, alors que chez pères de jadis, elle avait lieu dans la veille. L’Évêque Ignace dit «Ce que les saints pères des temps anciens attribuaient aux novices de leur temps ne peut maintenant s’appliquer qu’aux moines qui ont beaucoup progressé». En effet, vous vous dites peut-être que le monachisme actuel ne ressemble pas beaucoup à l’ancien. L’examen attentif de notre propre vie conduit à la connaissance de nos péchés; la connaissance de nos péchés conduit à la connaissance de notre faiblesse et au repentir, ce qui mène finalement à penser à Dieu et à la mort. Et rien ne peut être tout à fait prédéfini ici. Il suffira donc que nous nous souvenions de nos transgressions, que nous vérifiions notre vie et que nous nous repentions de nos transgressions qui ont eu lieu de jour et de nuit: «Pardonne-moi, Seigneur, d’avoir offensé mon frère, ou j’ai fait ceci et cela.»
– Ces jours-ci, je n’ai absolument pas eu le temps de lire, et quand j’ai lu la dernière fois, j’ai eu beaucoup de mal à lire; les pensées les plus diverses ne me permettaient pas de me concentrer, et à cause de cela même, l’envie de lire disparaissait.
– Sortez alors sur la terrasse, asseyez-vous, une vue paisible sur vous-même vous introduira dans un sentiment de prière. Il vous suffit de regarder notre église… Chasser les pensées, ce n’est pas en votre pouvoir, mais ne pas les accepter, ce l’est. Le Nom de Jésus les chasse. Et parfois, il est délibérément permis à une pensée de vous déranger, vous devez la supporter, en étant cependant en désaccord, avec elle… Batiouchka Ambroise n’avait pas de fils spirituel particulièrement proche, seul le Père Anatole était plutôt proche de lui, son collaborateur, pour ainsi dire. Il n’avait pas d’ennemis, il aimait tout le monde, même ceux qui ne l’aimaient pas; il les aimait plus que les autres. Et il y en a eu, et maintenant il y a encore dans le monastère, qui ne peuvent pas entendre parler de Batiouchka Ambroise. Vraiment nul n’est prophète en son pays. Saint Seraphim de Sarov était vénéré par toute la Russie et dans son monastère, il était détesté… Oui, nul n’est prophète en son pays…
4 mai
En semaine, je continue à travailler dans le jardin. Aujourd’hui, c’est dimanche. Je voulais lire maintenant, mais je ne peux pas; quelque chose m’en empêche. Je pense écrire quelque chose avec l’aide de Dieu.
Le 1er mai, j’ai encore réussi à parler un peu avec Batiouchka, et j’en fus très content. Batiouchka était très affectueux et parlait bien… En un mot, je fus très content de cette soirée.
– Alors, vous êtes allé au puits?
– Oui, Batiouchka.
– Ça Vous a plu?
– Oui.
– Oui, j’y vais aussi depuis 10 ans. Comme on se sent bien. C’est en partie du fait de marcher dans l’air frais, mais surtout c’est une grâce…
– J’ai dormi un peu trop aujourd’hui, j’en suis désolé, Batiouchka. Je n’étais pas en retard à la liturgie, j’y suis arrivé même avant le début, mais je n’ai pas lu les prières du matin. Bien sûr, je les ai lues après la liturgie.
– Eh bien, qu’y faire? Une autre fois, si cela se produit, voici ce que vous pouvez faire: commencez à lire les prières dans votre cellule, et terminez-les sur le chemin: vous les connaissez de mémoire. Les prières du matin peuvent être dites ainsi, mais pour le soir ce n’est pas facile, car alors, elles doivent être lues avec la tête découverte, même les klobouks sont enlevés pendant leur lecture. Mais le matin, vous pouvez le faire.
– Et, Batiouchka, si on oublie le matin ou le soir de s’examiner soi-même?..
– Ce qui n’a pas été fait n’a pas été fait. Vous ne pouvez pas vous y habituer immédiatement…
– Et si j’examine ce qui s’est passé, je dois vous dire que je l’ai fait ou pas?
– Le but de cet examen de soi-même est d’acquérir des compétences dans ce domaine. Au début, vous allez manquer de le faire, peut-être pendant trois jours, puis ces manquements seront de moins en moins longs et fréquents, et au bout de dix ans, vous aurez acquis cette aptitude à toujours vous examiner vous-même. Et après un tel examen, il n’est pas besoin de parler, seulement de ce qui est le plus important, seulement des transgressions grossières…
– Par exemple quand on a dormi trop longtemps?
– Oui, c’est important.
– Ou encore les propos oiseux? Et le plus désagréable, c’est qu’on parle de façon oiseuse, et qu’on ne peut s’en empêcher.
– Oui, et c’est très important. C’est en vous les rudiments de la vie neptique. Quand quelqu’un parle de façon oiseuse, alors il ne peut pas vivre attentivement, il est constamment distrait. Du mutisme naît le silence intérieur, du silence naît la prière, car comment peut prier celui qui est dispersé? L’attention à soi-même, une vie neptique, c’est le but du monachisme. Il est dit: écoute-toi ! Le silence, sans lequel il est impossible de vivre, est un podvig. Car quand quelqu’un se tait, l’ennemi dit immédiatement aux autres: «Regarde comme il est fier; il ne veut même pas te parler.» Alors que ce n’est pas du tout le cas. D’où l’affliction. Par conséquent, si quelqu’un décide de mener ce podvig, il doit se préparer aux afflictions. Et on n’y parvient pas rapidement ni facilement. Et pourquoi est-il si élevé et nécessaire? C’est parce que «le silence est le mystère du siècle à venir». Celui qui se tait se prépare directement à l’au-delà. Batiouchka Macaire disait souvent: «Regardez, tous les saints se taisaient: Saint Seraphim de Sarov était silencieux, Saint Arsène le Grand était silencieux. C’est pour ça qu’il est grand. Quand on lui a demandé pourquoi il était silencieux tout le temps, il répondit: «Croyez-moi, frères, je vous aime tous, mais je ne peux pas être avec vous, et avec Dieu, c’est pourquoi je m’éloigne de vous». Et Saint Jean Climaque dit «Après avoir parlé, même de l’âme, je me suis souvent repenti de ce que je n’ai jamais été silencieux». Batiouchka Macaire a dit «Il y a Saint Arsène le Grand, et nous en Russie, nous aurions notre Arsène le Grand, s’il avait choisi une autre voie; c’est Ignace (Briantchaninov). C’était un grand esprit!». (A suivre)
Traduit du russe
Source :
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.