Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

(…) Maintenant, partout, le christianisme est détesté, partout. C’est un joug pour eux, qui les empêche de vivre librement, de commettre librement le péché. Une fois de plus, Goethe a dit à propos du christianisme: «Je déteste seulement deux choses: les punaises de lit et le christianisme». Regardez, quelle moquerie, quel blasphème! Quand il mourut, il cria: «Plus de Lumière! Plus de lumière!» Paroles effrayantes. Ainsi, les ténèbres de l’enfer s’étaient déjà abattues sur lui. C’est ainsi qu’ils détestent maintenant le christianisme et, à la mort, ils vont au fond de l’enfer; alors qu’ici, dans le silence, ils sont sauvés, comme par exemple le Père Théodule».
Au sujet de celui-ci, Batiouchka a dit: «Sa personne a toujours été pareille à ce que l’Évangile dit au sujet de Jésus-Christ, «Il allait à Jérusalem», son visage était comme la cire; il ne pensait plus à rien de ce monde, il avait perdu toute dépendance au monde. J’ai remarqué cette expression chez certains artistes. Par exemple, lors d’une soirée, Maïkov et Polonski ont lu leurs œuvres, et chez Maïkov elle était un peu perceptible, elle a un peu scintillé pendant qu’il était fort inspiré. Mais toute la plénitude de cette expression se trouve chez les moines… Oui, il est à Jérusalem…»
Quand Batiouchka m’a rappelé l’humilité, il m’a dit ce qui suit.
«Une femme, encore jeune, est arrivée sur une île déserte. Lors du naufrage, ou de ce qui arriva, elle seule y parvint et y demeura sans voir personne, pendant quarante ans. Bien sûr, son unique consolation était dans la prière; et elle a commencé à lutter par le jeûne, les veilles et la prière, s’imposant divers podvigs. Puis, un jour, un navire s’est amarré à l’île, elle y embarqua. Quand elle arriva sur la terre ferme, elle alla voir un grand et saint héros de l’ascèse pour vérifier avec lui ses podvigs et lui dit:
– Je suis restée seule pendant quarante ans, et j’ai mené tel et tel podvig. Dis-moi, père, ai-je réussi beaucoup et qu’ai-je atteint?
Le starets lui demanda:
– Dis-moi, acceptes-tu les insultes comme des bénédictions?
– Non, père.
– Vas, tu n’as rien acquis!
Vous voyez comment la réussite est vérifiée. C’est pourquoi je dis: s’il y a de l’humilité, tout est là, et s’il n’y a pas d’humilité, rien. On peut même, disent certains, être sauvés par la seule humilité, sans aucune œuvre.»
Après avoir parlé de tout ça, il était neuf heures du soir. Comme toujours, nous nous sommes signés. Batiouchka s’est arrêté, puis dit:
– Ils ne frapperont plus.
– Comment? demandai-je.
– Neuf heures du soir, le 4 mars 1908, et ils ne frapperont plus comme ça. Certes, demain matin, ils frapperont, et le soir aussi, mais ce ne sera plus la même chose, car ce temps est déjà passé, et chaque son du balancier nous enlève du temps et nous rapproche de la mort…
Puis la conversation se poursuivit; je ne me souviens pas de ce dont il fut question.
Puis j’ai parlé à Batiouchka des hallucinations venant du malin et je lui ai rappelé ses paroles, qu’il m’avait dites plus tôt.
7 mars
[N.d.E. Suite de l’entretien du 4 mars, notée le 5 mars]
Sur ce Batiouchka a dit: «Vous avez donc vu plus, et au plus vous vous efforcerez de vivre la vie monastique, au plus vous serez mis à l’épreuve». Je me souviens qu’au cours de cette hallucination, quand j’ai eu très peur, j’ai commencé à dire la prière de Jésus, et au premier mot, j’avais seulement dit: «Seigneur…», tout s’est immédiatement arrêté, bien que, peut-être, pour un moment seulement, maintenant je ne m’en souviens plus. Quand j’ai dit cela, le Batiouchka a ajouté: «Oui, eux aussi reconnaissent la puissance de la prière…».
Tout à la fin de l’entretien, j’ai parlé à Batiouchka du tout premier psaume que j’ai lu à l’église (le 105). Batiouchka prit le Psautier et me commanda de le lire. Je trouvai le psaume et commençai. Quand j’atteignis les versets 10-15, Batiouchka me dit de recommencer, j’ai recommencé, et quand je suis arrivé presque au même endroit, Batiouchka referma le Psautier et dit: «Dieu donnera, le temps viendra, vous comprendrez par vous-même la signification de ce Psaume», ou quelque chose comme ça.
Ensuite, maintenant je ne me souviens pas qui Batiouchka cita, ce n’était ni Saint Pierre Damascène, ni le Père Théodule, quand il dit: «Je chanterai mon Dieu, tant que je serai». Je ne me souviens pas d’autre chose que ça.
Il était déjà onze heures, et Batiouchka m’a dit de lire les prières du soir, car je ne les avais pas encore lues et entendues lors de la règle. Quand j’eus terminé toutes les prières, Batiouchka se mit à dire par cœur certaines prières dont je me souviens. Par exemple, «Vierge Mère de Dieu, Réjouis-Toi, Marie…», Batiouchka l’a dite douze ou quinze fois, je n’ai pas compté exactement, et je l’ai dite cinq fois. Batiouchka m’a demandé si je connaissais par cœur le psaume «Celui qui vit dans l’aide du Très Haut…». J’ai répondu que non. Il me semble que Batiouchka a dit alors : «Je conseille à tous de le connaître par cœur», car il délivre de grands dangers et a un grand pouvoir.»
Puis il a lu quelques tropaires, par exemple «Règle de foi et modèle de douceur…» à Saint Nicolas Le Thaumaturge. Il a commémoré les saints dont on fêtait la mémoire, et encore beaucoup d’autres saints. Après tout cela, il m’a béni et je suis parti.
En passant, je vais écrire aussi quelques-unes des instructions reçues lors de la confession.
«Quand Vous avez des rêves, ne les contredisez pas et ne les chassez pas, mais acceptez-les simplement, oui, en eux il y a un rocher; et le rocher est le Nom du Christ [N.d.E. 1Cor.10,4], la prière de Jésus. Ne soyez pas fier, ne soyez pas vaniteux, ni en vous-même ni devant les autres. Il est écrit: ne sonnez pas de la trompette devant vous-même ni devant les autres [N.d.E.Math 6,2], mais considérez-vous comme le pire de tous et habituez-vous à l’idée que vous êtes condamné aux tourments infernaux, que vous êtes digne d’eux et que vous ne pourrez vous débarrasser d’eux que par la grâce de Dieu. Ce n’est pas facile, et seuls les saints parviennent à se considérer comme dignes des tourments infernaux et à se considérer comme les pires de tous.» (A suivre)

Traduit du russe
Source :                       

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.