Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
29 janvier
Pour Ivanouchka et moi, c’est un jour remarquable : on nous a revêtus de l’habit de novice. Si Dieu le veut, j’écrirai tout cela en détails demain. Je suis un peu fatigué, voilà que je rentre des vigiles ; demain, on commémore les trois Saints Docteurs du Christ, et aujourd’hui, c’était Saint Ignace le Théophore ; voilà en quel jour le Seigneur nous a trouvés dignes d’entrer dans le troupeau des élus. Gloire et action de grâce à Dieu.
30 janvier
Ainsi, hier soir, 29 janvier, jour de la commémoration de Saint Ignace le Théophore, à 20h30, nous sommes allés auprès de Batiouchka lui demander sa bénédiction pour aller nous revêtir de l’habit de novice, et l’ayant reçue, à 21h, nous sommes allés chez le Père Archimandrite afin de lui demander sa bénédiction. Quand nous l’eûmes reçue, nous sommes allés devant les tombes des Startsy. Nous leur avons demandé à eux aussi leur bénédiction et nous avons prié. Ensuite, nous sommes allés à l’économat. Après avoir essayé et revêtu en priant les habits, nous sommes de nouveau allés demander la bénédiction sur les tombes des Startsy et auprès de l’Archimandrite. Nous avons rencontré le Père Théodose et demandé sa bénédiction. Ensuite, nous sommes retournés à la Skite. Devant le portail, nous avons fait trois grandes métanies avant de nous rendre chez Batiouchka. Nous avons été accueillis par les auxiliaires de cellule et les frères qui étaient présents. Enfin, Batiouchka arriva, nous avons fait une grande métanie devant les icônes, puis aux pieds de Batiouchka. Il nous a bénis, embrassés il me semble (je ne me souviens plus bien), et a commencé à prier. Batiouchka pria à haute voix, et je me souviens de ceci : «Je te Remercie, Seigneur, d’avoir caché ces choses aux sages et aux intelligents, et d’avoir ouvert ces choses aux enfants. Je te remercie, Seigneur, d’avoir amené Nicolas et Jean ici». Ensuite, il pria le Seigneur de nous permettre de parcourir la voie monastique et d’en atteindre le but. Il nous donna des chotkis et dit :
«Voici une armes, battez-en sans pitié les ennemis invisibles. Avant tout, ayez toujours la crainte de Dieu, sans elle vous n’arriverez à rien. Une nouvelle vie commence maintenant pour vous. Vous aviez l’impression de vivre à la Skite, mais ce n’était pas tout à fait le cas. Maintenant, on entend les démons raconter : ils étaient presque dans notre poche, et voilà qu’ils sont venus ici pour être sauvés. Comment est-ce possible? Etc. Mais n’ayez pas peur. Je considère qu’il est de mon devoir de vous parler de moi. J’étais encore à Kazan quand j’ai décidé de tout abandonner. J’avais introduit ma demande de mise à la retraite et je rendais une visite d’adieu à un collègue avant mon départ. Je suis passé en fiacre devant l’église de la Sainte Trinité. Sur le mur était accrochée une icône du Christ Sauveur en pied, les bras largement écartés. D’habitude, je passais toujours en me signant avec vénération, sans plus, et je poursuivais mon chemin. Cette fois, j’étais pensif et baissais la tête. Soudain, je relevai la tête et vis cette icône, et j’eus l’impression que quelqu’un dit directement dans mon cœur: «Maintenant tu es à Moi.» Le Christ semblait me dire directement: «Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai.» (Math.11;28).
Jamais cette icône ne m’avait fait l’impression qu’elle fit alors. J’avais été touché, les larmes ont coulé de mes yeux. Le fiacre était passé depuis longtemps, et devant mes yeux se trouvait toujours cette icône. Cela s’est ainsi gravé dans ma mémoire pour la vie. Je crois que c’était un devoir de vous le faire savoir.»
Ensuite, Batiouchka nous donna, pour nous deux, trois livres: «la Mort des justes. Lettre de Claudia Procla, la femme de Pilate», «Materikon: Recueil d’instructions d’Abba Isaïe rassemblées par la vénérable moniale Théodora», de l’Évêque Théophane et «Au sujet de la bienséance extérieure et du comportement des novices au début de leur chemin» par Mgr Ignace (Briantchaninov) (Ce livre se trouve chez Ivanouchka et je ne me souviens pas bien du titre). «Voici, pour vous deux, car vous devez être un.»
Ensuite, Batiouchka posa des questions au sujet de notre passage chez l’économe et auprès du Père Archimandrite, mais nous n’avions pu parler avec le Père Archimandrite car son auxiliaire de cellule Ivan venait de décéder subitement. J’en informai Batiouchka, qui réagit vivement : «Comment, comment?». Je répétai la nouvelle.
«Oui, ainsi donc mon pressentiment était vrai. Je ne suis que le moindre des startsy, et pourtant surgissent à travers moi des révélations. Le Père Ivan vint chez moi hier. En tant que père spirituel, je sais tout de lui. Récemment, il a été directement attaqué par le malin qui l’a poussé jusqu’au point où il a décidé de retourner dans le monde. Il est venu à moi et a dit:
– Bénissez mon départ.
– Je lui répondis: Comment pourrais-je te bénir pour une chose pareille? Imagine que tu conduis un bateau vapeur la nuit. Il y a une tempête en mer, le navire fonce à toute vapeur. Et tu me dis: «bénissez pour que nous nous précipitions dans l’abîme et les ténèbres…» Cela revient à ça.
– Non, Batiouchka, ce n’est pas comme ça.
– C’est pire encore. Juges-en par toi-même: avec ta santé, tu ne vivras plus longtemps. (Et c’est ce qui s’est passé). Reste donc ici.
Et vous voyez ce qui s’est passé? C’est toujours comme ça. Les serviteurs du malin voient qu’un homme ne vivra plus longtemps, alors ils essaient de le sortir du monastère, espérant le détruire avant qu’il ne meure, pour le pousser dans l’abîme. La violation du vœu qui a été pris est déjà à elle seule mortelle.
Il y eut le cas ici du fils d’un millionnaire, entré à la Skite. Auparavant, il vivait très librement, bientôt il se fatigua de la vie monastique, et il est parti. Et quelle est la vie de ce malheureux maintenant? Il marche avec un haut-de-forme et une canne le long de la Perspective Nevski, rien de plus. Mais le Père Ivan, Dieu merci, est mort sur la croix. Je crois qu’il est sauvé».
Nous avons prié pour son repos. Batiouchka a lu les prières, et nous avons écouté et prié. «Eh bien, maintenant, allez au réfectoire pour le repas. Remerciez Dieu d’avoir reçu une telle miséricorde de sa part. Aujourd’hui, c’est un jour important, avec la commémoration de Saint Ignace le Théophore. La paix soit avec vous.»
Après être passés en courant à nos cellules, nous sommes allés au repas où nous avons été félicités par toute la fraternité. Frère Ivan, qui partage notre cellule, nous a félicités dans notre bâtiment, dans le couloir. Et le Père Nectaire après le repas, quand nous sommes sortis, m’a dit : «Je vous souhaite de suivre ce chemin avec humilité, patience et gratitude», et il est parti en se hâtant. J’aime le Père Nectaire, mais il est tellement bizarre.
Nous avons participé aux vigiles, déjà en habits de novices. Maintenant, Batiouchka nous a appelés. Il nous a donné une tunique et un pot de confiture, pour nous consoler à l’occasion de la fête. Sauve-le, Seigneur! Il nous a raconté sa visite à deux bienheureux: Ivanouchka et Anouchka.
Je ne peux écrire plus longtemps aujourd’hui.(A suivre)
Traduit du russe
Source :
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.