Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

(…) Je demandai de pouvoir revêtir l’habit de novice. Batiouchka fut d’accord, mais la règle était de remettre cinq cents roubles au monastère. J’ai écrit à la maison pour demander de l’argent. On sera bientôt le 2 février, et pour nous, c’est un jour important.
«Essayez de façon générale de vous affermir ici tant que je suis encore en vie. Ce qui se passera quand je ne serai plus là, on n’en sait rien. Je prie Dieu de me maintenir en vie encore six mois ou un an, afin de vous aider à vous affermir».
Nous avons alors prié et puis, Batiouchka m’a donné sa bénédiction.
Parfois, j’étais perturbé par l’idée que le monachisme m’avait détourné de mes idéaux. Je le lui ai dit. «Oui, oui, c’est vrai, il vous en a détourné. Et cela ne plaît pas beaucoup au malin, et il s’insurge contre le monachisme contemporain. Le monde entier tient grâce à ce monachisme. Quand le monachisme ne sera plus, alors viendra le Jugement Dernier». Batiouchka cita un texte à l’appui de ces paroles, mais j’ai oublié de quel texte il s’agissait. Ensuite, Batiouchka me donna trois prosphores, une pour moi, une pour Ivanouchka et une pour le frère Ivan, il me dit «Soyez en paix» et me donna congé.
23 janvier
Aujourd’hui, après les matines, à sept heures, un moleben fut célébré, pour la santé de tous les frères de la Skite, et particulièrement pour ceux qui étaient malades.
Étonnamment, après cela, beaucoup sont immédiatement tombés malades, à commencer par Batiouchka et puis les novices. Qu’est-ce que cela signifie? Probablement une punition de Dieu pour nous faire réfléchir. Batiouchka n’accepte encore aucun frère auprès de lui pour une bénédiction. Mais il n’y a rien d’exceptionnel à cela.
J’aimerais aussi préciser que la cuisine est délicieuse. Des aliments aussi simples que la soupe de chou rouge avec de l’huile carémique et la bouillie de sarrasin semblent plus savoureuses que tous les aliments que j’ai mangés à Moscou, à la maison.
Je me souviens de l’année dernière à Pâques, quand nous sommes partis d’ici, je me suis dit: «Qu’est ce que ces gâteaux de Pâques me semblent délicieux.» Alors quoi? Je mange de la caillebotte avec de la crème aigre, du sel et du pain noir avec beaucoup de plaisir. J’en suis même surpris.
La nourriture relativement maigre qu’on mange ici est beaucoup plus savoureuse que celle de Moscou, celle qu’on mange à la maison. A mon avis, c’est le Seigneur Lui-même qui rend ici la nourriture délicieuse. Jusque maintenant, la nourriture ne me pèse pas du tout, et même au contraire, bien que mon estomac enfle après le repas du soir. Gloire à Dieu pour tout.
Oh, si je pouvais vraiment dire ces mots sincèrement, en les ressentant profondément, de tout mon cœur!
24 janvier
Aujourd’hui on a célébré des vigiles; demain on commémore Saint Grégoire le Théologien et on fête l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu «Soulage ma tristesse». Lors des vigiles, il fut immédiatement évident que beaucoup n’étaient pas présents. De façon surprenante, tout le monde a des maux différentes. J’ai commencé à avoir mal au ventre, mais c’est passé très rapidement. Jusqu’à présent, Dieu tolère mes péchés.
Il n’y eut rien de spécial pendant cette journée.
25 janvier
Demain, c’est le jour de l’ange du Père Archimandrite. C’est pourquoi il y a eu des vigiles aujourd’hui. Au cours de ces vigiles, la tentation était telle que tout le monde, ou plutôt presque tout le monde, riait. Le Père Nikita Ivanovich lisait tout à fait admirablement mais à un moment, je tremblais de rire; malgré que je faisais sans cesse le signe de croix, et la prière de Jésus, je ne parvenais pas à me calmer. Et en fait, il n’y avait rien de drôle, et je n’ai pas ri quand il a lu hier. Batiouchka m’a vraiment manqué. Recevoir sa bénédiction fût-ce une fois, cela signifie beaucoup. Maintenant, je vois moi-même qu’il est très difficile de vivre sans starets.
26 janvier

Saint Barsanuphe d’Optina

Aujourd’hui c’était les vigiles du dimanche. J’ai chanté, malgré que je n’avais pas demandé la bénédiction de Batiouchka pour chanter, et j’étais donc mal à l’aise au début. Je l’ai dit au Père Arsène, le maître de chœur! Il m’a rassuré. J’ai terminé l’obédience concernant les lettres du Père Ambroise. Peut-être faudra-t-il encore vérifier l’une ou l’autre chose, mais ce sont des vétilles.
Je suis allé chez Batiouchka, mais il n’a pas accepté de me recevoir.
27 janvier
J’ai reçu la nouvelle de l’envoi d’argent pour moi et Ivanouchka, six cents roubles. Si Dieu le veut, je les recevrai demain et j’en disposerai comme il se doit, avec la bénédiction de Batiouchka.
Batiouchka continue à ne recevoir personne. J’ai même commencé à me décourager, le doute entame son attaque. Avec Batiouchka, il serait expulsé instantanément, mais que la volonté de Dieu soit faite.
Aujourd’hui, j’ai senti très clairement que c’est Dieu qui m’a vraiment amené ici à la Skite, et pas moi-même. Il me sembla même que je n’avais pas de volonté propre à ce sujet.
Des mendiants viennent à nous, je ne sais que faire avec eux? Ne pas donner? Je ne peux pas les chasser, mais si je donne, il n’y aura très vite plus rien à donner, car j’ai peu d’argent. Je n’aime pas la présence de l’argent, mais elle ne me fait pas particulièrement souffrir. Que la volonté du Seigneur soit faite. Il faut se soumettre.
28 janvier
J’ai reçu l’argent. J’ai donné cinq cents roubles au Père Archimandrite pour moi et Ivanouchka, et cent roubles à la Skite, aussi pour nous deux. J’ai donné, et Gloire à Dieu.
Aujourd’hui, je suis allé deux fois chez Batiouchka: le matin et à deux heures et demie; les deux fois pour des questions pratiques, car pour une conversation spirituelle, il est encore très faible. Batiouchka a demandé de prier pour lui, pour que le Seigneur le relève de son lit de malade.
La première fois, j’y suis allé pour l’obédience concernant la publication des lettres du Père Ambroise. J’ai remis le travail au Père Éraste, mais il a de nouveau trouvé à y redire. Je ne m’inquiète pas du fait que mon travail soit vain, ou quasiment, mais de ce que cela implique que toute l’entreprise en soit mise à mal et qu’il advienne quelque chose de pire encore, qui me serait en tout cas désagréable. Mais j’ai fait ce qu’on m’avait demandé, j’ai obéi, et que la volonté du Seigneur soit faite en cette affaire.
La deuxième fois, je suis allé avec Ivanouchka pour l’argent. Batiouchka a donné sa bénédiction pour que nous revêtions l’habit de novice. Nous sommes allés chez le Père Archimandrite et il nous a bénis pour que nous revenions demain à neuf heures pour obtenir un reçu pour l’argent remis et une note à donner à l’économe pour qu’il nous donne les vêtements. Que Dieu veuille que nous puissions en être revêtus pour la Sainte Rencontre de notre Seigneur.
Conformément à la bénédiction de Batiouchka, nous avons donné l’argent pour l’embellissement de l’église de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan, qu’il est prévu de restaurer au printemps. Batiouchka a dit que ce n’était pas à lui que nous donnions l’argent, mais à Saint Jean le Précurseur, et que chaque kopeck sera porté à notre crédit lorsque tout ce qui est matériel aura perdu sa valeur.
Gloire et action de grâces à Dieu, apparemment, Batiouchka va mieux. Que Dieu fasse qu’il se rétablisse complètement. Maintenant, Batiouchka donne sa bénédiction pour que je lise la vie du Père Moïse et celle du Père Antoine, et quand j’aurai revêtu l’habit, si Dieu le veut, je commencerai par Abba Dorothée.
J’ai reçu, aussi, avec mon passeport, une lettre de la maison, de maman, et il semble qu’elle ne se sente pas bien. Sauve-la, Seigneur! (A suivre)
Traduit du russe
Source :                       

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.