Écrits

Le Métropolite Ioann de Saint-Pétersbourg et Ladoga, de bienheureuse mémoire, est l’un des auteurs russes les plus traduits sur le présent blogue. Sa vie est longuement abordée dans la rubrique qui est consacrée à Vladika Ioann.
Le texte ci-dessous est la suite de la traduction inédite en français d’un long chapitre, en réalité un addendum, d’un livre édité à partir de leçons données par le Métropolite Ioann, alors encore Archevêque de Samara, à l’Académie de Théologie de Leningrad en 1989, au sujet de la situation de l’Église en Russie au début du XXe siècle, des schismes qui l’ébranlèrent et des grands confesseurs de la foi qui la maintinrent à flots contre vents et marées. La vie de trois d’entre eux est abordée par Vladika Ioann: le Saint Métropolite Benjamin (Kazanski) de Petrograd et Gdov, le Saint Archevêque Hilarion (Troïtski) de Vereya, et le Saint Hiéromoine Nikon (Beliaev) d’Optino. L’original russe est donc l’addendum du livre «Rester debout dans la foi» (Стояние в вере), publié à Saint-Pétersbourg en 1995, par les éditions Tsarskoe Delo.

Le Hiéromoine Nikon (Beliaev) d’Optina
Le Hiéromoine Nikon fut un héros de l’ascèse, qui représenta par sa vie les idéaux élevés de l’esprit monastique et qui scella ceux-ci par sa fin de martyr. Voici son chemin de vie et l’aboutissement de celui-ci.
À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, la famille marchande Beliaev vivait à Moscou. Mitrophane Nikolaïevitch Beliaev, le chef de famille, était un paysan de la province de Voronège dans le District de Zemliansk. Après la mort de sa première femme, il épousa la fille du marchand de Moscou Chvetsov, Vera Lavrentievna. Tous deux étaient des gens religieux. Le 26 septembre 1888, les époux Beliaev eurent un fils, qui, lors de son saint baptême, fut nommé Nicolas en l’honneur et la gloire du Saint Évêque du Christ Nicolas, le thaumaturge de Myre en Lycie. À ce moment-là, ils avaient déjà trois enfants : Lioubov, Nadejda et Vladimir. Nicolas naquit le quatrième.
Le petit Nicolas grandit, absorbant discrètement avec le lait de sa mère toutes les bonnes qualités de l’âme de celle-ci. Il croissait physiquement et spirituellement. C’était un enfant mignon et amusant et il jouissait de l’amour exceptionnel de ses grands-parents. Il était par nature doté d’un caractère vif, joyeux et énergique. Par ces qualités, il se démarquait de ses frères. Sa joie de vivre était communicative. Partout où il apparaissait, l’ennui disparaissait et la joie se répandait. Il respirait la joie. Et il demeura tel jusqu’à la fin de ses jours, à la seule différence que la joie irréfléchie des enfants fut remplacée par une joie tranquille, fruit d’une culture spirituelle élevée.
À en juger par les souvenirs de son frère Ivan, la caractéristique distinctive de Nicolas dans son enfance était la patience et une très grande retenue. Selon sa mère, Nicolas, comparé à ses frères, fut un enfant exceptionnellement patient depuis l’époque où il portait encore des couches. Même pendant les maladies et les souffrances physiques en général, il étonnait tout le monde par son courage, inhabituel à son jeune âge.
Aussi étrange que cela puisse paraître pour La famille Beliaev à l’esprit religieux, les enfants, quand ils étaient petits, étaient rarement emmenés à l’église, surtout pendant la saison froide, par crainte des refroidissements. Les enfants étaient aimés, choyés, mais on ne leur permettait aucune liberté, et ils n’osaient même quitter la maison sans demander la permission. A la maison, dès leur plus jeune âge ils apprirent à prier Dieu matin et soir. De plus, une petite règle de prière fut élaborée spécialement pour eux; elle consistait en les prières suivantes «Roi Céleste», «Notre Père», «Mère de Dieu et Vierge, réjouis-toi», le tropaire à l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan et d’autres encore, puis, une brève adresse au saint protecteur, Saint Nicolas le thaumaturge. La règle se terminait par une prière pour la santé des vivants de la famille, en commençant par le grand-père et se terminant par le petit frère. Après la mort de son grand-père, de sa grand-mère et de son père, une autre prière pour le repos de leurs âmes fut ajoutée. Les prières étaient dites par cœur, à voix haute, à tour de rôle. Pendant la prière, la mère était toujours présente.
Sans compter les livres profanes, choisis avec soin, qu’on donnait aux enfants, ils lisaient souvent à haute voix l’Évangile et la vie des saints ou étaient invités à les lire eux-mêmes à part.
L’âme pure et réceptive de Nicolas était extrêmement troublée par les vérités qui lui étaient révélées par la lecture des vies des saints et d’autres livres spirituels, ainsi que lors de l’étude de la «Loi de Dieu» à l’école.
Souvent, il réfléchissait à la question de la différence sociale entre les gens, alors qu’ils étaient tous d’une même nature. Son cœur se serrait douloureusement de pitié pour ces enfants qui (il le savait bien d’après les histoires des adultes et de ses camarades), à moitié vêtus et affamés, vivaient dans des caves humides ou erraient dans les rues de Moscou, demandant des aumônes aux passants.
Versant des larmes amères, il s’endormait parfois dans son lit en pensant à Dieu, à Son omniprésence et à Sa toute-puissance. Il était particulièrement préoccupé par la réflexion sur la mort, l’enfer et les tourments éternels qui attendaient les pécheurs. Devant un tel afflux de pensées, il tardait beaucoup à s’endormir, alors que ses frères dormaient depuis longtemps. Son esprit d’enfant était incapable de comprendre toute l’ampleur colossale de ces idées. Il était particulièrement frappé par le fait que les tourments seraient éternels, c’est-à-dire sans fin. Cette éternité était ce qui l’effrayait le plus. Elle était incompréhensible pour l’être humain qui vivait sur terre, dans le temps.
Quand vint le temps d’entrer à l’école, Nicolas franchit le seuil du lycée et devint élève. Il étudiait facilement et il assimilait rapidement les matières qu’on lui enseignait. Dans les murs de ce lycée Nicolas posa un fondement solide à son développement spirituel.
Un jour, le recteur de l’église de la Très Sainte Mère de Dieu «Joie de tous les affligés», le Père Siméon Liapidevski, dit lors d’une confession à Nicolas qu’il devait aller sans faute à l’église le dimanche : «C’est notre devoir envers Dieu». À partir de ce moment-là, Nicolas commença à fréquenter plus souvent l’église, parfois même en semaine. Et bientôt, comme il avait une bonne voix, Nicolas se mit à chanter et à lire au chœur et à servir dans le sanctuaire, dans cette même église «Joie de tous les affligés».
En 1905, la révolution éclata. Nicolas, avec d’autres élèves du lycée, réagit vivement aux événements et participa à toutes les manifestations de ses camarades à l’humeur favorable à la révolution. Pour avoir participé à l’une de ces manifestations, Nicolas fut exclu du lycée, tout en étant autorisé à présenter les examens de terminale en qualité d’élève externe.
La révolution infructueuse de 1905 força Nicolas à reconsidérer les idées sociales qui l’avaient attiré depuis un certain temps, à s’éloigner de toute politique et se tourner vers les choses de la foi. Souvent il engagea de longues conversations avec son frère Ivanouchka sur des sujets théologiques, moraux et sociaux. Tous deux arrivèrent à la conviction que pour une vie véritablement chrétienne, il ne suffit pas de fréquenter l’église, ni même de lire et de chanter dans le chœur. (A suivre)
Traduit du russe

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