Le texte ci-dessous est la suite de la traduction en français de la version russe du livre «Geronda Arsenios, le Spiléote, compagnon des exploits ascétiques de Geronda Joseph l’Hésychaste».
La version russe utilisée est «Старец Арсений Пещерник, сподвижник старца Иосифа Исихаста / Монах Иосиф Дионисиатис», éditée en 2002 à Moscou par le Podvorié de la Trinité-Saint Serge. L’original grec (Ο Γέρων Αρσένιος ο Σπηλαιώτης (1886-1983)) ne semble plus édité depuis 2008. Il en existe une version anglaise datée de 2005, sans mention de la maison d’édition. Une traduction officielle en français de ce remarquable petit livre n’existe pas à notre connaissance. Notre traduction sera poursuivie sur le présent blog jusqu’où Dieu le voudra.
Obéissance des deux héros de l’ascèse au simple et saint Geronda Ephrem
La lettre 37 dit encore : «Finalement, nous trouvâmes un geronda simple, gentil et ingénu, qui nous donna sa bénédiction pour que noue menions le combat ascétique autant que possible et de nous confesser avec le confesseur qui nous conviendrait le mieux.» Ce geronda était le célèbre Père Ephrem le tonnelier, dont la kaliva était dédicacée à l’Annonciation à la Très Sainte Mère de Dieu et se trouvait un peu en-dessous du célèbre hésychastère des Danieli. Ce bon geronda n’a pas tardé à tonsurer au grand schème le novice Francis, le renommant Joseph.
Il serait injuste de garder le silence sur les vertus de ce saint Geronda Ephrem, et surtout sur son dépouillement, sa générosité, et sa frugalité. Mais la couronne de toutes ses vertus était une simplicité bénie, que beaucoup ont malheureusement utilisée afin de poursuivre leurs intérêts égoïstes.
Son occupation principale était la fabrication de tonneaux. Il n’a jamais refusé d’aider personne, peu importe s’il était occupé, et il n’a jamais demandé d’argent à personne. D’une part, il était un remarquable tonnelier, et de l’autre, il demandait ce qu’on lui donnait. La conséquence était que geronda travaillait jour et nuit pour les autres et consacrait donc moins de temps au labeur spirituel.
Même des laïcs l’apprirent et vinrent demander des tonneaux à geronda. Alors il terminait le tonneau en cours, et malgré le fait que son coût était alors de mille drachmes, on lui en donnait cinquante-cent et on lui demandait:
– C’est bien comme ça, Père Ephrem?
– Oui, oui, c’est bien, merci.
Le Père Arsenios disait : «Nous avons tout de suite compris ce qui se passait, c’est pourquoi, un jour, le Père Joseph m’appela et dit: «à cause de ce travail d’artisan, non seulement notre hésychia est perturbée, mais geronda pourrait souffrir de surmenage, parce qu’il ne peut rien refuser à personne à cause de sa générosité. Prions d’abord, Père Arsenios, puis demandons-lui s’il accepte de se retirer avec nous dans un endroit plus isolé.» Il en fut ainsi. Après avoir parlé de notre idée à geronda, nous l’avons sorti de l’impasse où il s’était mis. Il accepta avec joie et nous poussa à rechercher un endroit plus isolé».
A la Skite Saint Basile (1923-1938)
Geronda Arsenios ajouta : «Compte tenu du fait qu’il était surtout nécessaire de libérer geronda des travaux lourds, notre regard fut attiré par la Skite Saint-Basile. Nous avions découvert un lieu très éloigné, silencieux, mais aussi difficile d’accès.
Notre geronda accepta avec joie, et un matin, après avoir dit au revoir à sa touchante petite église et à tous les voisins, nous avons installé geronda sur la mule avec quelques objets les plus utiles pour la Skite de Saint-Basile.
Il nous parut nécessaire que ces falaises abruptes et escarpées deviennent la demeure du premier héros de l’ascèse et guide de l’ordre monastique : c’est ainsi que nous avons dédicacé au grand Précurseur l’église que nous avions construite de nos mains. Dans ce lieu béni, nous avons commencé nos grands exploits ascétiques.
Pendant ce temps, notre geronda, libéré des soucis quotidiens, revint à la vie et consacra toute sa force aux exploits spirituels supérieurs et aux vigiles debout toute la nuit».
Voulant nous amuser un peu, comme il le faisait souvent, le Père Arsenios ajouta :
«À la fin de sa vie, ses forces commencèrent à le quitter, ce qui était tout à fait naturel, et il ne pouvait plus accomplir des vigiles et autant de prières qu’auparavant avec le komboschini. A cette époque, le moine Matthieu menait son podvig à la Skite Saint Basile. Plus tard, il dirigea un groupe de moine adeptes de l’ancien calendrier. Il avait l’habitude, lors des assemblées générales, d’aller à l’ambon et de prononcer une homélie pour les ermites présents. Un jour, dans un sermon, il a dit: ‘Frères, les jours diminuent’. Quand il fut rentré à la kaliva, Geronda nous dit :
– Bravo à ce Père Matthieu! Aujourd’hui, il a résolu mon embarras. Voilà pourquoi je ne parviens plus à prier autant de komboschinis! C’est parce que les jours diminuent!»
Et le Père Arsenios lui répondit avec simplicité :
– Non, Geronda, c’est tout simplement parce que tu t’affaiblis et tu dors.
Mais Geronda n’en démordit pas et dit :
– Non, le Père Matthieu a dit que les nuits diminuaient.
Doué de ce si rare don de simplicité, ce vieil homme apprit par avance le moment de sa fin et quitta cette vie éphémère, laissant sa bénédiction en héritage aux deux novices.
La vision du Père Arsenios
Il a déjà été dit que le Père Ephrem de bienheureuse mémoire était un excellent tonnelier. J’ai toutefois omis de mentionner qu’il était un excellent sculpteur sur bois. En plus de la fabrication de tonneaux , il était donc impliqué dans toute une série de travaux de sculpture sur bois ; il sculpta l’iconostase de nombreuses églises. Quand les moines Joseph et Arsenios vivaient avec Geronda Ephrem à Katounakia, l’église de la kelia des Archanges fut rénovée. Un sculpteur sur bois demanda au geronda de la Kelia vingt livres-or pour fabriquer l’iconostase. Le geronda ne pouvait se permettre pareille dépense et il demanda au Père Ephrem :
– Peux-tu nous faire l’iconostase?
– Oui, je peux.
La question du coût ne fut pas abordée. Le Père Ephrem travailla dur et fabriqua l’iconostase. Il fallut payer. Le geronda de la kelia inspecta les ressources disponibles et réunit deux livres. Il les prit, les remit au Père Ephrem et dit :
– Est-ce bien ainsi, Père Ephrem?
– Oui, oui, c’est bien. Merci.
Le Père Arsenios raconte : «Dès que j’appris cela, je fus comme sur des charbons ardents. Je ne pus me retenir. J’allai voir Geronda Ephrem et lui dis :
– Geronda, maintenant, je tire la ligne. Cela, je ne peux l’admettre. L’autre a demandé vingt livres et vous, on vous en paie deux?
Le Père Ephrem, tout simple mais sage, répondit :
– Si nous sommes payés pour tout ici, mon fils, que nous restera-t-il au ciel?
Je compris alors que notre geronda n’était pas stupide. Nous étions loin d’atteindre les vertus qui étaient les siennes. Mais pour que vous sachiez ce que j’ai vu, je vais vous raconter ce que Dieu m’a montré. Pendant que je priais, j’eus une vision de notre geronda, quelques jours après sa dormition. Il était dans un endroit merveilleux. Son visage resplendissait d’une glorieuse lumière. Il se tenait debout dans une magnifique petite église. J’étais content de le voir dans une telle gloire et je lui demandai :
– Geronda, c’est quoi cette magnifique petite église?
– C’est la mienne. Tu te souviens que j’ai sculpté cette iconostase pour deux livres? J’ ai accepté sans murmurer ni critiquer. Le Christ m’a gardé cela en réserve pour moi, ici au Ciel. Tu te souviens de ce que je t’ai dit?
Ma vision prit fin et j’étais rempli de joie. Alors qu’il était mort, mon geronda m’a enseigné une leçon dont je me souviendrai toute ma vie.»
Geronda Arsenios raconta cet événement à beaucoup de gens. Et mon Geronda Charalampos de bienheureuse mémoire le répétait souvent pour que cela nous serve de leçon. (A suivre)
Traduit du russe
Source :