Dans plusieurs textes concernant le Hiéromoine Vassili et les Moines Théraponte et Trophime, les trois frères d’Optino Poustin’ assassinés dans l’enceinte du monastère la nuit de Pâques 1993, on lit qu’ils sont devenus extrêmement familier des fidèles qui les prient, aujourd’hui encore. Ces fidèles ont simplement lu et relu le livre «Pâques rouge», et les trois frères sont devenus comme des membres de leur famille. L’Église ne les a pas encore glorifiés, mais il est devenu impossible de tenir le compte des miracles attribués à leurs prières. Ce livre, «Pâques rouge», n’a pas été traduit en français. Il est bien sûr moins évident pour les fidèles francophones de considérer les trois frères d’Optino comme des membres de la famille et demander ainsi leur prière. En vue de faire mieux connaître ces trois merveilleux moines et afin donc d’aider les lecteurs de ce blog à adresser plus volontiers leurs prières à ces trois néomartyrs, nous entamons la traductions de plusieurs extraits de deux livres.
Les profonds soupirs du Père Vassili et sa compassion pour leurs épreuves suscitaient les larmes de ceux qui se confessaient auprès de lui. Et lui, comme le bon semeur, nettoyait les ronces du champ convoité de l’âme et y semait la semence de l’amour et de la paix de Dieu. A la fin de la confession, quand le fidèle demandait, comme le veut l’usage, la bénédiction du Père Vassili, celui-ci s’inclinait légèrement vers l’avant et disait doucement «Que le Seigneur vous aide». Et une telle chaleur émanait de ces paroles qu’on ne les oubliait pas; elles avaient été prononcées par un cœur aimant, compatissant et tendre.
L’amour ne demeure pas inaperçu car il rayonne la Lumière Divine. Le cœur aimant éprouve une véritable compassion non seulement envers les gens mais envers toute créature de Dieu. C’est ainsi que le Père Vassili, quand il était encore un tout jeune garçon, fut particulièrement attristé quand, sous le couvert de la nuit, son voisin scia un jeune peuplier qui poussait sous sa fenêtre, soi-disant parce que son feuillage dense retenait la lumière du soleil. Cet événement provoqua un grand trouble dans l’âme du futur moine.
Quand il était à Moscou, jamais le Père Vassili ne logeait chez ses parents. Quand il y passait, c’était seulement pour quelques heures, afin de s’enquérir de la santé de sa mère, après quoi il se hâtait de partir. Et il s’efforçait d’éviter du regard toutes les tentations dont le monde regorge. Un jour, alors qu’il longeait l’étang d’Ostankino, situé non-loin de la Procure, le Père Vassili remarqua des gens peu vêtus venus là se faire griller sous le soleil de cette chaude journée. Batiouchka se signa, releva sa mantia en la soulevant par le bord et s’en couvrit, mettant ainsi, comme sous une aile, son regard sous protection vis-à-vis de cette tentation. Et il avança ainsi jusqu’à l’église, qui était pour lui le havre du salut face à toutes les tentations et afflictions. Il aimait l’église et sa cellule. Pour lui, sa cellule était le lieu de ses podvigs monastiques et de l’isolement, et l’église, la maison de prière, le lieu de son service en tant que prêtre.
Un jour, une dame, ancien professeur du Père Vassili, vint au monastère ; elle lui avait enseigné le Russe et la littérature. Après avoir discuté, Batiouchka lui proposa de se confesser. Elle ne parvint pas à se décider immédiatement de confesser ses péchés à son ancien élève. Batiouchka remarqua sa fausse honte et lui expliqua qu’il n’était qu’un intermédiaire entre elle et Dieu, Qui, invisiblement, voit le cœur de chacun. Il connaît nos péchés sans que nous les reconnaissions, mais Il attend de nous le repentir sincère et, connaissant l’infirmité humaine, Il pardonne à celui qui se repent. Ces paroles touchèrent le cœur de l’enseignante à un point tel qu’elle en devint blanche comme un linge et se sentit comme une adolescente. Elle se repentit sincèrement et se considéra depuis lors comme une fille spirituelle du Père Vassili.
Batiouchka priait avec une grande attention. Visiblement, il ne lisait pas simplement un canon de prières ou une pannichyde ; de tout son cœur, il priait le Seigneur sans être troublé par la présence des gens. Ce qui était important pour lui, c’était que Dieu accepte sa prière et non ce que disaient ou pensaient les gens de lui. Dans sa prière, le Père Vassili avait de l’audace, comme il convient à chaque prêtre, et il n’essayait pas de plaire aux gens. Il ne craignait pas les accusations injustes, mais en même temps, il ne les négligeait pas du tout ; il s’efforçait de compatir avec son offenseur et si possible, mieux encore, d’éteindre l’offense.
Un homme était mourant, à Kozielsk, torturé par des esprits impurs. Il ne parvenait en aucune façon à confesser ses péchés. Sa femme très croyante s’adressa au monastère et demanda qu’on leur envoie un prêtre. On confia au Père Vassili la mission de confesser et de donner les Saints Dons au malade. Dès la fin de l’office de minuit, Batiouchka se mit en route vers Kozielsk. A la vue du hiéromoine, le malade se jeta sur lui en aboyant, mais le Père Vassili salua brièvement le possédé, avec amour. L’homme recula en sautant, comme s’il avait touché du feu. Ensuite, il se traîna de côté et se calma. Le Père Vassili prit le trebnik et commença doucement à prier. Le malade finit par se calmer, il se confessa, se repentit et reçut les Saints Dons.
Il arriva qu’on téléphone au monastère à deux heures du matin, d’un hôpital, pour demander qu’on envoie un prêtre pour un malade qui se mourait. Le Père Vassili ne dormait pas. On aurait dit qu’il attendait cet appel téléphonique. Il partit immédiatement. Il ne parvint toutefois pas à donner la Communion au malade car celui-ci était déjà inconscient, mais Batiouchka pria toutefois à côté de cet homme jusqu’à la dernière minute de la vie terrestre de celui-ci, et il lut la prière pour la séparation de l’âme et du corps.
Un jour, une femme se plaignit de ses difficultés ; son mari avait quitté son emploi, et elle était envahie par les douleurs et les maladies. Batiouchka l’écouta attentivement et lui dit : «Eh bien, gloire à Dieu pour tout!». La femme ne s’attendait pas du tout à pareille réponse et elle demanda, confuse, «Mais gloire à Dieu pour quoi?». Batiouchka de répondre : «Gloire à Dieu! Gloire à Dieu!». Et soudain, l’affliction quitta la femme et elle sentit paix et douceur en son cœur. Il savait comment apaiser rapidement et facilement les cœurs souffrants.
Dans la ville de Soukhilitchi, non loin de Kozielsk, il y a une prison. Le Père Vassili et d’autres frères y allaient souvent pour baptiser ou offrir une nourriture spirituelle aux détenus. Il arrivait que les confessions se prolongent jusqu’à deux heures du matin. Batiouchka écoutait avec attention chacun de ceux qui se présentaient à lui, prodiguait les conseils nécessaires, offrait des livres et éclaircissait les enseignements de la foi orthodoxe. A cette époque, il n’y avait pas d’église dans la prison; il fallait baptiser dans le local des bains de vapeur. Un jour, ils étaient quarante à s’être assemblés pour recevoir le Mystère du Baptême. Parmi eux se trouvait un criminel endurci qui voulait juste se moquer de Batiouchka et faire l’idiot. Personne n’osait s’opposer à lui, si bien qu’il se considérait comme une «autorité». Comme d’habitude, avant le baptême, le Père Vassili prononça une homélie. Il parla de façon tellement simple, mais enflammée, que le «plaisantin» ne put demeurer indifférent. Oubliant ses intentions, il se mit à poser des questions et très vite il demanda à Batiouchka de le confesser. Sa confession dura deux heures. Et ensuite, il reçut le baptême. Quand il eut terminé, le Père Vassili lui offrit le livre «Le Père Arsène», qui plaisait tant à tous les détenus.
Le Seigneur dit : «Voici celui que je regarde : celui qui est humble, qui a le cœur brisé et qui tremble à ma parole» (Is.66;2). Et le Seigneur regarda vraiment ce moine humble et silencieux. Batiouchka ne divisait pas les gens entre ses proches et ceux qui ne l’étaient pas. Il n’avait pas d’ami, ou plutôt, tout le monde était son ami. Mais il s’abstenait de vouloir plaire à l’homme et s’efforçait plutôt de se cramponner à Dieu. Il se souvenait des paroles de Saint Isaac le Syrien : «Celui qui se soucie de beaucoup est l’esclave de beaucoup, celui qui se soucie des dispositions de son âme est l’ami de Dieu».
Un jour, on parla au Père Vassili d’une bienheureuse qui depuis longtemps demeurait allongée sans bouger. On disait que des voisins venaient de temps en temps ranimer le poêle et lui amener un peu de nourriture. Mais la plupart du temps, elle restait seule, sans manger, dans son isba froide. Les gens étaient stupéfaits de ce que jamais elle ne murmurait contre Dieu mais était en permanence dans la joie, louait et glorifiant Dieu. Apprenant que la bienheureuse souhaitait recevoir les Saint Dons, le Père Vassili se porta volontaire pour lui rendre visite. Arrivé au village où se trouvait cette infirme, Batiouchka constata de ses yeux l’entière véracité de ce qui lui avait été rapporté. Il confessa et donna la communion à la femme et rentra à Optino. Et il se souvenait avec tendresse de cette bienheureuse servante de Dieu.
Il est remarquable que dès qu’elle vit le Père Vassili, la bienheureuse devint rayonnante et chanta : «Le Christ est ressuscité!». Il est possible que par ses paroles, elle prédit une éternelle Pâque Christique au futur martyr qui allait être assassiné la nuit de Pâques en 1993.
Traduit du russe
Source :
Небесные ратники. Жизнеописания и чудеса Оптинских новомучеников (Les soldats célestes. Vie et miracles des néomartyrs d’Optino) Alexandre Ivanovitch Iakovlev. Éditions : Святитель Киприан, Moscou 2013. Pages 93 à 99.