Les trois dernières traductions mises en ligne sur le blog concernaient des miracles attribués aux prières des trois frères d’Optino Poustin’ assassinés dans l’enceinte du monastère la nuit de Pâques 1993. Dans plusieurs textes concernant le Hiéromoine Vassili et les Moines Théraponte et Trophime, on lit qu’ils sont devenus extrêmement familier des fidèles qui les prient, aujourd’hui encore. Ces fidèles ont simplement lu et relu le livre «Pâques rouge», et les trois frères sont devenus comme des membres de leur famille. L’Église ne les a pas encore glorifiés, mais il est devenu impossible de tenir le compte des miracles attribués à leurs prières. Ce livre, «Pâques rouge», n’a pas été traduit en français. Il est bien sûr moins évident pour les fidèles francophones de considérer les trois frères d’Optino comme des membres de la famille et demander ainsi leur prière. En vue de faire mieux connaître ces trois merveilleux moines et afin donc d’aider les lecteurs de ce blog à adresser plus volontiers leurs prières à ces trois néomartyrs, nous entamons la traductions de plusieurs extraits de deux livres.
Le 8 avril 1990, lors de la fête de l’Entrée du Seigneur à Jérusalem, le Père Vassili fut ordonné hiérodiacre, et le 9 mai, lors de la mi-Pentecôte et de la fête du Hiéromartyr Basile, évêque d’Amasée, il fut autorisé à prononcer des homélies. Beaucoup furent immédiatement stupéfaits par son don évident et profond de prononcer des homélies. Ses homélies étaient chargées de force spirituelle parce que ce qu’il disait provenait de son coeur rempli d’amour. Et le Père Vassili se mit à porter de plus en plus souvent la Parole de Dieu au peuple. On le considérait comme un des meilleurs en cet art et on lui confiait les homélies des jours de fête. La paroles dites par Batiouchka de façon si simple, si convaincante provoquaient souvent un changement de vie chez ceux qui les entendaient car elles enflammaient les âmes par leur ferveur pour Dieu. Dans ses homélies, Batiouchka ne réprimandait pas ; il dévoilait la racine du péché et en montrait la nocivité, plaignait les pécheurs et adressant ses prières à Dieu pour qu’Il leur pardonne. Il s’efforçait de préserver l’ancien esprit de prière du slavon d’église pour ainsi transmettre la parole de Dieu dans sa plénitude au peuple, et susciter le repentir dans l’âme des hommes.
Le Père Vassili se réjouit toujours des succès de ses proches. Et il s’en réjouissait tellement qu’il était littéralement convaincu qu’ils recevraient leur récompense pour leurs bonnes actions et leurs exploits ascétiques. Pour ceux qui péchaient en parole ou en action, il avait le cœur brisé, et il s’affligeait tellement fort qu’on aurait dit que c’était lui qui allait devoir en rendre compte lors du Jugement Dernier et être jeté en enfer.
Il fut ordonné hiéromoine le 21 novembre de la même année, dans l’église du Saint Archistratège Mikhaïl et des Puissances Célestes. Depuis ce jour, le Père Vassili observait une règle qu’il s’était composée afin de toujours se tenir pieusement, en tant que prêtre, devant l’autel de Dieu. Quand un moine est ordonné à la prêtrise, d’habitude cela signifie le début d’une lutte subtile en prêtrise et monachisme. Le souhait de garder le silence et de s’isoler incite à éviter le service pastoral. Et la multiplicité des soins requis par les enfants spirituels gêne l’accomplissement du podvig monastique et sème l’agitation et le trouble dans l’âme. Seuls l’amour pour Dieu et les podvigs de patience et d’humilité aident l’âme à atteindre une harmonie pleine de grâce entre le service pastoral et la vie monastique. Et au plus l’homme réussit dans la prière, au plus il acquiert l’expérience de la lutte contre l’ennemi, «ayant été lui-même éprouvé, …il peut secourir ceux qui sont éprouvés»(Heb.2,18). Comme le jardinier qui prend soin de ses plantations, arrosant, élaguant et récoltant les fruits lorsqu’ils sont mûrs, le Seigneur rend utiles et bénéfiques à l’affermissement de Son Église tous les podvigs de la vie monastique.
Le Père Vassili recherchait de plus en plus l’isolement et le silence. Batiouchka disait : «Seul peut être un guide authentique celui qui, à l’aide de Dieu, a vaincu ses passions et qui par son impassibilité s’est fait le réceptacle de l’Esprit-Saint». Et ce ne son pas les gens, mais le Seigneur Lui-même qui choisit les prêtres de l’Église et envoie les ouvriers à Sa moisson (Mat.9;38).
Au Procure du monastère à Moscou, où l’on envoyait parfois le Père Vassili accomplir l’une ou l’autre obédience, il paraissait au début sévère et exigeant. Une femme, institutrice de profession, se souvenait de sa première visite au Podvorié [La Procure. N.d.T.]. Elle demanda conseil à une connaissance quand au choix du prêtre auprès duquel elle devait se confesser. Justement à ce moment le Père Vassili sortait de l’autel avec la croix et l’évangéliaire. Faisant un signe de tête en direction de Batiouchka, cette connaissance dit que ce prêtre était très sévère et qu’il valait mieux en choisir un autre pour la confession. «J’acquiesçai et j’allai me placer dans la file d’un autre confesseur», se souvenait-elle. Mais la file devant Batiouchka était très courte et quand il eut terminé de confesser ces fidèles, il s’adressa à ceux qui se tenaient dans le narthex : «Qui encore voudrait se confesser?». Par réflexe scolaire, l’institutrice leva la main. Batiouchka sourit et elle s’avança jusqu’à lui. Très vite, les rumeurs dépeignant le Père Vassili comme un prêtre sévère se dissipèrent. On se mit à aimer Batiouchka et à ne plus craindre son air austère derrière lequel se dissimulait l’amour vrai et sincère.
Le Père Vassili n’avait pas beaucoup d’enfants spirituels, mais il acceptait tous ceux qui venaient à lui comme envoyés par le Seigneur Lui-même. «Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait (Mat.5;48), disait Batiouchka, afin d’apaiser l’âme troublée de son interlocuteur, et la perfection du Seigneur consiste en ce qu’Il nous aime tous, Il envoie la pluie sur les juste et sur les iniques. Dieu souhaite que tous soient sauvés et n’abandonne pas ceux qui Le cherchent».
Il prit son ordination à la prêtrise comme une obédience, et elle ouvrit une page nouvelle dans sa vie. Sa compassion et son attention pleine de sollicitude envers son prochain l’aidaient à soigner et consoler les âmes, les remplissant de la paix pleine de grâce du repentir.Beaucoup disaient qu’il était un futur starets. Lors des confession et des entretiens, le Père Vassili éclairait et consolait à l’aide des paroles des Sainte Écritures. Souvent, il disait avec amour : «Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux (Mat.5;12). Soyez toujours joyeux. Priez sans cesse. En toutes choses rendez grâces : car c’est la volonté de Dieu dans le Christ Jésus à l’égard de vous tous. (1Thes.5;16-18)». Par ses paroles, il faisait naître la paix et la tranquillité dans le cœur. Batiouchka apprenait à voir nos propres péchés et à n’accorder aucune attention à ceux de nos prochains. Et il enseignait cela de façon tellement simple et douce. «Avec tes amies, parle des nouvelles, mais avec moi, parle de tes péchés», disait-il avec tendresse aux babouchkas qui avaient la parole facile. Parfois, l’âme se calme un peu, quand ayant du ressentiment contre quelqu’un, elle suscite soudainement la compassion d’un tiers dans ce ressentiment. Mais cet accord est signifie péché et perdition tant pour le consolateur que pour le consolé. Le Père Vassili ne procédait pas de la sorte. Il suivait strictement le cours de la confession et s’efforçait d’amener celui qui se confessait à découvrir l’origine de son péché, origine qui, toujours, se cache en nous. Il disait avec douceur, en soupirant : «Les péchés, les péchés. Les afflictions, c’est très bien. Il faut rendre grâces à Dieu pour les afflictions».
Un jour, la famille d’un jeune homme qui travaillait au monastère fut plongée dans les désaccords. Au début, ce jeune homme fut fortement découragé, jusqu’au désespoir, pensant même à mettre fin à ses jours. Mais le Seigneur ne veut pas la perte des âmes, et Il fit en sorte qu’un des frères du monastère, apprenant cela emmène ce jeune homme dans la cellule du Père Vassili. Batiouchka était occupé à repasser sa soutane. Voyant les arrivants, il reporta son repassage à plus tard et se mit à écouter le jeune homme avec une profonde attention. Ensuite, compatissant avec ce dernier, il dit : «Eh bien gloire à Dieu pour tout!». Et son visage s’illumina d’un tel sourire que son interlocuteur ne put s’empêcher de sourire à son tour. Ces événement qui jusque là avaient déchiré l’âme de ce jeune homme, celui-ci les voyait maintenant comme des broutilles ne constituant aucunement des raisons de s’affliger. Et son âme, au lieu d’être accablée par le désespoir, était illuminée par une joie toute légère fondée sur une espérance ferme en la Divine Providence. (A suivre)
Traduit du russe
Source :
Небесные ратники. Жизнеописания и чудеса Оптинских новомучеников (Les soldats célestes. Vie et miracles des néomartyrs d’Optino) Alexandre Ivanovitch Iakovlev. Éditions : Святитель Киприан, Moscou 2013. Pages 86 à 93.