Le texte ci-dessous est la traduction d’un original russe publié sur le site Pravoslavie.ru le 14 janvier 2022. Il s’agit de l’homélie prononcée ce jour-là par l’Archiprêtre Alexandre Chargounov.
La fête de la Circoncision du Seigneur et celle de Saint Basile le Grand son liées l’une à l’autre. L’Église nous parle du mystère de l’obéissance. Tous, nous nous rappelons ces paroles : «L’obéissance est plus grande que le jeûne et la prière». Mais, comme le dit Saint Seraphim de Sarov, il faut comprendre cela correctement. En effet, il s’agit en premier lieu des Commandements donnés par Dieu, qui concernent clairement la vie spirituelle. Mais non seulement cela. Cela inclut aussi tout ce qui s’accomplit selon les habitudes humaines naturelles, qu’il s’agisse des règles de la vie de famille ou des lois civiles, tout ce qui n’entre pas en conflit avec la conscience chrétienne. Comme le dit l’Apôtre Paul, «Au reste, frères, que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui est de bonne renommée, s’il est quelque vertu et s’il est quelque louange, que ce soit là l’objet de vos pensées»(Phil.4,8). L’Église parle de cette obéissance qui est remplie de mémoire, d’amour et de fidélité envers Dieu. Par delà la simple obéissance terrestre, une profondeur incomparable peut s’ouvrir. C’est cette obéissance que manifesta le Christ dès sa naissance, et même avant Sa naissance. Nous nous souvenons comment Sa Toute Pure Mère et le fiancé, le Juste Joseph, obéissant au décret impérial sur le recensement de la population, allèrent à la ville où le Christ devait naître.
Le huitième jour après Sa naissance, le Sauveur fut circoncis selon le commandement donné à Abraham, lorsque Dieu promit d’établir une alliance éternelle avec lui et sa postérité. Le Seigneur pur et sans péché accepta le signe de réconciliation qu’il avait établi lui-même, en tant que Dieu et créateur de la loi. Dès les premiers jours de Sa venue sur terre, Il obéit humblement aux prescriptions de la loi, montrant que tous les modèles de l’Ancien Testament sont accomplis en Lui. La circoncision du Second Adam met fin à la circoncision charnelle de l’Ancien Testament et ouvre la Nouvelle et vraie Alliance, scellée par la circoncision spirituelle, au prix de son Sang. Le Baptême chrétien est une véritable circoncision spirituelle, un signe d’appartenance à un nouveau peuple qui s’associe à la mort vivifiante et à la Résurrection du Seigneur. Tous les baptisés au nom du Christ doivent apprendre ce mystère de l’obéissance.
En ce jour-là fut donné à Dieu le nom que le Messager céleste avait révélé, avant la naissance, au Juste Joseph. Jésus signifie Sauveur. Par ce seul nom s’ouvrit Son ministère sur terre, pour lequel le Dieu d’avant les siècles et Créateur devint homme. Le nom de Jésus exprime tout le mystère de notre salut. «Il s’est abaissé lui-même, se faisant obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix. C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue confesse, à la gloire de Dieu le Père, que Jésus-Christ est Seigneur.» (Phil.2,8–11). Ceux qui ont été baptisés en Christ ont revêtu de Christ.
Et Saint Basile le Grand nous révèle avec une force exceptionnelle ce que signifie être baptisé, ce que signifie le mystère de l’obéissance. Depuis son enfance, avant même le baptême, il obéit humblement à tout ce qui lui fut enseigné dans sa famille (Il est impossible de ne pas remarquer que cette famille est tout à fait extraordinaire, littéralement une icône de la famille, en particulier à notre époque: elle compte dix enfants, dont cinq seront déclarés saints, et son éducation est principalement assumée par la grand-mère, Macrine, élève de Saint Grégoire le Thaumaturge de Néocésarée). Il fut formé à la rhétorique, c’est-à-dire à l’art d’exprimer ses pensées avec précision et clarté, sous la direction de son père, puis s’engagea dans d’autres études laïques, comme on dirait maintenant, à Césarée de Cappadoce, à Constantinople et enfin à Athènes. Il enseigna modestement la rhétorique, sans penser à aucune gloire. Et après avoir reçu le baptême, il étudia avec diligence les fondements de la vie spirituelle.
Et bientôt, pour se familiariser avec la vie monastique, il part en voyage en Syrie, en Palestine et en Égypte, où il entre en contact étroit avec certains ascètes. C’est ainsi qu’il apprend la science d’une obéissance plus parfaite, dont on pourrait parler encore longtemps. Mentionnons seulement qu’à son retour de voyage, il distribue ses biens aux pauvres et se retire dans le désert près de Néocésarée, où il se livre aux exploits ascétiques, avant de se mettre au service de l’Église. C’est ce côté de sa vie, l’aspect extérieur, qui devient de plus en plus important, parce qu’il est toujours indissolublement lié à l’amour de Dieu. Selon le témoignage de Saint Ephrem le Syrien, lorsque Saint Basile prêchait, une colombe blanche et brillante murmurait à son oreille les paroles qu’il prononçait. Et quand il célébrait la divine liturgie, tout était comme une colonne de feu qui montait de la terre au ciel. Aujourd’hui encore, l’Église orthodoxe, lors de la divine liturgie de nos fêtes les plus importantes, prie avec ses prières remplies d’une grande inspiration théologique. Il veillait à ce que la mémoire des martyrs et la vénération des saintes reliques soient célébrées avec une solennité particulière. Il a été le premier des pères orthodoxes à annoncer clairement et avec audace que le Saint-Esprit est vrai Dieu consubstantiel au Père et au Fils. Inspiré par l’Esprit de Dieu Lui-même, communiquant par grâce avec la Sainte Trinité, Saint Basile formula avec une clarté et une précision incomparables les principaux concepts théologiques, tels que substance et hypostase, sans jamais les isoler du mystère du salut et de la déification de l’homme. Toute sa vie fut une lutte contre les hérétiques qui semaient le trouble dans l’Église. Il fut un évêque accompli, vivante icône du Christ, il fut tout pour tous, mais en même temps, sur le plan humain, il eut à subir maintes défaites dans le cadre de différentes tempêtes et divisions qui sévirent dans l’Église. Aujourd’hui, l’Église nous introduit dans la relation intime du Christ avec Son Père Céleste. Ce n’est pas un hasard si nous lisons à la liturgie l’Évangile selon lequel, après la fête de Pâques, le Christ resta à Jérusalem dans le temple avec des maîtres de la loi qui s’émerveillaient de Son intelligence et de Ses réponses. La chose la plus importante ici est le mystère de Son amour pour Dieu le Père. L’ayant retrouvé après trois jours de recherche, Sa Mère Lui dit : «Mon enfant, pourquoi as-Tu agi ainsi avec nous? Ton père et moi, nous Te cherchions tout affligés? Et il leur répondit : Pourquoi me cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas qu’il faut que Je sois aux choses de mon Père»(Lc.2;48-49). C’est le Christ qui dit cela. Il est pleinement homme, adolescent, et Il est avec Son Père. Et l’Évangile dit : «Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait.»(Lc.2;50). Ils ne pouvaient pas encore accéder à cela. Le Christ a une conscience de Dieu-Homme, grâce à laquelle Il vit une relation permanente avec Son Père. «Ne saviez-vous pas qu’il faut que Je sois aux choses de mon Père?»(Lc.2;49). Le Christ a douze ans, et Il témoigne à la fois de Son indépendance et de Son obéissance vis-à-vis de Sa Mère et du Juste Joseph. En effet nous avons entendu ensuite qu’Il «descendit avec eux, et vint à Nazareth, et Il leur était soumis» (Lc2;51). Mais pour cacher Son ministère tout à fait spécial, il fut absent pendant trois jours, et Sa Mère et le Juste Joseph ne pouvaient pas comprendre cela. Nous sommes invités à pénétrer dans cette relation secrète d’amour mutuel infini entre le Père Céleste et le Christ. «Il faut que Je sois aux choses de mon Père?». Voilà la révélation du Christ que nous devons entendre. Ce témoignage prodigieux traverse tout l’Évangile. Le Christ est toujours avec Son Père, Il ne peut s’empêcher d’être avec Lui. Et nous devons apprendre que le secret de notre vie est d’être avec le Christ dans le secret de Dieu le Père, qui contient tout l’amour qui est en Lui. Au cours de tous ces événement, Sa Mère «conservait avec soin toutes ces choses, les méditant dans Son cœur.»(Lc2;19). La joie surabonde dans l’Évangile : «Et Jésus progressait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes»(Lc.2;52) Mais cela ne l’empêche pas de rester indépendant, en quelque sorte caché à Ses plus proches, auxquels il commence à dévoiler Son secret. Et Il nous appelle nous aussi à être dans le secret de Pâques, dans le secret de Son Père, et à faire Sa volonté.
«Ne saviez-vous pas qu’il faut que Je sois aux choses de mon Père?» Comme ils sont étonnants, ces mots, absolument incomparables! Nous devons chanter la gloire de Dieu, sachant que cet adolescent de douze ans, Jésus–Christ, a déjà un esprit supérieur à toute intelligence humaine, qu’Il est avec son Père et qu’Il fait toujours ce que Celui-ci veut. Il est tout amour pour Son Père Céleste, et en même temps toute obéissance envers sa Mère et le Juste Joseph. Tout est accompli dans l’Église suite à Sa venue dans le monde, car le Christ est avec le Père afin de révéler aux gens qui est Son Père.
Prions le Seigneur pour qu’il nous soit donné d’entrer dans le mystère de Son amour, de Son humilité, de Sa douceur et de Sa patience. Donnons-nous tout entier à tout ce qu’Il fait pour notre salut. Comme le fit Sa Mère qui a tout gardé dans son cœur, gardons ce don dans notre cœur et ainsi, avançons, comme Lui, selon le don qu’Il nous fit, en sagesse et en âge, et dans l’amour de Dieu et des hommes. En ces moments, jadis, la Toute Bénie Vierge Marie ne comprit pas les paroles de Son Fils, mais Elle les garda, et peu à peu il Lui fut donné de les comprendre en plénitude. Tout lui fut révélé, la Croix du Christ et la gloire du Père révélée dans la Résurrection.
Voilà le mystère de l’amour et de la vérité que le Seigneur révèle à ceux qui Lui sont fidèles, leur donnant des yeux nouveaux et un cœur nouveau. Le Saint-Esprit nous permet de savoir que le Christ est consubstantiel au Père et que le Père ne Le quitte pas un seul instant. Nous ne devons pas douter que Dieu ne nous quitte pas non plus un seul instant. Dieu est avec nous. Il est avec nous. Il nous sauve. C’est la seule chose qui compte. Tout le reste est dans le secret de l’obéissance et de notre amour réciproque pour Lui.
Traduit du russe
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