Le texte ci-dessous est la traduction d’un original russe de Madame Olga Rojniova, publié le 22 janvier 2015 sur le site Pravoslavie.ru. Il s’agit du récit d’un pèlerinage effectué par un groupe de jeunes moniales accompagnées de leur père spirituel auprès des reliques de Saint Seraphim de Sarov en 1991. Un pèlerinage sur lequel Saint Seraphim veilla lui-même tout particulièrement.
Le voyage ne put se faire qu’à la fin de l’automne, pas le bon moment pour voyager. Le gel fixait la raspoutitsa, la cimentant pendant la nuit. Le matin, les talons battaient le sol durci, mais à midi, ils enfonçaient de nouveau dans les ornières ramollies du chemin de campagne. Prélude à l’hiver: un ciel nuageux, la noirceur des arbres, le silence maussade des oiseaux, les jacassements stridents d’une pie solitaire. Prélude à l’hiver, pressentiment, avant-goût, attente de l’hiver. Un matin, la première jeune neige tomba, cachant le vieux feuillage fané. Elle remplit l’air d’un souffle froid, glacial.
On se tenait sur un terrain vague. Celui-ci était complètement désert, justifiant son nom. Pas de piste, pas de chemin, rien. Là, on ne savait vers où aller.Mais tout avait très bien commencé. Le Père Savva et plusieurs moniales d’une petite communauté féminine de l’Oural avaient décidé d’aller rendre visite à Saint Seraphim de Sarov, vénérer ses reliques, demander sa bénédiction.
L’année 1991 finissait. Sur la lointaine Colline Miteïnaïa, dans la région de Perm, ces moniales accomplissaient l’obédience de la tenue d’un hospice pour vieilles infirmes abandonnées. Le Désert pour femmes de la Mère de Dieu de Kazan-Saint Triphon dut attendre cinq ans avant d’être transformé en monastère, mais le Starets Archimandrite Ioann (Krestiankine) avait déjà béni leur communauté et celle-ci tirait grand profit de l’affermissement spirituel qui lui était procuré, suite à ses prières au grand héros de l’ascèse, Saint Seraphim de Sarov.
Et tout s’était déroulé de façon simplement miraculeuse : il n’y avait pas assez d’argent pour le voyage : l’argent arriva. Il n’y avait plus de billets : on put miraculeusement en acheter. Nous sommes arrivés sans problème à destination, et nous avons trouvé de la place pour nous installer. Nous avons participé à l’office le dimanche, et avons reçu la communion. Après l’office, on a décidé d’aller voir la source sainte sur la rivière Satis. La source n’avait pas encore été aménagée, la source jaillissait dans la forêt, sur la rive de la Satis,. On y arrivait en bus. On nous a expliqué «Vous arriverez à l’arrêt de l’usine de viande, entrez dans la forêt et vous trouverez la source.»
C’est ce qui fut fait. Nous sommes arrivés à l’arrêt, le bus a fait demi-tour et est parti, et on se retrouvait sur un terrain vague. On a commencé à prier: «Saint Père Seraphim, aide-nous à trouver ton désert!». On erra de-ci, de-là, vers avant et puis revenant en arrière, et tout à coup on vit les traces d’un voyageur solitaire. Apparemment, l’homme était arrivé plus tôt et était entré dans la forêt. Ce n’était pas le moment de la récolte des champignons et des baie et l’homme ne pouvait probablement aller qu’à la source. Nous étions ravis!
Nous avons suivi les traces, en priant,jeunes, zélés, heureux, pleins de la joie de la grâce monastique initiale, qui porte comme sur les ailes. Celle dont vous vous souvenez encore des années plus tard, avec des larmes sur les joues. Le monachisme, c’est comme un mariage: le premier amour, le plaisir et l’adoration, et puis pendant des années , le travail, la sueur et le poids du fardeau. Et il est si important de préserver l’ancienne ardeur, de ne pas perdre la ferveur. Et quand les choses deviennent très difficiles, insupportables, quand vous ne pouvez pas trouver ce chemin forestier, arrive cette prière ardente, et le signe attentionné de traces claires sur la première neige.
Les traces conduisaient à la rivière, jusqu’à la source et là, elles s’interrompaient. Elles n’allaient nulle part, ni à droite ni à gauche. Elles avançaient dans une seule direction, se dirigeant vers la source et là, elles disparaissaient. C’était un vrai miracle, et tous, involontairement, sans se concerté, nous avons incliné la tête: notre guide, où était-il, envolé ?! On se tenait là, comme foudroyés, comme étourdis simplement d’une sorte de crainte sacrée. Qu’est-ce que c’était? C’était mystique! Qui était notre guide?! On regardait tout autour, sans même se dire un seul mot, craignant d’enfreindre le mystère du miracle.
On se lava, remplit un seau de cette eau. Nous avons bu l’eau. Soudain, il faisait doux. On se souvint de Motovilov, le serviteur du Père Seraphim, comme il faisait doux à côté du Starets dans la forêt en hiver. Débordant d’émotions, sans nous concerter, nous avons chanté le tropaire à Saint Seraphim. Il faisait nuageux, calme, aucun oiseaux dans la forêt. Et dès qu’on commença à chanter, un oiseau est arriva, un oiseau merveilleux, rare, et il se mit à chanter. Il chantait si merveilleusement!
Et quand on est rentré au monastère, une moniale âgée, Mère Théodosia, nous appela : «Venez vénérer les choses qui ont appartenu au Saint Père Seraphim. Nous ne les avons pas encore rendues accessibles aux pèlerins, seulement aux sœurs du monastère. Vous serez les premiers.» Et on a vénéré, plein de tendresse dans le cœur, les chaussures éculées du Saint, cloutées de pointes à grosses têtes, sa mantia, son épitrachilion, sa marmite en fonte. On vénérait en pleurant. Ceux qui ont ressenti pareille humble tendresse dans leur cœur comprendront.
Et puis le miracle s’est poursuivi: Mère Théodosia a demandé au Père Savva de changer le drap qui couvrait les reliques du Saint: «Nous ne le faisons pas nous-mêmes, nous demandons seulement à notre batiouchka, mais pour le moment, nous n’avons pas de batiouchka». Et il changea, avec émotion, avec un sentiment d’indignité, le drap sur les reliques ; la miséricorde de Dieu, la douce caresse de Saint Seraphim de Sarov.
Mère Théodosia lui offrit un chotki, consacré sur les reliques du Starets, et il devint son chotki préféré. Depuis de nombreuses années, le Père Savva s’en sert pour prier lors d’occasions spéciales.
Voilà la bénédiction accordée par le Saint. Nous repartîmes transformés, réconfortés, renouvelées, caressés. Batiouchka Seraphim nous rencontra vivant. Nous sommes partis et avons pensé «Nous étions en visite chez Saint Seraphim de Sarov. Nous avons vu un vrai miracle. Il était semblable au Starets lui-même, doux, humble, naturel. Pas de tonnerre, la terre ne s’ouvrit pas sous nos pieds. Un humble miracle de Saint Seraphim».
Traduit du russe
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