L’article ci-dessous est la suite de l’étude de l’histoire de la formation du Canon de l’écriture du Nouveau Testament entamée avec le texte (traduit ici en cinq parties) «Le Nouveau Testament aux temps apostoliques». Le Saint Hiéromartyr, alors Archimandrite Hilarion, y examine la place des livres et la constitution progressive du Nouveau Testament dans l’Église chrétienne dans la période historique qui suivit celle des Apôtres, le temps des apologistes et des auteurs de polémiques anti-gnostiques. Le texte original compte 99 notes de bas-de pages; toutes sont des références (Épiphane de Chypre, Saint Eusèbe, Saint Irénée, Tertullien, etc.). Pour la simplicité de la lecture, nous avons omis ces notes et renvoyons à l’original ceux qui souhaiteront les examiner.
Le Nouveau Testament et l’Église de Lyon à la fin du IIe siècle
En ce qui concerne les temps apostoliques, sur base des données du Nouveau Testament, nous avons fait l’hypothèse que les livres du Nouveau Testament durent d’abord avoir été rassemblés à Éphèse. Ce serait là plutôt qu’ailleurs, que le Canon des livres saints du Nouveau Testament put être compilé sous la supervision de l’Apôtre Jean le Théologien et de Timothée. Mais nous savons peu de choses au sujet de l’état du Nouveau Testament à la fin du IIe siècle, ni dans l’Église d’Éphèse, ni dans les Églises d’Asie Mineure en général. Des échos du Canon d’Asie Mineure peuvent être recherchés en Occident, chez Saint Irénée de Lyon, l’un des écrivains les plus importants de l’époque en question. Les Églises d’Asie Mineure entretenaient des relations particulière avec l’Église de Lyon, dans le Sud de la Gaule. Lorsque, par exemple, vers 177, la persécution éclata à Lyon, les Chrétiens Lyonnais envoyèrent aux Églises d’Asie et de Phrygie une œuvre spéciale sur les martyrs, dans laquelle ils racontaient ce qui s’était passé chez eux. À la fin du IIe siècle, l’Église de Lyon était dirigée par Saint Irénée, né et élevé en Asie Mineure, probablement à Smyrne, qui avait dans sa jeunesse entendu Polycarpe, disciple de Saint Jean le Théologien. Saint Irénée était constamment en relation avec l’Église de Rome, où il avait des amis proches, car il allait lui-même à Rome. Justifiant son nom, Saint Irénée agit comme pacificateur dans le différend sur la célébration de Pâques entre l’Évêque romain Victor et les Chrétiens d’Asie Mineure. Ainsi, Saint Irénée peut être pour nous un témoin non seulement de l’Église de Lyon, mais aussi en partie des Églises de Rome et d’Asie Mineure. On peut dire qu’il relie la fin du IIe siècle à l’époque apostolique.
Que nous dit Saint Irénée du Nouveau Testament?
Nous ne trouvons pas chez lui une énumération exhaustive de tous les livres du Nouveau Testament, mais son vaste ouvrage polémique intitulé «le Châtiment et la réfutation de la fausse connaissance», écrit dans les années 80 du IIe siècle, est parsemé de nombreux passages du Nouveau Testament. Chez Saint Irénée, le nombre d’extraits, parfois assez longs, atteint plus d’un millier. Saint Irénée parle précisément et avec assurance du nombre d’évangiles. Les propos de Saint Irénée au sujet des évangiles sont suscités par l’attitude de divers gnostiques à leur égard. Les hérétiques se tournent eux-mêmes vers les évangiles pour confirmer leurs enseignements, mais ils en choisissent un seul. Les ébionites n’utilisent que l’Évangile de Matthieu. Marcion a réduit l’Évangile de Luc pour son usage. «Ceux qui séparent Jésus du Christ et disent que le Christ ne fut pas concerné par la souffrance et que c’est Jésus qui a souffert, préfèrent l’Évangile de Marc». Les disciples de Valentin utilisent principalement l’Évangile de Jean. Contrairement aux hérétiques, Saint Irénée affirme qu’il y a et devrait y avoir exactement quatre évangiles, ni plus ni moins. «Tout comme il y a les quatre pays de la lumière dans lesquels nous vivons et les quatre vents principaux, tout comme l’Église est dispersée sur toute la terre, et parce que la colonne et la confirmation de l’Église, ce sont l’Évangile et l’Esprit de la vie, il faut qu’elle ait quatre piliers qui, de par le monde, insufflent l’incorruptibilité et vivifient les gens. Il ressort clairement de cela que le Verbe qui, assis sur les Chérubins, organise tout et contient tout, s’est révélé aux hommes et nous a donné l’Évangile sous quatre formes (τετράμορφον τὸ εὐαγγέλιον), mais imprégné d’un seul Esprit. Les Chérubins ont quatre visages, et leurs visages sont des images de l’activité du Fils de Dieu. Tel est le mode d’action du Fils de Dieu, tel est l’aspect des animaux, tel est le caractère de l’Évangile. Il y a quatre formes d’animaux, quatre évangiles et quatre formes d’activités du Seigneur. C’est pour cela que furent donnés à l’homme quatre alliances principales : la première va d’Adam au Déluge, la seconde, du Déluge à Noé, la troisième est la loi sous Moïse, et la quatrième, celle qui renouvelle l’homme et dirige tout à travers les Évangile. Dans cet état de choses, ils sont vains, ignorants et surtout audacieux, tous ceux qui falsifient l’idée de l’Évangile, qui introduisent des aspects de l’Évangile autres que ce qui fut dit, ou en retranchent certains». Ici, nous voyons Irénée entreprendre non pas une étude historique des évangiles, mais un raisonnement symbolique sur «le quadruple». Pour Irénée, le nombre quadruple des évangiles semble être un fait connu depuis longtemps. Il approfondit donc ce fait et remarque que le nombre d’évangiles coïncide avec, pour ainsi dire, le plan de l’activité créatrice du Logos Divin. Avant cela, Saint Irénée avait indiqué quand et dans quelles circonstances chacun des évangiles avait été écrit. «Personne ne nous a annoncé la dispensation de notre salut, sinon ceux par lesquels l’Évangile qu’ils prêchèrent nous est parvenu, ceux-là-mêmes qui ensuite, par la volonté de Dieu, nous le transmirent dans les écritures en tant que futur fondement et pilier de notre foi. Après que notre Seigneur fût ressuscité d’entre les morts et qu’ils aient été revêtus d’en haut par la force de l’Esprit-Saint, qui les remplit et leur donna la connaissance parfaite, ils allèrent vers les extrémités de la terre, annonçant la bonne nouvelle des bienfaits de Dieu qui nous sont donnés et proclamant la paix céleste aux hommes qui tous ensemble et chacun séparément ont l’Évangile de Dieu. Ainsi, Matthieu publia les écritures évangéliques dans la langue des Juifs quand Pierre et Paul ont prêchaient à Rome et y établissaient l’Église.
Après leur départ, Marc, disciple et commentateur de Pierre, mit lui-même par écrit ce que Pierre prêcha. Et Luc, le compagnon de Paul, rédigea l’Évangile que celui-ci prêchait. Ensuite, Jean, le disciple du Seigneur, qui se coucha sur Sa poitrine, publia l’Évangile pendant qu’il séjournait à Éphèse en Asie. Il convient de noter ici que Saint Irénée considérait que les évangélistes transmirent leurs Évangiles à l’Église en tant que fondement de la foi. C’est pour l’Église que les Évangiles ont été écrits et ils furent remis à l’Église pour qu’elle les préserve. L’Église, qui vivait continuellement, respecta fidèlement les Écritures, sans admettre ni ajouts ni retraits. En l’Église, on lisait l’Écriture sans la falsifier. Ainsi, Saint Irénée disposait du Canon parfaitement défini et complet des quatre Évangiles. (A suivre)
Traduit du russe
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