Le texte ci-dessous est la cinquième partie de la traduction de l’original russe intitulé : Новый Завет в апостольское время. La première édition imprimée: de ce texte en russe fut l’article Le Nouveau Testament à l’époque apostolique, dans la revue Le Chrétien, Sergiev Posad, 1916, N ° 1. Il était signé: Archimandrite Hilarion. L’auteur se concentre sur les Saintes Écritures en tant que manifestation de la vie sainte de l’Église. Dans cet article, l’Archimandrite Hilarion affermit sa compréhension théologique de la place des Saintes Écritures dans l’Église du Christ par des témoignages historiques. S’appuyant sur les sources premières du siècle apostolique, l’Archimandrite Hilarion étudia ainsi la place des livres du Nouveau Testament dans l’Église chrétienne, inclus au IVe siècle par l’autorité ecclésiastique dans le Canon des Saintes Écritures.
Nous pouvons donc conclure qu’avant même que Jean n’écrive son Évangile, ceux de Matthieu, Marc et Luc avaient déjà été rassemblés à Éphèse. Les chrétiens les lurent et remarquèrent qu’ils n’étaient pas complets. L’évangéliste Jean compléta, avec son Évangile «spirituel», le récit synoptique et conclut le Canon des quatre Évangile. Ainsi, le Canon des quatre Évangiles, le «quadruple Évangile» (τετράμορφον tὸ εααγγόλιον), dont parla plus tard Saint Irénée de Lyon, apparut à l’origine à Éphèse, immédiatement après la rédaction du quatrième Évangile. Si l’Apôtre Jean le Théologien vécut longtemps à Éphèse, c’est dans l’Église d’Éphèse, bien sûr, que les trois épîtres et l’Apocalypse de l’Apôtre de l’amour rejoignirent le Canon du Nouveau Testament avant même que chacun de ces écrits ne parvienne ailleurs. La première des épîtres conciliaires de Saint Jean peut être considérée comme une préface à son Évangile. On peut voir en elle les derniers commandements et instructions de l’Apôtre âgé à ses «enfants», comme il appelle ses lecteurs, affichant ainsi ses relations personnelles proches avec eux. C’étaient ces mêmes Éphésiens et d’autres Chrétiens d’Asie mineure. Les deuxième et troisième épîtres de Saint Jean sont écrites pour des gens précis qui vivaient quelque part près d’Éphèse, car l’Apôtre allait leur rendre visite personnellement (Voir: 2Jn.1;12, 3Jn.1;14). Le Saint Apôtre Jean a longuement survécu aux autres apôtres. Parmi la nouvelle génération, il demeura longtemps le seul témoin de la vie et de l’activité de Jésus-Christ. Il est clair que tout ce qui sortait de sa plume était conservé en sécurité à Éphèse et dans ses environs.
Quant à l’Apocalypse, elle contient un lien direct avec l’Église d’Éphèse: parmi les sept lettres brèves qui composent les deuxième et troisième chapitres de l’Apocalypse, il y a un message spécial à l’Ange (l’évêque?) de l’Église d’Éphèse (Ap.2,1-7), et cette lettre vient en premier, bien sûr, et non sans raison.
Ainsi, le long séjour à Éphèse des collaborateurs de Paul, qui participèrent à ses activités de prédication orale et écrites, de Timothée et de l’Apôtre bien-aimé du Seigneur, l’Évangéliste Jean le Théologien, créa dans l’Église d’Éphèse des conditions particulièrement favorables pour que tous les livres saints du Nouveau Testament y soient rassemblés avant qu’ils ne le fussent dans toute autre l’Église. Nous avons examiné tous les livres du Nouveau Testament, et il s’est avéré que pour chacun d’eux, on peut supposer qu’il se trouva à Éphèse dès le début. C’est là, par conséquent, que le Nouveau Testament prit forme à l’époque apostolique, et peut-être, tous les vingt-sept livres que nous connaissons y furent-ils rassemblés. A partir d’Éphèse, les livres saints se répandirent dans d’autres Églises. N’y a-t-il pas une trace lointaine de cette diffusion des livres sacrés d’Éphèse dans le document apocryphe de la Doctrine d’Addaï? Ce document assez ancien évoque la fondation de l’Église syriaque. Dans cet apocryphe, Addai, dans son discours d’adieu à son successeur Aggée et à d’autres personnes inspirées par l’Esprit, désigne parmi les écritures qui doivent être lues dans les églises et dans lesquelles seule la vérité est écrite, «les Actes des douze apôtres envoyés d’Éphèse par Jean, fils de Zébédée». Dans ce document apocryphe, on peut donc reconnaître l’écho d’un fait historique réel : l’emprunt par l’Église syrienne de certains livres du Nouveau Testament rassemblés à Éphèse. L’abondance de livres saints du Nouveau Testament à Éphèse a peut-être contribué à ce que l’Église d’Éphèse, à la fin de l’époque apostolique et au début de l’époque qui suivit, soit ferme dans la vraie foi et exempte d’erreurs hérétiques. Le Voyant de l’Apocalypse écrit à l’Ange de l’Église d’Éphèse son approbation de ce qu’il ne peut supporter les dépravés, d’avoir éprouvé ceux qui se disent apôtres, de haïr les œuvres des Nicolaïtes (voir Ap. 2;2-6). Au début du IIe siècle, l’Évêque Onésime d’Éphèse loue grandement Saint Ignace le Théophore du comportement de son troupeau, coupable d’aucune hérésie. Selon Saint Ignace lui-même, les Éphésiens ne succombent à aucune séduction, ne se permettent pas de répandre des doctrines pernicieuses ni de les écouter.
Ainsi, compte tenu des différentes circonstances propres au temps des Apôtres, il est très probable que nous puissions parler de la constitution du Canon du Nouveau Testament à Éphèse à l’époque apostolique. Timothée commença à le constituer, lui qui entretenait les relations les plus étroites avec les principaux écrivains du nouveau Testament, l’Apôtre Paul et les Évangélistes Luc et Marc. La composition du Nouveau Testament fut menée à terme à Éphèse sous l’Apôtre Jean le Théologien, qui fut lui-même le dernier écrivain des livres du Nouveau Testament. Avec la mort de l’Apôtre Jean le Théologien, prirent fin les temps apostoliques, cette époque exceptionnelle dans la vie de l’Église chrétienne. Après lui, personne ne pouvait écrire quelque chose qui, d’un même droit, aurait pu être intégré dans la série des livres du Nouveau Testament. Le Nouveau Testament fut écrit par les Apôtres. Nous y trouvons deux livres de l’Évangéliste Luc et un de l’Évangéliste Marc, et ces livres furent intégrés au Nouveau Testament parce que l’Église ancienne voyait l’Apôtre Paul derrière Luc et l’Apôtre Pierre derrière Marc.
Il est très important de reconnaître que ‘est ainsi que se forma le Nouveau Testament. Car s’il fut rédigé sous les yeux et avec la participation directe de Timothée et de l’Apôtre Jean le Théologien, alors rien d’étranger, de non-authentique ne put y pénétrer. Tous deux connaissaient bien les circonstances de l’origine de presque chacun des vingt-sept livres du Nouveau Testament, car les auteurs de ces livres, ils les connaissaient étroitement et étaient unis avec eux dans la grande et sainte œuvre de l’annonce de l’Évangile et de l’ établissement de l’Église du Christ dans le monde. L’hypothèse proposée ici concernant la constitution du Nouveau Testament à l’époque apostolique peut être considérée comme la propriété de la science théologique russe. L’idée d’Éphèse en tant que lieu de formation du Canon du Nouveau Testament, sous la supervision de Timothée et de l’Apôtre Jean le théologien, a été exprimée pour la première fois et pleinement justifiée par le recteur de l’Académie de Théologie de Moscou, l’Archiprêtre A.V. Gorski, dans son article court mais très significatif: «Formation du Canon des livres saints du Nouveau Testament». Parmi les érudits occidentaux, certains admettent la constitution à Éphèse sous Jean le Théologien du Canon des seuls quatre Évangiles.
Cette idée mérite, à notre avis, l’attention la plus sérieuse. Elle envisage la formation du Canon du Nouveau Testament à l’époque apostolique de manière très simple, naturelle et incomparablement plus approfondie que ne le font les savants occidentaux, très engagés dans l’histoire du Canon du Nouveau Testament. Pour les érudits occidentaux, la formation du Canon du Nouveau Testament se réfère généralement à la seconde moitié du IIe siècle et est considérée comme l’un détails dans la structure générale de l’Église catholique. Selon la croyance répandue parmi les érudits protestants, l’Église catholique n’a pas été fondée par le Christ et les Apôtres, mais «survint» au cours des deux premiers siècles, et de plus les normes de l’organisation catholique et de la structure hiérarchique de l’Église auraient été initialement tracées à Rome. Puisqu’il se serait agit seulement d’un détail de l’organisation conciliaire de l’Église, le Canon commun et bien défini des livres du Nouveau Testament devait lui aussi également apparaître à Rome. Cette opinion quant à l’élaboration du Canon du Nouveau Testament à Rome, sans fondement documentaire solide, est le fruit d’une vision tendancieuse générale du cours de l’histoire de l’Église au cours des deux premiers siècles, selon laquelle, à la fin du IIe siècle, l’Église aurait commencé à affirmer quelque chose qui n’aurait soi-disant pas eu lieu (l’ordination des évêques par les Apôtres et leur succession ininterrompue), et à enseigner de nombreux points de doctrine dans un sens opposé à ce qu’elle avait enseigné auparavant et à ce qu’enseignèrent le Christ et les Apôtres. Une telle vision de l’histoire ancienne de l’Église est inacceptable pour tout orthodoxe, mais en dehors de ce cadre, l’idée que le Canon du Nouveau Testament aurait été formé à Rome, perd tout son sens, car à Rome il n’y eut pas ce faisceau de coïncidences favorables que connut Éphèse à l’époque apostolique.
Traduit du russe
N.d.T. : Le Saint Hiéromartyr Hilarion a fait suivre ce texte d’une étude du Nouveau Testament au IIe siècle, qui fera l’objet d’une traduction ultérieurement sur le présent site.
Source