Le texte ci-dessous est la traduction de l’original russe intitulé : Новый Завет в апостольское время. La première édition imprimée: de ce texte en russe fut l’article Le Nouveau Testament à l’époque apostolique, dans la revue Le Chrétien, Sergiev Posad, 1916, N ° 1. Il était signé: Archimandrite Hilarion. L’auteur se concentre sur les Saintes Écritures en tant que manifestation de la vie sainte de l’Église. Dans cet article, l’Archimandrite Hilarion affermit sa compréhension théologique de la place des Saintes Écritures dans l’Église du Christ par des témoignages historiques. S’appuyant sur les sources premières du siècle apostolique, l’Archimandrite Hilarion étudia ainsi la place des livres du Nouveau Testament dans l’Église chrétienne, inclus au IVe siècle par l’autorité ecclésiastique dans le Canon des Saintes Écritures.
Qu’est-ce que le Nouveau Testament? Pour nous, c’est ensemble dont la composition est précisément déterminée. Le Nouveau Testament, ce sont vingt-sept livres : les quatre Évangile, les Actes des Apôtres, sept épîtres conciliaires, quatorze épîtres de l’Apôtre Paul et l’Apocalypse. Dans notre Nouveau Testament, tous ces livres sont toujours disposés dans un ordre précis. En effet, tous ces livres néotestamentaires apparurent à des moments différents, furent écrits par des personnages différents, en des lieux différents du monde de cette époque. Ils furent parfois rédigés pour des gens particuliers, parfois pour certaines Églises et parfois encore pour toute l’Église du Christ.Dans l’histoire des temps apostoliques, nous ne voyons pas que les Apôtres, s’étant rassemblés, recopièrent les Évangiles et Épîtres qu’ils avaient écrits sous la forme d’un ensemble qu’ils auraient ratifié comme «Le Nouveau Testament» valide pour toujours. Nous ne constatons rien de pareil au temps apostoliques, ni encore au cours des siècles suivants. Jusqu’à la fin du deuxième siècle, les écrivains de l’Église ne mentionnent pas la composition d’un «Nouveau Testament». Ils recourent aux Saintes Écritures du Nouveau Testament, mais tout autant à celles de l’Ancien Testament. Il leur arrive de citer de nombreux versets isolés de presque tous les livres du Nouveau Testament, ils réprimandent les hérétiques, comme Marcion, pour avoir rejeté certains textes apostoliques, ils mentionnent la rédaction de différents livres du Nouveau Testament par certains hommes identifiés historiquement, mais en même temps, dans la littérature ecclésiastique du IIe siècle, nous ne rencontrons pas de raisonnement particulier portant sur la composition du Nouveau Testament dans son ensemble, nous ne rencontrons pas de listes précises et détaillées des livres du Nouveau Testament.
Si tel est bien le cas, la composition du Nouveau Testament a donc été déterminée au cours de l’histoire de l’Église et déterminée par la conscience de l’Église, de même que par la pensée critique de certaines personnalités de l’Église, jusqu’à ce que la composition du Nouveau Testament soit établie en tant que Canon ecclésiastique immuable. L’histoire de la définition du Canon du Nouveau Testament est l’un des chapitres de l’histoire de la vie de l’Église. Cependant, les sources historiques de l’Église des Ier et IIe siècles concernant l’histoire du Canon du nouveau Testament ne contiennent presque rien. À partir du IIe siècle, nous avons par excellence une littérature apologétique et polémique. Les apologistes écrivaient pour les païens, et ils n’avaient pas besoin de parler de la composition des livres sacrés chrétiens. Les hérétiques, contre lesquels les écrivains de l’église du IIe siècle ont polémiqué, ne rejetaient pas tant les livres saints qu’ils n’en déformaient les textes et en modifiaient le contenu, en utilisant une méthode allégorique qui convenait à leurs fins. D’autres hérétiques (Alogiens et Marcioniens) rejetaient certains livres particuliers du Nouveau Testament, et c’est pourquoi les écrivains de l’Église défendirent l’origine apostolique seulement de ces livres contestés. Toutefois, il est certain que les livres saints du Nouveau Testament ont commencé à être rassemblés à l’époque apostolique. C’est ce que nous dit le Nouveau Testament lui-même.
Nous y voyons clairement une chaîne successive à travers laquelle la révélation Divine a été transmise et diffusée. Dieu le Père, Jésus-Christ, les apôtres sont les maillons de cette chaîne, indissociablement liés. Le Christ fut envoyé (Mat.15;24 et Lc.4;43). Il fut l’Envoyé (Hébr.3;1). Apparaissant à Ses disciples, le jour de la résurrection, le Seigneur leur dit: «Comme le Père M’a envoyé, Moi aussi, Je vous envoie» (Jn.20;21). «Allez par tout le monde, et prêchez l’Évangile à toute créature»(Mc.16;15). Plus tôt, parmi les nombreux disciples, le Christ en choisit douze qu’Il nomma Apôtres (Lc.6;13). Dans le Nouveau Testament aussi bien que dans la littérature de l’Église ancienne, le terme «douze», (δάδεκα), est un terme technique qui désigne une somme parfaitement définie et exclusive, les douze apôtres, successeurs immédiats du Seigneur. L’Évangéliste Jean dit de Thomas qu’il est «un des douze»(Jn.20;24), alors qu’à ce moment, il y avait seulement onze apôtres. Judas avait été retranché de leur nombre, «pour aller en son lieu»(Actes 1;25), même si un peu plus tôt, comme le dit l’Apôtre Pierre, «il était un d’entre nous, et il avait part à notre ministère»(Actes 1;17). Peu après l’Ascension du Seigneur, les apôtres veillèrent à ce que le nombre de douze soit à nouveau complet. Mais les apôtres ne peuvent ni être élus ni «mis en place» : il doit s’agir ici d’un élu de Dieu, d’un envoyé par Dieu. Les disciples retinrent Barsabas et Matthieu, qui avaient été avec eux pendant tout le temps où le Seigneur Jésus était là et s’adressait à eux. Ils prièrent et dirent: «Seigneur, Toi qui connais le cœur de tous, indique lequel de ces deux Tu as choisi pour occuper dans ce ministère de l’apostolat, la place que Judas a laissée par son crime pour s’en aller en son lieu. On tira leurs noms au sort...» (Actes 1;24–26).
L’apostolat apparaît ici comme un service exceptionnel, que seul le Seigneur Lui-même peut permettre. C’est pourquoi l’Apôtre Paul se réfère toujours, dans la confirmation de sa dignité apostolique, au fait qu’il a été envoyé comme apôtre (1Tim. 2;7 et 2tim. 1;11). Alors qu’il se rendait à Damas, il tomba face contre terre en tant que Saul le persécuteur , et se releva Apôtre Paul, pour être témoin du Seigneur devant tous les hommes (Actes 22;6 et suiv.). Paul devint apôtre parce qu’il entendit du Seigneur Lui-même: «Va, c’est aux nations lointaines que je veux t’envoyer»(Actes 22;21). C’est pourquoi l’Apôtre Paul commence beaucoup de ses épîtres en précisant qu’il a été appelé pour être apôtre, (Rom.1,1 et 1Cor.1,1). Il est apôtre par la volonté de Dieu (2Cor.1;1, Eph.1;1, Col.1;1, et 2Tim.1,1). Il fut choisi non par les hommes ni à par l’intermédiaire des hommes, mais par Jésus-Christ et Dieu le Père (Gal.1;1). C’est du Christ Lui-même que Paul reçut l’apostolat, pour conquérir toutes les Nations à la foi en Son nom (Rom.1;5). En tant qu’apôtre, il a une valeur et une signification (1Thess.2;7). Ainsi, dans le Nouveau Testament, le titre d’«apôtre parmi les douze» est extrêmement important. Dans la conscience de l’Église, l’Apôtre Paul est en quelque sorte compté dans le chœur des «douze». Cela a même été reflété dans l’iconographie. Dans le type iconographique établi pour la Saint Communion, le Seigneur donne son Corps et Son Sang aux apôtres qui avancent vers l’autel par deux côtés. À droite, l’Apôtre Pierre est le premier à approcher, et à gauche, c’est l’Apôtre Paul, bien que Paul n’ait pas été dans la chambre haute à Sion. Cette image souligne depuis des siècles que Paul est apôtre au même titre que les autres, choisis par le Seigneur Lui–même pendant Sa vie terrestre. Ainsi, le chœur apostolique des «douze» est un phénomène unique, exceptionnel et non récurrent dans l’Église chrétienne. D’où l’autorité exceptionnelle et, disons, législative, des apôtres pour tous les âges dans le domaine de la doctrine et de l’organisation de l’Église. Dans le Nouveau Testament, nous voyons que les apôtres enseignent et prêchent en pleine conscience de leur autorité exclusive et incontestable. L’Apôtre Paul écrit aux Corinthiens : « Je vous rappelle, frères, l’Évangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu, dans lequel vous avez persévéré, et par lequel aussi vous êtes sauvés, si vous le retenez tel que je vous l’ai annoncé...»(1Cor.15;1-2). L’Apôtre Paul insiste auprès de Timothée pour qu’il soutienne le modèle de doctrine sainte tel qu’il l’a entendu de lui (2Tim.1;13). Et il écrit ailleurs : «Quand un ange venu du ciel vous annoncerait un autre Évangile que celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème!» (Gal.1;8). L’Apôtre Paul est conscient d’avoir le droit de mettre à l’épreuve l’expérience de la doctrine de ceux qui se sont enflés d’orgueil et qui ont apparemment commencé à prêcher des choses venant d’eux-mêmes(1Cor.4;19). Les apôtres ne pouvaient rester sur la terre pour toujours, mais leur autorité inébranlable dans l’Église du Christ doit demeurer pour toujours. A la fin de sa vie terrestre, l’Apôtre Paul a vu prophétiquement que «le moment de [s]on départ est proche. J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé ma course, (…) il ne me reste plus qu’à recevoir la couronne de justice, que me donnera e(…), le Juste Juge»(2Tim.4;6-8). Et encore : «l’Esprit dit clairement que dans les temps à venir, certains abandonneront la foi, pour s’attacher à des esprits séducteurs et à des doctrines diaboliques»(1Tim.4;1). «…plusieurs faux prophètes sont venus dans le monde»(1Jean 4;1). «Quant aux méchants et aux imposteurs, ils iront toujours plus avant dans le mal, égarant les autres et égarés eux-mêmes»(2Tim.3;13). Comment échapper à l’égarement? Il faut s’en tenir à la doctrine des apôtres. «Pour toi, demeure ferme dans ce que tu as appris, et dont tu as la certitude, sachant de qui tu le tiens»(2Tim.3;14). «Ô Timothée, garde le dépôt!»(1Tim.6;20). Et dans une de ses premières épîtres, l’Apôtre Paul insiste auprès de l’Église : «Ainsi donc, frères, demeurez fermes et gardez les enseignements que vous avez reçus, soit de vive voix, soit par notre lettre.»(2Thess.2;15). Par conséquent, l’Apôtre donne à son message une autorité doctrinaire totale. Il n’y a pas de différence entre la personne de l’Apôtre et son message. «Que celui qui parle de la sorte se dise bien que tels nous sommes de loin en paroles dans nos lettres, tels nous sommes en effet devant vous»(2Cor.10;11). Tous doivent connaître les épîtres de l’Apôtre. Il écrit en effet aux Thessaloniciens : «Je vous en conjure par le Seigneur, que cette lettre soit lue à tous les [saints] frères»(1Thess.5;27). «Et si quelqu’un n’obéit pas à l’ordre donnée par cette lettre, notez-le, et, pour le confondre, ne le fréquentez plus»(2Thess.3;14).
Si l’Apôtre insistait auprès des chrétiens sur une conception aussi élevée de ses épîtres, alors, bien sûr, les épîtres destinées aux chrétiens dévoués à l’apôtre devaient prendre une signification exceptionnelle et une autorité incontestable, que l’apôtre lui-même avait, et ainsi, il les faisait naître à nouveau par la parole de sa Bonne Nouvelle. Et, réellement, les épîtres apostoliques acquirent une telle autorité. Nous savons que les Thessaloniciens furent troublés par une épître soi-disant écrite par l’Apôtre (2Thess.2;2). Il y eut une fausse épître écrite au nom de Paul. Ce cas montre que, dès le début, les épîtres apostoliques exerçaient dans la conscience chrétienne une autorité doctrinaire; même de faux docteurs tentèrent de soutenir leur prédication avec la fausse épître apostolique. Ils produisaient des contrefactions ayant toujours une sorte de valeur et d’autorité. Conscient du mal que pouvaient causer les épîtres falsifiées, l’Apôtre Paul prit même certaines mesures pour protéger ses épîtres de la falsification. Il apposait sa propre signature manuscrite au bas de ses épîtres rédigées par une main étrangère, par exemple celle de Tertius (voir: Rom.16;22). «La salutation est de ma propre main à moi, Paul...»(Col.4;18). «La salutation est de ma propre main, à moi Paul; c’est là ma signature dans toutes les lettres: c’est ainsi que j’écris. Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous tous!»(2Thess.3;17-18). De la même façon, l’Apocalypse se termine par l’injonction de ne rien ajouter ni retirer des paroles de ce livre prophétique (Apoc.22;18-19). (A suivre)
Traduit du russe
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