Le texte ci-dessous est fin de la traduction d’un original russe préparé par Madame Olga Orlova, et publié le 5 mai 2018 sur le site Pravoslavie.ru. Il propose à travers une série de témoignages, un portrait du héros de l’ascèse, le Starets Archimandrite du grand schème Adrien (Kirsanov), du Monastère de Pskov-Petchory. Il fut un des grands startsy de la fin du XXe et du début du XXIe siècle, avec son confrère le Starets Ioann (Krestiankine) de bienheureuse mémoire. Ils furent deux luminaires qui répandirent avec abondance la grâce de Dieu au Monastère des Grottes de Pskov, déjà riche en saints et bienheureux startsy du XXe siècle. «Ceux qui ici sur terre étaient auprès de lui, se trouvaient comme au paradis».

Souvenirs de Raïssa Moustafievna, fille spirituelle du Starets.
Sans cesse, Batiouchka me bénissait pour que je me fasse humble. Il m’enjoignit de penser de moi-même que j’étais une brebis gâtée. Et parfois, s’y ajoutait une variante : «brebis puante». Et quand un homme venait se confesser à lui et faire montre d’un grand repentir, Batiouchka lui signifiait soudain :
– «Dis que tu es un mouton pourri!»
– «Comment ça?» se troublait l’homme.
– «Frappe-toi la poitrine et dis ‘je suis un mouton pourri, le plus pourri!»
Il fallait se faire humble : des juristes travaillaient comme concierges et aidaient les possédés à remplir leurs formulaires de demande de pension, gagnant eux-même leur vie comme balayeurs.– «Repens-toi, repens-toi», disait Batiouchka. Tous les entretiens avec lui aboutissaient à cela. Sans repentir, pas de salut.
Ses exorcismes ébranlaient tellement la conscience, quand les gens bêlaient, rugissaient, sautaient comme des chevaux, ruaient, piétinaient, que ceux qui observaient, dont la majorité n’imaginaient pas l’existence d’un monde spirituel, se repentaient et se convertissaient. Il savait comment transférer l’attention de l’extérieur vers l’intérieur.
Je me souviens que lorsque j’habitais chez une logeuse, elle me raconta que le Père Zénon (Théodore) recrutait des étudiants. Ainsi, disait-on, les moines ne seront plus les seuls à enseigner l’iconographie. J’avais terminé, jadis, l’école des arts, et j’étais très intéressée. Le Père Zénon confessait souvent, et je pouvais aller le voir et lui demander de pouvoir suivre les cours. Et à ce moment-là, alors que j’échafaudais ces plans, Batiouchka Adrien passa à proximité et répondit à mes pensées :
«Le Roi David pleura tellement, alors qu’à son époque, il n’y avait pas d’icônes!»
Cela signifiait que pour moi, l’essentiel devait être de me repentir, de pleurer mes péchés ; visiblement, les icônes ce n’était pas pour moi.
Par la suite, je n’ai jamais abordé ce sujet avec Batiouchka. C’est lui-même qui me dit lors d’une confession :
«Tu ne peindras pas d’icônes ; tu n’en est pas capable». Et cela me dissuada définitivement.
Il arrivait souvent qu’à des questions que je ne lui avais pas encore posées, Batiouchka donnait, comme cela, en passant, les réponses. Si quelqu’un pensait à un sujet qui le troublait et ne parvenait pas à formuler sa question, Batiouchka s’adressait devant lui à quelqu’un d’autre et dissipait tous les doutes. Il avait l’air de s’adresser à un autre, mais celui qui se posait la question comprenait que les paroles lui étaient destinées, et il recevait ainsi la solution au problème qui le tourmentait.
Je me souviens du jour où je voulus devenir puéricultrice à la Maison des Tout Petits. Je ne savais pas si ce travail me conviendrait, si je devais y aller… Soudain, Batiouchka passa à côté de moi et dit : «Tout sera parfait, très pur. Vas-y!» Je n’étais pas même parvenue à lui poser la question! Et je fis comme il avait dit. J’y allai immédiatement et remis ma candidature.
Bien sûr, il y eut aussi des difficultés, des tentations. Quelqu’un demanda au Père Zénon, à propos du Père Adrian : «Batiouchka a-t-il été l’objet de diffamation?». Et le Père Zénon répondit : «Le Seigneur aussi».
Il arrivait que le Père Adrien nous parle du paradis. Un matin, il me raconta : «Aujourd’hui, j’ai célébré avec le Père Ioann». Mais c’était déjà après le décès du Père Ioann (Krestiankine). «Et comment va-t-il, là-bas?», osai-je demander. «Il a là-bas une petit paroisse. Merveilleuuuuuse !» Répondit-il en souriant, complètement lumineux. Et Batiouchka me répétait souvent : «Le paradis, n’oublie pas le paradis».

Souvenirs du Hiéromoine Jonas, du Monastère de Pskov-Petchory.

Le Starets Adrien était sévère, et empreint de la grâce. Il était ouvert aux gens. Et en même temps, toujours concentré, intériorisé, ne se relâchant jamais.
Quand j’arrivai au monastère, je demandai au Père Adrien de me conseiller sur la façon de poursuivre ma vie. Après, il fut très heureux que je fus accepté dans la communauté. J’arrivai près de lui et il me dit :
– «Oh! Jonouchka, mon très cher, te voilà !»
C’est ainsi qu’il saluait tout le monde. Dieu veuille que je je rencontre au paradis. Je me souviens de certains de ses enfants spirituels, un couple. Le mari avait le cancer. Ils reçurent tous deux la tonsure monastique. Le Père Adrien leur avait dit : «Après la tonsure, tout partira». Et effectivement, après qu’ils eut reçu la tonsure monastique, l’homme partit à Moscou, subir les examens médicaux programmés. Et il s’y entendit dire : «Vadim (son nom avant la tonsure) avait le cancer, mais le Père Nicolas (son nom monastique) n’a plus rien». Par la suite, ils vécurent comme frère et sœur, et ils élevèrent dans l’esprit monastique leurs six enfants nés avant la tonsure.
J’ai eu la grâce de me confesser chez Batiouchka et de recevoir la communion de ses mains. Simplement être à côté de lui, c’était une joie immense.
Quand le Père Adrien s’en alla vers le Seigneur, je suis allé dans la chapelle où se trouvait son cercueil, et je l’ai vénéré. Je fus tout simplement recouvert d’amour! Pendant sa vie, il était toujours très concentré, aspirant à Dieu par la prière, s’efforçant de demeurer rigoureux, mais ici, tout son amour se dévoilait! Il était visible qu’il avait rencontré le Seigneur. Tous, nous ressentions cela.
Traduit du russe
Source