Le texte ci-dessous est la suite de la traduction ( proposée en plusieurs parties) d’un résumé détaillé de la vie de Saint Seraphim de Vyritsa écrite par Alexandre Archakovitch Trofimov à partir de son livre qui compte 240 pages. L’original russe du résumé traduit ici, agrémenté de nombreuses photographies, a été publié en six parties sur le site de l’auteur, le 14 mars 2014.
La guerre venait d’éclater, mais le Starets prévoyait déjà le retour d’une vie paisible et donnait des conseils, comment s’organiser, que faire après la guerre. Il évoquait les transformations dans la pays, la restauration des églises, des monastères, la renaissance de la Sainte Orthodoxie.
En 1945 mourut la moniale du grand schème Seraphima, qui avait partagé avec lui toutes les peines et les joies de la vie à Vyritsa. Elle fut inhumée à côté de l’église de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan à Vyritsa. Batiouchka dit alors : «C‘est ici que je serai, tout à côté d’elle». A l’été de cette même année, le Père Alexis Kibardine fut nommé recteur de l’église de la Très Sainte Mère de Dieu de Vyritsa. La moniale Taïssia se souvient : «A partir de 1945, c’est le Père Alexis Kibardine qui célébra à l’église de Kazan. Il avait alors soixante-trois ans. Il était beau, majestueux, paisible. C’était un sage pasteur, un intercesseur, pareil aux saints. Quand le Père Seraphim commençait un podvig de jeûne, le Père Alexis allait souvent lui rendre visite à la maison et lui donner les Saints Dons».Le Père Alexis servit d’abord comme prêtre, puis comme recteur de la Cathédrale de la Très Sainte Mère de Dieu Fiodorovskaia, la cathédrale des Souverains à Tsarskoïe Selo. Sa rencontre avec le Starets eut lieu après la révolution, lorsque le Père Alexis alla le voir à la Laure pour obtenir des conseils sur ce qu’il devait faire, partir à l’étranger ou rester en Russie. Le Starets répondit:
– Pas besoin d’aller nulle part, reste. On va avoir besoin de toi ici.
Le Père Alexis prit les paroles du Starets pour la volonté de Dieu en ce qui le concernait et demeura dans sa patrie. De 1930 à 1934, le Père Alexis se retrouva dans un camp à régime sévère. Après la libération, il servit comme prêtre dans la région de Leningrad, y compris dans le territoire occupé par les allemands. Et voici donc qu’il finit par retrouver le Starets Seraphim. Alors commença leur communion spirituelle: ils se confessaient, célébraient ensemble, se rencontraient souvent, discutaient. Le Père Alexis accompagna le Starets dans son passage à la vie éternelle, à ses côtés jusqu’au dernier moment de sa vie.
Après la guerre, dans la maison de l’Avenue de Mai, le Père Seraphim accueillit les gens en grand nombre. Il était très affaibli et se levait rarement du lit, mais le flot de ceux qui venaient ne diminuait pas.
Les habitants de Vyritsa et des environs allaient à lui, ceux de Leningrad, qui venaient de subir les horreurs du blocus, apportaient leurs peines, leurs malheurs, leurs questions, et il recevait tout le monde, peu importe le nombre de ceux qui arrivaient. Près de chez lui, on apercevait toujours la file de ceux qui attendaient leur tour.
Ils étaient particulièrement nombreux à poser des questions sur le sort des parents disparus. Le Starets voyant le destin de chacun, répondait : «Priez comme pour un vivant» ou «Priez pour le repos de son âme». A une femme qui avait posé une question similaire, il dit :
– Comment je sais sur quel bateau il va arriver? C’est sur un qui se trouve déjà à Leningrad. Je ne sais pas exactement si c’est celui-ci ou celui-là.
Il s’est avéré qu’à ce moment-là, le fils rentrait déjà à Vyritsa.
… Une fille spirituelle du Starets vint le voir et l’interrogea sur le sort de son mari, dont elle n’avait aucune nouvelle. Le Starets répondit:
– Ton Nikolouchka est vivant et rentrera bientôt à la maison, mais il aura très mal à la tête.
Et de fait, Nikolouchka revint avec une blessure à la tête.
… Lioubov Nikolaevna S. se souvient: «À la fin de la guerre, j’ai reçu une notification de la mort de mon mari. J’avais deux enfants et à l’époque, il en coûtait d’élever deux enfants. Je ne pouvais pas croire que j’étais seule. Je voulais penser que c’était une erreur et que mon mari reviendrait quand même. En 1947, nous sommes allés voir le Père Seraphim avec une de mes connaissances, dont le mari avait disparu. Ma compagne parla la première:
– Batiouchka! Mon mari est mort, je veux me remarier.
Le Père Seraphim secoua la tête et la menaça du doigt doigt en plaisantant:
– Te remarier? Mais le tien est vivant! Il va revenir, et il te donnera une danse.
Le Starets me dit alors de venir m’asseoir près de lui. Sans rien demander, il expliqua immédiatement:
– Tu n’y crois pas, mais ton mari est mort. Tu dois te remarier, un homme bon va s’occuper de toi!»
Le Starets bénit ses enfants spirituels pour qu’ils construisent des maisons pour accueillir ceux qui venaient lui demander des conseils et sa prière. Et bien sûr, les constructions avait été commencée sans argent ni matériaux, mais après la bénédiction de Batiouchka tout afflua de façon inattendue. Et plusieurs maisons furent construites. Le Starets y envoyait les visiteurs.
Après la guerre, beaucoup n’avaient nulle part où vivre. Pendant des années, les gens ne purent s’installer dans un logement. Ils venaient chez le Père Seraphim, et lui demandé de l’aide en pleurant. Batiouchka les bénissait, les cajolait, et sans retard ces gens ont recevaient un logement.
Une femme revint avec ses enfants à Leningrad, de retour après l’évacuation, mais sa chambre était occupée. Elle entama des poursuites en justice. Elle n’avait nulle part où vivre, errait dans des appartements. Suite à cette épreuve, elle tomba malade de sorte qu’elle ne pouvait plus se lever. Elle voulait vraiment aller chez le Starets, mais il n’en avait pas la force. Elle demanda à une connaissance de demander à Batiouchka ce qu’elle devait faire, peut-être repartir. Le Starets lui fit dire:
– Le juge va statuer, elle retrouvera sa chambre.
Il en fut ainsi; la chambre lui fut rendue… après le septième procès au tribunal.
Une autre femme, nommée Anna, avait survécu au blocus de Leningrad dans l’appartement de quelqu’un d’autre, le préservant ainsi que toutes les choses qui s’y trouvaient. Lorsque, en 1946, les propriétaires de l’appartement revinrent, elle se retrouva sans logement et sans permis de séjour. Elle s’adressa à différentes instances, rédigea des requêtes, démarches partout rejetées. Quelqu’un lui conseilla d’aller à Vyritsa chez le Starets Seraphim. Elle arriva près de Batiouchka qui lui a dit brièvement:
– Tu auras un permis de séjour et une chambre, ne désespère pas.
Littéralement le jour suivant, Anna fut convoquée à la Direction du Logement où on lui offrit un permis de séjour et une chambre dans la même maison; dans l’un des appartements vivaient des personnes âgées malades qui avaient besoin de soins. Le directeur et la responsable des permis avaient recommandé Anna comme quelqu’un de consciencieux et fiable qui avait déjà gardé l’appartement de quelqu’un d’autre. Anna fut acceptée et reçut une chambre «pour qu’elle puisse prendre soin des malades et des personnes seules».
… Une ancienne combattante du front vint chez Batiouchka se plaindre de ce que, pendant qu’elle était au front, elle avait perdu son logement, et ne parvenait pas à trouver un emploi convenable. Le Starets répondit:
– Il ne faut pas s’inquiéter de ces petites choses. Tu auras tout. Mais n’oublie pas Dieu.
Et en effet, elle trouva bientôt du travail, et reçut un appartement.
… Pendant la guerre, une résidente de Leningrad fut envoyée en captivité en Allemagne, puis dut travailler dans ce pays chez des fermiers. Elle revint au pays natal en 1946. La maison dans laquelle elle avait vécu dans la ville avait été bombardée, mais la maison de ses parents, où vivaient ceux-ci, avait été préservée à Vyritsa. Cependant, les autorités ne voulaient pas l’inscrire à Vyritsa. Sans permis de séjour, elle ne pouvait pas trouver un emploi et obtenir des cartes de ravitaillement. Elle alla voir le Starets Seraphim et lui demanda ce qu’elle devait faire. Batiouchka répondit:
– Agenouille-toi et priez de tout cœur la Très Sainte Mère de Dieu.
Après la prière, Batiouchka dit:
– Maintenant, tu vas faire partie des gens d’ici, et tu vas travailler avec les enfants.
Le lendemain, elle se rendit au Bureau des Affaires Intérieures, y déposa une requête qui fut immédiatement signée. Ainsi, elle reçut son permis de séjour, et fut sur le champ envoyée travailler dans un centre de revalidation pour enfants à Vyritsa.
Le Starets voyait en esprit ceux qui allaient venir à lui et il les nommait souvent par leur nom, et ils venaient vraiment.