Le texte ci-dessous est le début de la traduction (qui est proposée en plusieurs parties) d’un résumé détaillé de la vie de Saint Seraphim de Vyritsa écrite par Alexandre Archakovitch Trofimov à partir de son livre qui compte 240 pages. L’original russe du résumé traduit ici, agrémenté de nombreuses photographies, a été publié en six parties sur le site de l’auteur, le 14 mars 2014.
Selon certains documents qui ont fait l’objet de publications, en septembre 1920, Vassili Nikolaevitch Mouraviev a été accueilli dans la fraternité monastique de la Laure Alexandre-Nevski, et le 16/29 octobre de la même année, il a reçu la tonsure et le nom de Barnabé, dans l’église du Saint-Esprit à la Laure. Au même moment, son épouse recevait la tonsure au monastère de la Résurrection et de la Très Sainte Mère de Dieu d’Iviron à Petrograd et le nom de Christina. Le Père Barnabé fut rapidement ordonné diacre et on lui confia l’obédience de la tenue du bureau du cimetière. En 1921, le jour de la décollation du chef du Saint Précurseur, le 29 août/11 septembre, le Métropolite Benjamin (Kazanski) ordonna le Père Barnabé en qualité de hiéromoine. Après cela, il accomplit l’obédience de responsable des cierges, et ensuite celle de trésorier du monastère. Ici, ses connaissances et ses compétences dans ses activités commerciales antérieures se manifestèrent particulièrement. En juillet 1922, le Père Barnabé retourna dans sa terre natale de Iaroslavl, pour rendre visite à sa mère. En 1927, il reçut le grand schème et le nom de Seraphim, en l’honneur de Saint Seraphim de Sarov, et les frères le choisirent en qualité de confesseur de la Laure.
Vassili Nikolaevitch raconta à son père spirituel, le Starets Barnabé de la Skite de Gethsémani, un rêve prophétique remarquable qu’il fit: «Je me suis vu comme si j’allais en pèlerinage au Monastère Saint Nicolas, dans ma région natale, dans le District de Gorokhovets. Dans le rêve, la route me semblait inconnue et je me promenais dans les bois. Soudain, je vis devant moi un vieil homme portant un sac sur le dos et une hache à la main. Je lui ai demandé comment aller au Monastère Saint-Nicolas. Le vieil homme dit : «Viens, je t’accompagne; c’est là que je vais». Observant mon compagnon de route, je reconnus en lui le Père de Seraphim et lui demandai même: «Père, seriez-vous le Père Seraphim?». «Oui, je suis Seraphim», me répondit-il, et nous poursuivîmes notre chemin dans la forêt. Le Père Seraphim fit halte près d’une grosse souche renversée et s’assit dessus, posant sac et hache à ses pieds. Je m’assis à ses côtés. Tout à coup, venant de la direction opposée, le Père Barnabé apparut et s’assit près de moi, de sorte que je me suis retrouvé entre les deux startsy, qui paraissaient très heureux, ils se donnèrent l’accolade et se mirent à converser. Mais je ne pus comprendre ce qu’ils disaient, et je me suis réveillé». Le Père Barnabé, après avoir écouté l’histoire, fit joyeusement remarquer: «Eh bien, tu étais entre nous et tu n’as pas entendu ce que nous disions!?». Ce songe indique clairement que ce ne fut pas par hasard que Vassili Nikolaevitch reçut lors de la tonsure le nom de Barnabé, et lors du schème, celui de Seraphim. Le Starets lui-même répéta à maintes reprises qu’il ressentait une proximité avec son protecteur céleste, Saint Seraphim de Sarov. Au cours de la suite de la vie du Starets, on constate qu’il vénéra et imita fidèlement les podvigs de Saint Seraphim.
On conserve une photo du Starets revêtu du grand schème, prise en 1927. On sent en voyant cette photo qu’elle fut terrible la lutte menée par les startsy et les héros de l’ascèse de l’Église Russe. Son regard est celui du rude guerrier luttant à mort pour le salut de l’esprit du peuple.
La nouvelle de la clairvoyance du confesseur de Laure se répandit rapidement parmi les fidèles de l’ancienne capitale. Le Starets célébrait souvent dans la chapelle du Pokrov de l’église de la Laure. Il y confessait et donnait la Sainte Communion au peuple. Une foule de visiteurs l’attendait constamment. Il recevait des gens dans sa cellule. Quand il y avait énormément de gens ou quand le Starets était souffrant, ils posaient leurs questions par écrit sur des notes qu’ils remettaient à l’auxiliaire de cellule, et il recevaient réponse. Une femme se souvint qu’elle ne parvenait jamais, à cause de la foule, à approcher le Starets. Elle rechignait à pousser les autres, et la force lui manquait. Mais à chaque fois qu’elle venait, le Starets lui envoyait immédiatement l’auxiliaire de cellule qui demandait: «Où est une telle, à qui Batiouchka ordonne de venir près de lui?»
En 1927, l’Archevêque Alexis (Simanski) de Khoutyne , qui dirigeait l’Éparchie de Novgorod, vint demander conseil au Starets Seraphim. On avait proposé d’aider Vladika Alexis à partir à l’étranger afin d’échapper à une arrestation quasi imminente, voire au peloton d’exécution. Avant même que la question ne soit posée, le Starets Seraphim répondit : «Nombreux sont ceux qui aujourd’hui voudraient partir à l’étranger. Et à qui la Russie sera-t-elle laissée? Ne craignez rien, Vladika, la Russie a besoin de vous. Vous deviendrez le Patriarche de toute la Russie et le demeurerez pendant vingt-cinq ans. Après sa Sainteté le Patriarche Tikhon, nous n’aurons pas de Patriarche pendant longtemps. Le Métropolite Serge sera Patriarche pendant moins d’un an. Alors vous deviendrez Patriarche. Il y aura une guerre, et une guerre terrible, mondiale, elle conduira le peuple russe à Dieu. Et chez nous, ces mêmes dirigeants qui ferment maintenant les églises, ils les ouvriront».
Les enfants spirituels, de plus en plus nombreux, affluaient vers le Père Seraphim à la Laure. A cause de la confession quotidienne qui durait plusieurs heures, le Starets commença à avoir des douleurs constantes dans les jambes. Il lui arriva de recevoir des fidèles voulant se confesser pendant deux jours sans interruption. La Laure et son Starets représentaient une grande consolation pour les fidèles en ces années. Au milieu de la haine, de la trahison, des fratricides, il témoignait de Dieu par son amour, sa prière sincère, ses grands dons de grâce. On raconte comment, à la fin des années 20, une femme possédée par un esprit mauvais vint chez le Starets. Batiouchka lui oignit le front avec de l’huile de la lampe qui brûlait devant l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu, après quoi le démon sortit de la malade.
Beaucoup de choses furent révélées au Starets, et ses podvigs étaient connus de Dieu seul. Il fut l’élu et l’intercesseur de la terre russe en ces années terribles. C’est pourquoi tant d’affligés aspiraient à son soutien et son réconfort, et le Père Seraphim devint connu bien au-delà de la ville de Saint-Pierre. De tous les coins de Russie, les gens arrivaient à la Laure pour recevoir sa bénédiction, résoudre les problèmes de la vie quotidienne, obtenir du réconfort, des instructions les aidant à vivre dans l’environnement difficile des années post-révolutionnaires. Batiouchka lui-même disait de son podvig de confesseur à cette époque: «Je suis comme un entrepôt où les gens viennent entasser leurs afflictions».
Pendant ce temps, les nuages s’amoncelaient au-dessus de la Laure. Et arriva la «sainte et grande semaine» du monastère. Un soir, la plupart des moines de la Laure furent arrêtés et envoyés en exil et dans des camps. Beaucoup devinrent martyrs. Une grande partie de la communauté se retrouva aux Solovki.
En 1933, le Starets s’installe à Vyritsa1. On raconte qu’il y fut amené par un militaire, un de ses fils spirituel. Les médecins avaient découvert qu’il souffrait de nombreuses maladies. Ce n’est que grâce au fait que le Starets était si impotent, et qu’extérieurement sa vie semblait tenir à un fil, que les autorités lui permirent de s’installer à Vyritsa.
Et c’est là que le Starets Seraphim révéla pleinement son don de clairvoyance, son don de la prière inspirée, son don des miracles. À peine guéri de sa maladie, physiquement affaibli, il commença à recevoir tous ceux qui avaient besoin d’aide, de prière, de guérison et de réconfort. Vyritsa devint un endroit où, selon la Divine Providence, le Starets Seraphim continua son podvig d’intercesseur pour notre terre. Ici, il était sous la protection de la Très Sainte Mère de Dieu et de Saint Seraphim de Sarov (dont Batiouchka lui-même parlait à ses enfants spirituels).
(A suivre)
Traduit du russe.
Sources : 1, 2