Le texte ci-dessous est la traduction d’un original russe, la page consacrée à l’Archimandrite Alipi (Voronov) de bienheureuse mémoire dans le paterikon du Monastère des Grottes de Pskov-Petchory. L’Archimandrite Alipi (Voronov) devint à quarante cinq ans le Supérieur de la Laure des Grottes de Pskov, le 28 juillet 1959. Il fut un grand supérieur. Et il décida de quitter le monde et d’entrer au monastère 25 ans, jour pour jour, avant que Dieu ne l’appelle dans Sa demeure éternelle.
L’Archimandrite Alipi (dans le monde Ivan Mikhailovitch Voronov) naquit en 1914 dans la famille d’un paysan pauvre dans le village de Tartchikha, près de Moscou. En 1927, il s’installa à Moscou, où il termina ses études secondaires en 1931, mais il retournait souvent au village pour aider sa mère malade. À partir de 1933, il travailla comme ouvrier dans la construction du métro et étudia simultanément dans un studio d’art de l’Union des Artistes de Moscou. Ensuite, après avoir servi à partir de 1935 dans l’armée, il fut diplômé en 1941 de l’École des Arts des Syndicats de l’Union. De 1942 à 1945, il se trouva dans l’armée active et reçut un certain nombre de décorations. Après la guerre, il fut accepté dans l’Union des Artistes de Moscou.Ces faits bruts de la vie aideront à mieux comprendre les caractéristiques de la personnalité du futur Archimandrite Alipi, constructeur et restaurateur du Monastère des Grottes de Pskov, digne successeur de ces constructeurs qui ont illustré l’histoire du monastère.
Récemment, dans un des périodiques du Monastère des Grottes, il a été question de la préparation à la fermeture de celui-ci, à l’époque des persécutions de Khrouchtchev contre l’Église. L’Archimandrite Alipi, alors supérieur de la communauté monastique, s’opposa ouvertement, en confesseur de la foi, à la signature du décret qui lui était présenté. Sous les yeux du représentant du pouvoir athée, il prit le décret et le jeta dans le feu qui brûlait dans la cheminée… Et le monastère ne fut pas fermé! L’Archimandrite Alipi fut vraiment, dans toutes les manifestations de son ministère chrétien, un homme de force et de raison, une personne entière et désintéressée. Ses propres mots sont une évaluation frappante de son caractère: «Celui qui passe à l’offensive gagne. Il ne suffit pas de se défendre, il faut passer à l’offensive». Exactement une semaine sépare le jour de la mémoire de la natalice de l’Archimandrite Alipi, le 27 février (selon le calendrier de l’Église), du jour où l’on commémore le supérieur le plus éminent de l’histoire du Monastère des Grottes de Pskov, l’Higoumène Corneille. L’Archimandrite Alipi fut un digne disciple de Saint Corneille, étant lui aussi un constructeur, un peintre d’icônes, une personnalité énergique, active et polyvalente. L’Archimandrite Alipi réussit à restaurer pratiquement tout les murs d’enceinte en ruines qui entourent le monastère, et entreprit de nombreux autres travaux de restauration et de réparation. Prêtant une attention particulière au maintien de la tradition iconographique du monastère, il peignait lui-même des icônes. Arrêtons-nous sur certains faits de la vie de l’Archimandrite. Dès son plus jeune âge, Ivan Voronov avait une foi profonde et voulait l’exprimer au service de l’Église. Le 27 février 1950, il entra comme novice à la Laure de la Trinité-Saint-Serge. Le 15 août de la même année, il reçut la tonsure monastique des mains du Supérieur de la Laure, l’Archimandrite Ioann, (par la suite, Métropolite de Pskov et Porkhovski) et fut nommé Alipi, en l’honneur de Saint Alipi, l’iconographe de la Laure des Grottes de Kiev. Le 12 septembre 1950, il fut ordonné hiérodiacre par le Patriarche Alexis, et le 1er octobre, lors de la fête du Pokrov de la Très Sainte Mère de Dieu, il fut ordonné hiéromoine et désigné responsable de la sacristie de la Laure de la Trinité-Saint Serge. En 1952, le Père Alipi reçut la croix pectorale et, pour la fête de Pâques 1953, il fut élevé à la dignité d’higoumène. En plus de l’obédience de la sacristie, il était chargé de diriger les artistes et artisans qui effectuaient les travaux de restauration dans la Laure. Ensuite, jusqu’en 1959, il participa à la restauration et à l’ornementation de plusieurs églises de Moscou. Par décret du Patriarche Alexis du 15/28 juillet 1959, l’Higoumène Alipi fut nommé Supérieur du Monastère des Grottes de Pskov-Petchory. En 1961, l’Higoumène Alipi fut élevé au rang d’archimandrite. En 1963, il reçut du Patriarche Alexis une décoration pour les travaux diligents de restauration du Monastère. En 1965, le jour de la Dormition de la Très Sainte Mère de Dieu, fête de la dédicace du monastère, il reçut une seconde croix pectorale, ornementée. Plus tard lui furent également attribués l’ordre du Saint-Prince Vladimir du troisième et du deuxième degré, et, des mains de Sa Béatitude Théodose II, Patriarche d’Antioche et de l’Orient, l’ordre du Christ Sauveur du deuxième degré, avec croix. Le Père Alipi prêchait souvent, et en particulier sur l’amour chrétien. Il disait: «le Christ qui a Souffert sur la Croix nous a commandé: Aimez-vous les uns les autres! C’est pourquoi, pour se débarrasser du mal, il ne faut qu’une chose: accomplir ce commandement du Seigneur». L’Archimandrite Alipi est décédé le 27 février/12 mars 1975, ayant servi le Seigneur en qualité de moine, à partir du jour de son admission en tant que novice dans la Laure, pendant exactement 25 ans. Tôt le matin, le mercredi de la semaine des laitages, il s’en alla paisiblement et tranquillement vers le Seigneur.
Lors du vingtième anniversaire du décès de l’Archimandrite Alipi, l’Archimandrite Nathanaël (Pospelov) prononça les paroles suivantes : «En 1959, le Père Alipi fut nommé au Monastère de Pskov-Petchory; il arriva ici lors de la fête de la dédicace, en l’honneur de la Dormition de la Très Sainte Mère de Dieu. Son zèle pastoral pour le bien de notre saint monastère, son zèle pour le service et ses talents lui valurent immédiatement un amour particulier de la part des frères du monastère, des fidèles de Petchory et de Pskov et des pèlerins. Leurs prières ardentes et leurs aide permirent de surmonter toutes les difficultés liées à la confirmation du Père Alipi en qualité de supérieur de notre monastère».
Le Hiéromoine du grand Schème Siméon (Jelnine), père spirituel et confesseur du Monastère l’encouragea face au podvig qui l’attendait, en lui disant: «Agis, ils ne te feront rien!».
Le Père Alipi avait le don du verbe: plus d’une fois, on entendit de la bouche des pèlerins: «Vivons encore une semaine, peut-être que entendrons-nous encore une homélie du Père Alipi». Dans ses enseignements, il soutenait les découragés, réconfortait les faibles: «Frères et sœurs, vous avez entendu les appels au renforcement de la propagande antireligieuse, ne vous prenez pas la tête, ne vous découragez pas, cela signifie qu’ils ont peur». «C’est une chose terrible que de se joindre à la foule. Aujourd’hui, elle crie: «Hosanna!» et dans 4 jours, ce sera «Crucifie-le!». Par conséquent, là où règne l’injustice, ne criez pas «hourra», n’applaudissez pas. Et s’ils vous demandent: «Pourquoi?», répondez: «Parce que vous avez tort». «Pourquoi?» «Parce que ma conscience me le dit». «Comment connaître Judas?» «Celui qui a mis avec moi la main au plat, celui-là Me trahira!», dit le Sauveur lors de la Cène. L’élève est audacieux, qui veut égaler l’enseignant, le maître, prendre la première place, être le premier à prendre la carafe.Les anciens n’ont pas encore pris le petit déjeuner, que les jeunes se sont déjà pourléchés et rassasiés. Le futur Judas grandit. Sur les douze, un seul Judas. Si les aînés ne sont pas assis à la table, alors ne vous asseyez pas. Quand sont assis les anciens, alors asseyez-vous après la prière. Les aînés n’ont pas encore pris la cuillère, ne la prenez pas non plus. Quand les anciens ont pris la cuillère, alors prenez-la vous aussi. Si les aînés ont commencé à manger, alors commencez vous aussi». Voilà ce qu’enseignait le Père Alipi dans ses sermons. Quand lorsqu’il priait dans l’église, la prière du Père Alipi s’accompagnait de soupirs et des larmes, alors soupirs et larmes apparaissaient immédiatement chez ceux qui priaient avec lui. Telle était sa force d’esprit. Le Père Alipi aidait toujours les nécessiteux, distribuant les aumônes. Ils furent nombreux ceux qui lui demandèrent et reçurent de l’aide. Pour cela, il dut endurer de nombreuses difficultés. Il défendait les paroles des Saintes Écritures affirmant la nécessité d’accomplir des œuvres de charité et a soutenait que les œuvres de charité ne pouvaient être interdites car elles sont une partie intégrante de la vie de la Sainte Église orthodoxe. Celui qui interdit les œuvres de miséricorde porte atteinte à l’Église du Christ, et l’empêche de vivre l’essence de sa vie.
En tant que peintre d’icônes et restaurateur, il rénova avec soin l’iconostase sombre de l’église de la Dormition, les peintures intérieures de l’église du Saint Archistratège Mikhaïl, et de l’église Saint-Nicolas, où il restaura également l’iconostase-templon et l’icône du Saint, il agrandi le temple au détriment de la tour, en renforça les murs, et en restaura le dôme dans le style architectural qui lui est propre, celui de l’école architecturale de Pskov aux XVe et XVIe siècles. Il veilla également à la restauration du mur d’enceinte de la forteresse avec les tours de gardes et les passages, et de tous les toits. Six icônes de la Très Sainte Mère de Dieu qui se trouvent dans l’église Saint-Nicolas furent peintes avec sa participation et sous sa direction. Pour la fête de la Très Sainte Mère de Dieu, le 8 juillet et le 22 octobre, nous avons sur l’analoï l’icône de Kazan, icône de cellule du Père Alipi, peinte par lui.
Ses talents de constructeurs développés lors de la construction du métro de Moscou, il les employa dans la construction d’un pont sur le ruisseau Kamenets, dans le monastère, face à l’église de la Dormition. Le Père Alipi se distinguait par une détermination et une force d’esprit particulières. Quand il jeta au feu le document relatif à la fermeture du monastère de Pskov-Petchory sous les yeux des représentants du pouvoir, il se tourné vers ceux-ci et leur dit: «Je préfère accepter le martyre. Je ne fermerai pas le monastère». Quand ils sont venus chercher les clés des grottes, il a commandé à son auxiliaire de cellule: «Père Corneille, apporte-moi une hache, nous allons couper des têtes!» Ceux qui étaient venus s’enfuirent à toutes jambes.
Le Père Alipi rédigea à plusieurs reprises des critiques sur les mensonges concernant le Monastère des Grottes de Pskov et écrivit dans le magazine du Patriarcat de Moscou (année 1970, n°2 & 3) un article sur Saint Corneille, afin que l’histoire ne fût pas déformée.
Le Père Alipi protégeait les fidèles devant les puissants de ce monde, et il s’occupait de leur travail. Il écrivit que la seule chose dont ces gens étaient coupables, c’était de croire Dieu.
Il était aimable et sociable, accueillant avec amour les visiteurs, partageant ses talents, donnant des conseils sages.
Lorsque des visiteurs civils lui demandèrent comment vivaient les moines, il attira leur attention sur l’office divin qui était célébré dans l’église de la Dormition.
– Entendez-vous? Demanda-t-il.
– «Nous Entendons», répondirent les visiteurs.
– «Et qu’entendez-vous?»
– «Les moines chantent».
– «Eh bien, si les moines vivaient mal, ils ne chanteraient pas».
Lorsque des fidèles entretinrent des parterres de fleurs dans le monastère, les autorités demandèrent : «Qui travaille chez vous et sur quelle base?» Le Père Alipi répondit : «C’est le peuple-maître qui travaille sur sa propre terre». Et les questions cessèrent. Aux prêtres qui venaient au monastère, il disait de célébrer dans leurs églises.
«Tu vois, Batiouchka, tu as quitté ton église, alors dans ton église, c’est le démon qui va célébrer».
«Comment cela?» Lui répondait-on.
«Le démon trouvera la maison vide…», répliquait Père Alipi en citant l’Évangile.
Pendant l’épidémie de fièvre aphteuse, il expliqua que la célébration des offices ne devait pas s’arrêter dans les églises, car les vaches ne fréquentaient pas celles-ci et aucune institution n’arrêtait de fonctionner à cause de la fièvre aphteuse.
Quand les visites des grottes furent interdites, le Père Alipi répliqua en bénissant chaque matin, à 7 heures, de célébrer une pannychide dans les grottes, afin que les fidèles puissent visiter celles-ci et se souvenir de leurs proches, en particulier ceux qui tombèrent lors de la Grande Guerre Patriotique. Un oukaze fut envoyé interdisant de célébrer les pannychides dans les grottes. Par la bénédiction du Père, on continua à les célébrer. A celui qui demanda au Père Alipi s’il avait reçu l’oukaze, il répondit qu’il l’avait effectivement reçu. On lui demanda alors : «Pourquoi ne l’appliquez-vous pas?». Le Père répondit que cet oukaze avait été rédigé sous la pression d’une faiblesse de l’esprit, «Je n’écoute pas les faibles d’esprit, je n’écoute que les forts en esprit». Et les pannychides dans les grottes continuèrent.
Jamais le Père Alipi ne partit en vacances. Et même, comme il l’écrivit, de sa propre volonté il ne franchissait pas la porte du monastère, faisant diligence dans l’accomplissement de ses vœux monastiques. Et il répondait à ses accusateurs que ce n’était pas de sa faute si les choses impures du monde s’écoulaient dans la cour propre du monastère. Au début de 1975, le Père Alipi fut victime de son troisième infarctus. Il connaissait par avance l’heure de sa mort. Un cercueil lui avait été fabriqué, avec sa bénédiction, et se trouvait dans son couloir. Et quand on lui demandait: “où est ta cellule?”, il montrait le cercueil et disait : «voici ma cellule». Dans les derniers jours de sa vie, le Hiéromoine Théodorite demeura auprès de lui, il donnait chaque jour la Sainte Communion au Père et, en tant qu’infirmier, il lui conférait des soins médicaux. Le 12 mars 1975, à 2 heures du matin, le Père Alipi déclara : «la Très Sainte Mère de Dieu est venue, comme Elle est belle, donnez-nous des couleurs, nous allons peindre». On lui donna des couleurs, mais ses mains ne pouvaient plus agir, ces mains qui avaient transporté tant d’obus lourds vers la ligne du front pendant la Grande Guerre Patriotique. À 4 heures du matin, l’Archimandrite Alipi décéda tranquillement et paisiblement.
Les funérailles furent célébré par le Métropolite Ioann, toute la communauté du Monastère et des clercs visiteurs. Même les dirigeants civils furent profondément touchés par cette perte. Les gens ne se réjouirent pas de la semaine festive de maslenitsa, pendant laquelle avait eu lieu la mort du Père.
Jusqu’à sa mort, il donna la bénédiction pour chaque office et service monastique, pour chaque ouvrage dans le monastère et n’abandonna pas son obédience. Aujourd’hui, exprimant notre amour pour notre Père Alipi, nous le commémorons, en ce jour anniversaire de celui lors duquel il termina son martyre non-sanglant volontaire, et encore une fois, rappelez-vous, chers frères et sœurs, la parole apostolique: souvenez-vous du bon pasteur, notre défunt supérieur, le Père Archimandrite Alipi et, méditant sur la fin de sa vie terrestre, soyons les imitateurs de sa foi. Amen.
Traduit du russe