A l’instar de tous les horizons de Russie, de nombreux saints et bienheureux ont en leur temps mené leur podvig à Saint-Pétersbourg et dans sa région. On se souviendra sûrement de la Bienheureuse Xénia, de Saint Jean de Kronstadt et de Saint Seraphim de Vyritsa, mais une myriade d’autres saints justes et moines leur tiennent compagnie dans ce coin de Ciel de notre Église Triomphante. Il en est ainsi de la Bienheureuse Lioubouchka. Comme Sainte Xénia, elle mena le podvig de folle-en-Christ, et de plus, elle fut aussi pendant des décennies, le pivot d’un intense vie spirituelle dans la région, mais s’étendant aussi jusqu’à la Laure de la Trinité Saint Serge. En effet, le Starets Naum (Baiborodine) de bienheureuse mémoire envoyait régulièrement ses propres enfants spirituels auprès de la Staritsa de Sousanino, à proximité de Vyritsa, pour y recueillir sa bénédiction et ses conseils. Plusieurs livres ont été écrits à son sujet. Le texte ci-dessous est la suite de la traduction d’un site internet, dont le début se trouve ici.
Anticipant sa mort imminente, la Bienheureuse Marie Pavlovna transmit son ministère à Lioubouchka en disant: «C’est une grande». L’errante s’installa à Vyritsa, dans la famille de Lucie Ivanovna Mironova, et quand celle-ci déménagea à Sousanino, elle l’y accompagna. Une voisine habitait juste à côté. Elle était mécontente de ce que la nuit dans la chambre de la Staritsa résonnaient de grands sanglots: la bienheureuse pleurait sur le monde qui allait à sa perte et suppliait pour le peuple. La voisine alla même dépose à la police une plainte selon laquelle derrière le mur vivait quelqu’un sans permis de séjour, mais Lioubouchka ne fut pas inquiétée.Bientôt, le nom de Sousanino devint aussi important pour les gens que les noms des autres sanctuaires de notre Terre Orthodoxe comme Kitaevo, Diveevo, et Chamordino. Intercédant pour La terre russe, la Bienheureuse Lioubouchka vécut ici pendant une trentaine d’années, priant dans l’église locale de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan. L’Invincible Conductrice de nos Armées ne repoussa pas la Bienheureuse de sous son omophore , comme si Elle affirmait: «Celle-ci est ma fille bien-aimée». Chaque sainte icône de l’église de Sousanino fut embrassée encore et encore par la Bienheureuse, imprégnée de prières par elle; l’esprit de Lioubouchka y demeure aujourd’hui encore. Le Saint Hiéromoine du Grand Schème Seraphim de Vyritsa a dit que viendra un moment où quarante pécheurs s’accrocheront à chaque croyant, afin qu’il les tire du marais du péché. Pour ceux qui la connaissaient la Bienheureuse Lioubouchka fut un de ces êtres salvateurs . Elle guida vers le salut les affamés spirituels non seulement pendant les années du blocus, mais aussi en temps de paix; les gens ayant alors besoin d’un intercesseur et d’un consolateur pas moins que pendant la guerre. La maison de Sousanino devint un havre populaire. Des centaines, puis des milliers de visiteurs se sont précipités là-bas. Les gens allaient vers Lioubouchka comme vers une prophétesse: elle disait ce que le Seigneur annonçait, et on recevait ses réponses comme venant de la bouche de Dieu.
La Bienheureuse Lioubouchka était en prière jour et nuit, ne se permettant pas non seulement de s’allonger, mais même de s’asseoir. C’était le podvig de la station debout, qu’elle s’imposa pendant de nombreuses années, vraisemblablement avec la bénédiction du pilier du XXe siècle, Saint Seraphim de Vyritsa. Elle acceptait le pain apporté par les pèlerins, en mangeait un petit morceau , en commémorant d’une manière enfantine ceux qui l’avaient apporté. Les gens, voyant cela, commençaient à verser des larmes d’amour et de repentance. Quand la carapace tombait de leurs âmes, il restait un seul cri: «Seigneur, aie pitié de moi pécheur!» . Après, Lioubouchka conservait les restes du pain et en nourrissait les oiseaux dans la cour de l’église. Souvent, quand elle parlait à quelqu’un, Lioubouchka «écrivait sur sa main; elle bougeait l’index sur sa paume et répondait, parfois par des paroles claires, parfois mystérieusement, et parfois, sachant apparemment que l’interlocuteur ne respecterait les recommandations, elle disait : «comme vous voulez, faites comme vous voulez». C’est ainsi qu’elle répondait à ceux qui, au moins une fois, n’avaient pas accompli ses bénédictions. Les conseils de Lioubouchka guidèrent non seulement de simples croyants, mais aussi ceux qui étaient chargés de «nourrir l’Église», des évêques, des confesseurs expérimentés et des prêtres récemment ordonnés. «On n’avait pas besoin d’histoires au sujet de sa clairvoyance et autres dons spirituels», écrivit une contemporaine, «il suffisait seulement voir ses yeux, sa silhouette courbée, ses vêtements misérables, ses sacs de pain et on sentait en soi:«Oui, c’est de la sainteté». C’est ce qu’est une sainte femme. Mais comment se fait-il que nous recevions pareil cadeau, la rencontre avec la sainteté authentique?».
Lioubouchka priait beaucoup, surtout la nuit. Elle connaissait beaucoup d’acathistes par cœur. À Sousanino, les gens se tournaient de plus en plus vers elle, surtout dans les difficulté, dans le chagrin. Elle priait pour tous ceux qui s’adressaient à elle, leur disait la volonté de Dieu, car celle-ci lui était révélée. Elle lisait le plus souvent dans sa main, comme si le livre de vie lui était ouvert, à elle, la juste dont la prière montait jusqu’à Dieu. Lioubouchka envoya beaucoup de gens prier au monastère de Saint Jean le Juste de Kronstadt, sur la Karpovka, ou auprès de Sainte Xenia. Elle les vénérait beaucoup. «Les dernières années, il n’y avait pas une seule jour née au cours de laquelle personne ne venait, il en venait même la nuit, et pas seulement les laïcs, mais aussi des moines, des prêtres et diacres.
Le Père Naum, archimandrite à la Laure de la Trinité-Saint-Serge, nous envoyait souvent ses enfants spirituels. Lui-même vint chez nous, à Sousanino plus d’une fois. Je me souviens qu’il proposa à Lioubouchka de lui conférer la tonsure monastique. Et un jour, il envoya une poupée revêtue d’habits monastiques. Mais Liouba refusait avec obstination. Elle disait toujours : «Je suis une vagabonde, alors souvenez-vous de moi…». Jamais elle ne jugea un prêtre, ni personne; elle avait pitié de tout le monde. Plus d’une fois, elle m’a dit qu’elle mourrait auprès de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan, que des hommes la tueraient…» Lucie Ivanovna parlait volontiers parlé de la Bienheureuse sans se mettre en avant elle-même. Bien que, fidèle compagne de Lioubouchka, elle aida discrètement pendant vingt-deux ans la Bienheureuse à porter la Croix difficile de la folie-en-Christ. Il est impossible de calculer le nombre de ceux qui leur rendirent visite pendant qu’elle vécut avec Lioubouchka, ce ne furent pas de dizaines mais des milliers… Et combien la maîtresse de maison dut faire montre de patience, d’amour du Christ, pour tous les accepter, les consoler dans leurs afflictions, les nourrir, leur donner à boire, les loger pour la nuit.
Je me souviens de la délicieuse soupe et des tartes qui me furent offertes, lors de ma première visite à Lioubouchka, alors que j’étais une inconnue. Les dernières années, sur la cuisinière de Lucie Ivanovna, il y avait toujours plusieurs casseroles avec de la nourriture. Celles-ci attirèrent un jour l’attention d’un ami venu auprès de Lioubouchka. Ce prêtre fut surpris qu’il y en ait tant, puis, rompant le silence, il dit que Lucie serait sauvée par elles. «Bénis soient les miséricordieux, il leur sera fait miséricorde». Et combien de calomnies, que de médisances, Lucie Ivanovna et sa fille Galina durent-elles souffrir! Le Seigneur le sait. L’ennemi de la race humaine se vengea cruellement de Lioubouchka sur elles, le plus souvent à travers des proches, orthodoxes, de la maison. Ignorant les machinations du diable, l’un de ces proches, qui aidait à prendre soin de Lioubouchka (il fallait par exemple l’emmener à l’église chaque jours sans en laisser passer un seul), fut envoyé en janvier 1996 en voyage avec Lioubouchka. Lucie et Galina ne pouvaient y aller. La Bienheureuse promit de revenir bientôt. Mais à l’instigation de l’ennemi, et avec la permission de Dieu, Lioubouchka fut enlevée pour toujours à Lucie Ivanovna, malgré qu’elle demandât avec insistance qu’on la ramenât auprès de Lucie. À propos de cette époque, sans Lucie, on peut dire une chose: Lioubouchka l’errante, à l’exemple du Sauveur, fut crucifiée sur la Croix, qu’elle avait porté toute sa vie de labeurs. Chrétiennement, elle n’offrit pas de résistance. Dieu permit que se trouva à ses côtés un étranger, à qui elle disait encore à Sousanino: «Éloigne-toi de moi!». Tous les autres étaient loin et, semblait-il, l’avaient quittée. Pour satisfaire une malicieuse volonté, la Staritsa de 85 ans, malade et solitaire, fut trimbalée de monastère en monastère, et dans des logements étrangers. On essayait de tirer profit de sa présence. Sur la même instigation ennemie, on voulut fabriquer, attenante à l’église de Sousanino une «maison de Lioubouchka», ce qu’elle rejeta catégoriquement. Le Seigneur raisonna à Sa manière ceux qui avaient conçu ce projet.
Une maison fut construite lorsque la triste nouvelle de la mort de la Bienheureuse Staritsa parvint à Sousanino. Le 11 septembre 1997, jour de la commémoration de la décapitation du Saint Précurseur, Lioubouchka se retira auprès du Seigneur après avoir subi une opération à laquelle elle n’avait pas consenti. C’est ainsi que se réalisa la prédiction de sa mort telle que l’avait annoncée l’errante.
«Avant sa mort, Lioubouchka a séjourné en plusieurs monastères et ils sentirent son aide», écrivit Claudia Petrounenkova. Ainsi, après que la Bienheureuse Staritsa se soit rendue à Chamordino, le monastère pour femmes fondé par Saint Ambroise d’Optino, la communauté reçut une maison qu’on refusait de donner au monastère depuis très longtemps. La mère higoumène avait demandé à Lioubouchka de prier pour le transfert de la maison, et bientôt les propriétaires vinrent en remettre les clés. Après que la Bienheureuse s’y soit installée, le Monastère de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan à Vyshny Volotchka reçut de grands bâtiments. Lioubouchka y entra dans son repos éternel. Quand Lioubouchka arriva à Diveevo, elle y fut accueillie avec grand honneur,et invitée à vénérer les reliques de Saint Seraphim, mais, on ne sait pourquoi, elle ne le fit pas. On tenta de la persuader. Et elle dit finalement : «Quelles reliques? Il est vivant ici». La puissance de sa vision du monde spirituel ne nous était pas accessible. Elle vivait déjà dans l’autre monde. Il est providentiel que la Bienheureuse soit morte le jour de la commémoration de la Décapitation du Saint Précurseur. Elle fut un vrai prophète de notre temps. Nous ne pouvons pas comprendre cela maintenant ni ne pouvons comprendre l’ampleur de sa Sainteté. Au fil du temps, le Seigneur lui-même mettra tout en place….Un jour, une femme sortit de chez Lioubouchka. Sur ses joues, des taches rouges, son regard était agité. La femme s’était, semblait-il, engagée dans une activité d’édition. Plongeant la main dans son sac, elle en sortit tout un paquet d’icônes en papier.
– Je voulais les donner à Lioubouchka, nous les avons produites... dit-elle.
– Non, non, répliqua Anfisa en agitant les mains, reprenez-les! Nous n’en avons pas besoin.
Lorsque la femme fut partie, je ne pus résister et demandai à Anfisa pourquoi Lioubouchka avait refusé les icônes. Peut-on avoir trop d’icônes?
– Oui, je ne sais pas… répondit innocemment Anfisa.
Un mur tout entier était couvert d’icônes. Lioubouchka nous dit: «Qu’en pensez-vous? Ce sont des dessins? Non… ce ne sont pas des dessins, ce ne sont pas des photos. Ce sont les saints eux-mêmes et ils sont là...» Pour les autres ce sont des icônes, des images, mais pas pour Lioubouchka. Quelle que soit l’icône , elle la vénère. Alors qu’elle n’a quasi plus de force, elle tient à peine sur ses pieds… «On ne sait comment fixer ces icônes. Et puis, on les regarde tomber…Je ne sais même pas pourquoi on imprime ces icônes en papier»… et Lioubouchka se mit à pleurer… (A suivre)
Traduit du russe
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