Écrits
Le texte ci-dessous est la traduction d’une homélie prononcée en 1971 par le Métropolite Ioann (Snytchev), qui à l’époque était Évêque de Syzran et Vicaire de Kouïbychev. Cette prédication est reprise aux pages 60 à 62 du recueil d’homélies du Métropolite, intitulé «La Voix de l’Éternité» («Голос вечности»), publié aux Éditions Tsarskoe Delo à Saint-Pétersbourg, en 2012.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit !
Presque tous les héros de l’ascèse de l’Église du Christ ont fait la découverte d’une part du mystère de la vie spirituelle, de la perfection spirituelle. Ces êtres expérimentés comprirent profondément l’essence de la psychologie du péché et de la vertu. C’est pourquoi, en cherchant les hauteurs de la perfection spirituelle, ils savaient clairement qu’il était dangereux d’admettre tel ou tel péché. Le moindre mouvement du péché pouvait lui-même être dangereux. Ces ascètes pensaient ainsi: si ce qui est petit ne peut être vaincu, comment pourrait-on vaincre ce qui est grand?! Si on ne parvient à accomplir ce qui est petit, alors ce qui est grand, bien sûr, ne sera jamais atteint. La sagesse populaire dit qu’«un tout petit peu de kvas fait bouillonner toute la pâte». Par conséquent, le plus petit péché infecte l’âme humaine et en fait l’esclave du péché. Se souvenant de cela, ces héros théophores de l’ascèse de l’Église du Christ ont essayé de retrancher tout mouvement pécheur, jusque dans la moindre mesure, afin que la plus petite miette de péché ne produise une habitude dans la nature humaine. Cette habitude peut en effet devenir une seconde nature et tourmenter l’homme jusqu’à sa mort.Voilà, frères et sœurs bien-aimés, comment ces héros de l’ascèse de la piété comprenaient profondément la psychologie du péché. Et c’est pourquoi, craignant qu’une habitude pécheresse ne soit créée en eux, toujours ils essayèrent de vaincre le péché dans son œuf même. Ce n’est qu’avec une telle vigilance constante, avec l’élimination constante de toute volonté néfaste, qu’ils atteignirent le succès dans la vie spirituelle, purifièrent leurs âmes de la souillure du péché et plantèrent dans leur cœur toute les bonnes compétences qui les fortifiait sur le chemin du salut. Il n’est donc pas surprenant que ces ascètes de la piété s’élevèrent de force en force sur les degrés de la perfection spirituelle et atteignirent les dons de grâce du Saint-Esprit.
Je vais vous raconter un remarquable exemple d’une telle vie.
Au temps de Saint Ephrem le Syrien, des moines menaient leur podvig. Parmi eux, il y avait deux frères, non par la chair, mais en esprit. Soyez attentifs, frères et sœurs bien-aimés, au fait qu’ils s’efforçaient avec zèle de surveiller les mouvements de leur âme, les mouvements de leurs pensées et de leurs sentiments. Ils aspiraient à ne pas offenser leur prochain et à ne pas lui donner de motif de tentation ou de pierre d’achoppement. Et ils apprirent à se conformer à cette attitude. En d’autres termes, ils essayaient de vaincre toute manifestation, même la moindre, du péché. Ainsi, un soir, les deux frères moines s’occupaient, avec la bénédiction de l’higoumène, à des travaux d’aiguille. Ces travaux d’aiguille n’étaient pas très difficiles: ils tiraient des fils d’un lambeau d’étoffe afin d’en tresser des fils, dont ils tissaient ensuite des paniers ou des sacs à main. Pendant le travail, il arriva à un des frères de casser le fil d’étoffe, alors que l’autre frère travaillait sans erreur. Et ce frère qui travaillait bien eut soudain un sentiment d’irritation envers le frère dont les fils se cassaient. Ayant remarqué ce mouvement de volonté malveillante, le frère a compris que cela n’était pas utile ni pour lui ni pour son compagnon en Christ, et que la colère pouvait tellement déshonorer son âme qu’elle ruinerait définitivement toutes ses bonnes habitudes. Alors, pour vaincre la colère et l’irritation qui étaient nées dans son cœur, et pour apaiser son frère, il se mit à casser les fils, consciemment mais de façon discrète. Ainsi, il détruisit l’irritation dans son cœur et sauva son frère de l’embarras.
Voyez-vous, frères et sœurs bien-aimés, comment les pieux héros de l’ascèse traitaient leur prochain avec intelligence, amour et compassion, et comment ils cherchaient vraiment à réprimer la souillure du péché dès le tout début de son apparition. Ce merveilleux exemple est un grand enseignement pour nous qui vivons dans le monde mais qui avons soif de la vie éternelle.
Je ne doute pas que chacun de nous désire suivre le chemin du salut. Et pour réussir dans cette entreprise difficile, nous devons emprunter les bonnes compétences des héros de l’ascèse. Comme eux, nous devons aussi essayer de ne pas poser de pierre d’achoppement à notre prochain et tenter d’éliminer la moindre manifestation du péché dans nos cœurs. Et si nous nous améliorons de cette façon jour après jour (ce qui est nécessaire), si seulement nous aspirons vraiment au salut éternel, le succès dans la vie spirituelle viendra sans aucun doute.
Mais seulement, frères et sœurs bien-aimés, nous devons travailler. Et puis après tout, nous vivons, comme on dit, sur notre poids : un jour passe, et gloire à Toi, Seigneur. Mais comment il s’est passé, c’est ce dont nous nous préoccupons et inquiétons le moins du monde. En fait, combien de pierres d’achoppement avons-nous rencontrées pendant la journée? Combien de fois le mauvais est-il venu se coller à notre cœur et y a-t-il déposé toutes les pensées et les sentiments pécheurs possibles et imaginables? Il y a déposé l’orgueil, la vanité, l’irritation, le ressentiment, et les blasphèmes… Et combien de malentendus ont surgi entre nous! Et à propos de quoi? À cause des choses les plus creuses.
Frères et sœurs bien-aimés! J’espère que nous serons raisonnables. Non seulement nous devrons être raisonnables, mais aussi aimer le bien, vraiment l’aimer, et pas seulement le regarder. Et quand cet amour régnera vraiment dans nos cœurs comme une vertu, alors tout exemple offert à nos yeux par la vie des héros de l’ascèse sera pour nous une étoile nous guidant sur le chemin du salut. Il nous attirera, nous fortifiera, nous confirmera dans les vertus.
Ainsi, en recourant aux prières des saints serviteurs de Dieu et en regardant leur vie pieuse, nous nous fortifions également sur le bon chemin du salut, consolidant le bien dans nos cœurs, y éliminant tout péché afin d’atteindre la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur, Auquel reviennent honneur et gloire, ainsi qu’au Père et au Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.
Traduit du russe