Écrits

Le texte ci-dessous est la traduction en plusieurs parties d’un original publié sous forme de brochure aux Éditions Novaia Kniga (Monastère Sretenski) à Moscou, en 1997, intitulée «Comment se préparer au Grand Carême et le vivre?» (Как подготовиться и провести Великий пост), et dû au Métropolite Ioann (Snytchev). Le texte de la brochure a été rédigé à partir des homélies prononcées par Vladika Ioann dans les années 1970′. A cette époque, il était Évêque de Syzran et Vicaire de Kouïbychev. Les homélies portaient sur les nombreuses questions spirituelles liées directement au Grand Carême. Les parties précédentes du texte se trouvent ici.

Que nous dévoile la parabole du fils prodigue?
Les commandements de Dieu furent donnés à l’homme. En les observant, celui-ci acquiert une vie bénie.
Mais il est triste que l’homme n’apprécie pas toujours cette richesse que constitue l’accomplissement des commandements Divins dont son âme se nourrit. Parfois, il y a des moments chez l’homme où l’amour pour sa source de vie, l’amour pour son Créateur se raréfie, et alors tout ce qui sert de nourriture à l’esprit de l’homme devient comme un fardeau pour lui. Il essaie de s’en libérer, de se retirer, de rejeter le fardeau des commandements de Dieu et d’emprunter un chemin indépendant, de vivre comme il veut.En d’autres termes, l’homme s’éloigne du Seigneur et se jette dans les bras du péché. C’est le début de la chute. Ainsi, le refroidissement de l’amour de Dieu est le début de la chute hors de la maison du père. L’homme essaie de se débarrasser du bon joug du Christ et de fuir dans un pays lointain, dans un pays de péché, où, à son avis, il s’amusera et se réjouira sans fin. Le péché dessine dans l’esprit de l’homme toutes les douceurs, tous les charmes du monde. Il appelle, se fait signe à lui-même. Et l’homme, sans comprendre cette tromperie, délaisse la nourriture spirituelle et se tourne vers la nourriture animale, vers le péché.
Au début, alors qu’il n’a pas encore gaspillé les arrhes de la grâce du Saint-esprit, il ressent la force, la vie en lui. C’est comme une branche cassée. En effet, quand une branche d’un arbre sain est coupée, elle ne dessèche pas immédiatement, elle contient une sorte de suc reçu de l’arbre. Et pendant un certain temps, cette branche se nourrit des sucs restants. Et après? Après vient la fin bien connue : elle se dessèche.
C’est la même chose qui arrive à l’homme de péché. Il s’appauvrit spirituellement. Tout ce qui lui a été donné par l’accomplissement des commandements de Dieu par la grâce divine, tout cela est appauvri, aboli, et progressivement l’homme s’assèche spirituellement. Un vide se forme dans le cœur humain. Cet horrible vide pécheur n’accorde pas une minute de repos à l’homme. Et puis l’homme commence à s’agiter, à rechercher toutes sortes de divertissements, s’enflamme de la convoitise de la chair, d’orgueil, de turpitude, de méchanceté, d’envie, de cupidité et d’autres actions pécheresses. Mais tout cela n’apporte aucune satisfaction. Et s’il n’y avait pas la miséricorde du Seigneur, que deviendrions-nous, séduits par les machinations du diable?! Même dans le péché, le Seigneur ne prive pas l’homme de Sa miséricorde. Dans Sa Providence, Il a de nombreuses manières de nous remettre sur le chemin de vérité. Parfois, ce sont des remèdes très amers: les circonstances difficiles de la vie, la maladie, et la misère… Et en envoyant toutes sortes de tribulations, le Seigneur réveille l’homme, frappe à sa porte : réveille-toi, lève-toi, homme, tu es en danger! Voilà la situation dans laquelle pénètre l’homme qui a abandonné la nourriture spirituelle et s’est converti à la nourriture pécheresse. Il perd sa joie spirituelle, se vide et devient esclave du péché. Et si le péché n’a pas détruit complètement en l’homme les bons efforts de ses débuts, la possibilité de se réveiller du sommeil du péché persiste toujours. Mais il arrive aussi que le péché asservisse complètement l’homme, de sorte qu’il s’atrophie, perd le sens de la perception spirituelle et ne soit plus capable de toute vie spirituelle, ni de tout réveil. Mais tant qu’il demeure encore un coin de bon terreau dans le cœur humain, alors la grâce divine y jette sa semence. Et puis vient le réveil. Comment survient-il?
Comme le fils prodigue de l’Évangile. Il est écrit: quand il eut faim, il revint à lui-même. Qu’est-ce que cela signifie, revenir à soi? Cela signifie prendre conscience de notre situation dangereuse, de notre état de perdition. Devant l’homme pécheur, la miséricorde de Dieu semble écarter le voile, et il se voit debout au bord de l’abîme, de sorte qu’un pas de plus, et il tombera inévitablement dans cet abîme et périra définitivement. C’est ce qu’on appelle se ressaisir.
Quand cela arrive, alors l’homme commence à se souvenir de son ancienne vie bénie dans la maison paternelle. Les commandements de Dieu, qui lui semblaient autrefois très pesants, acquièrent maintenant une couleur complètement différente et ne provoquent plus l’amertume, mais la douceur. À ce moment-là, la détermination mûrit. La détermination de se reprendre et de s’éloigner du gouffre. C’est la deuxième étape de l’action de la grâce de Dieu sur l’âme humaine.
Puis vient la troisième étape salvatrice de l’éveil, celle où le fils prodigue non seulement décide de retourner dans la maison de son père, mais se lève et y va, c’est-à-dire qu’il a déjà vaincu la servitude pécheresse et, avec un sentiment de profond repentir, il revient au foyer.
C’est ainsi que le repentir salvateur s’accomplit. Il nous oblige à retourner dans la maison de notre père et à prier notre Seigneur et Créateur pour qu’Il pardonne.
Mais rappelez-vous que le Seigneur n’accepte que le repentir sincère. Ce n’est que lorsque l’homme se rend compte de sa chute, s’humilie devant son créateur et s’exclame: «Père, j’ai péché contre le Ciel et contre Toi, je ne suis plus digne d’être appelé Ton fils, parce que j’ai violé tous Tes commandements, j’ai gaspillé tout ce que Tu m’as donné! Prends-moi donc au moins parmi Tes mercenaires, afin que je travaille et que je reçoive ma part de la nourriture qui me permette de vivre». C’est seulement dans ce cas que le Seigneur nous rend le vêtement de lumière.
Voilà ce que nous révèle la Sainte Église pendant la semaine du Fils prodigue. Elle nous révèle comment l’homme, s’éloignant progressivement de la vérité de Dieu, se retrouve dans le domaine du péché, et nous montre comment se produit le réveil et le retour au foyer paternel.
Et j’aimerais que nous ne nous éloigniions jamais de l’enclos paternel, que le joug de Dieu ne soit pas lourd pour nous. Car dans son essence, il n’est pas lourd. N’entendons-nous pas la voix de notre Divin Sauveur : «Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai. Prenez sur vous mon joug, et recevez mes leçons, car je suis doux et humble de cœur ; et vous trouverez le repos de vos âmes. Car mon joug est doux et mon fardeau léger» (Mat.11;28-30). La voici, la vraie parole de Dieu! Si nous obéissons aux commandements de Dieu avec amour et par amour, le joug du Christ sera léger pour nous. Alors nous ne partirons pas dans un pays lointain, alors le péché ne nous possédera pas, alors nous n’aurons pas besoin de revenir.
Qu’est-ce que le repentir?
Le repentir est un grandiose don de Dieu à l’homme, un second baptême dans lequel nous nous lavons des péchés et recevons de nouveau la grâce perdue lors de la chute.
Nous étions pécheurs, et nous devenons saints. Le repentir nous ouvre le ciel, nous introduit au paradis. Sans repentir, il n’y a pas de salut.
Le repentir n’est pas une auto-flagellation publique, mais un travail intérieur difficile et laborieux pour purifier le cœur des impuretés morales qui s’y sont accumulées pendant une vie dispersée, négligente et dépourvue de grâce.
Se repentir, c’est changer de mode de vie, et tout d’abord «revenir à soi».
Cela signifie voir le péché en nous: en pensée, en parole et en action, en prendre conscience, le haïr, et puis utiliser les moyens offerts par l’Église pour l’éliminer de notre être. Après avoir perdu notre compréhension de la vraie spiritualité, nous avons également perdu la saine intelligence de ce bien.
Le fruit du repentir, c’est se corriger, changer de vie.
L’homme doit arracher impitoyablement les vices et les passions de l’âme, avec leurs racines, et se détourner du mal et de l’iniquité, aller vers le Seigneur et commencer à le servir Lui seul de toutes les forces de son âme et de son corps.
Celui qui se repent et pèche consciemment à nouveau, accroît sa culpabilité en «faisant marche arrière» et en piétinant la miséricorde de Dieu. «Ce n’est pas tant les péchés que nous avons commis qui irritent Dieu que notre refus de changer», dit Saint Jean Chrysostome. (A suivre)
Traduit du russe
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