Le Starets Kirill (Pavlov)
disait de lui
qu'il était
le Batiouchka qui,
sur toute la terre,
était doté de
la plus grande bonté.
L’original russe du texte ci-dessous provient du site du Monastère de Rylsk, dans l’Eparchie de Koursk. Il présente brièvement l’Archimandrite Hippolyte (Khaline), qui en fut l’higoumène pendant les dernières années de sa vie. Plusieurs livres ont été écrits au sujet de ce grand et saint Starets qui, avec d’autres, illumina la Terre de Russie au cours du siècle dernier. Son chemin commença dans la région de Koursk, passa par le Désert de Glinsk, le Monastère des Grottes de Pskov, le Mont Athos, et il se termina dans sa région natale de Koursk.
Entre octobre 1991 et décembre 2002, c’est l’Archimandrite Hippolyte (Khaline) qui accomplit l’obédience de supérieur du Monastère Saint Nicolas de Rylsk. On l’appelait le Starets de l’Athos, et de tous les coins de Russie, on venait dans ce petit monastère de la Russie provinciale pour recevoir ses conseils spirituels. Il consolait et aidait tout le monde, tous ceux qui ployaient sous l’affliction, ceux qui souffraient de maladies physiques ou d’infirmités de l’âme. Le Père Hippolyte amena une multitude de gens à la foi. Il fut, pour ceux qui cherchaient une vie spirituelle, un guide sage et à la tolérante patience. Ses enfants spirituels garnirent les rangs des prêtres et des moines, dont avait tant besoin la Russie qui renaissait après la folie de l’athéisme.L’Archimandrite Hippolyte (Khaline) naquit le mercredi 18 avril, pendant la Semaine Lumineuse de Pâques de 1928, dans la famille des paysans Ivan Konstantinovitch et Evdokia Nikolaevna Khaline, au village de Soubbotino, dans l’oblast de Koursk. Ils eurent huit enfants, quatre garçons et quatre filles. Sergueï, comme se nommait dans le monde le futur Père Hippolyte, était le plus jeune. Ses trois frères moururent au front pendant la guerre, et c’est sur lui, encore adolescent, que reposa le fardeau des lourds travaux de la ferme. Dès son enfance, Sergueï fut croyant, d’autant que dans la famille Khaline, on comptait prêtres et moines, et son oncle Mikhaïl célébrait dans l’église d’un village voisin. Les membres de sa famille se souviennent de ce que pendant la jeunesse de Sergueï, celui-ci gardait sous son lit une valise pleine de livres au contenu spirituel. Il les lisait et relisait sans cesse, en particulier, la Bible, alors qu’extérieurement, il ne laissait rien paraître de sa foi en Dieu. Par la suite, le Père Hippolyte se souvint : «Parfois, quand j’étais à l’armée, alors que tout le monde dormait, je me cachais sous la couverture, et je lisait le «Notre Père»… De façon générale, j’aimais observer les prêtres, malgré qu’autour, tout le monde se moquait d’eux et des gamins chantaient des couplets moquant les popes. Intérieurement, je voulais devenir prêtre».
Bravant les temps difficiles, Sergueï parvint à terminer les dix classes de l’école moyenne, à suivre une formation de fondeur en usine, et encore à terminer les cours de l’Institut Pédagogique. A l’issue de trois années de service à l’armée, il travailla quelque peu dans le monde, et en 1957, âgé de 29 ans, il entra comme novice au Désert de Glinsk. Ses parents ne s’y opposèrent pas, au contraire, ils le bénirent, lui disant : «Fiston, nous, nous avons vécu notre vie, tu dois choisir ta voie, celle qui te plaît». Les frères du Père Hippolyte, qui n’étaient pas mariés, moururent au front, mais les pieux parents ne forcèrent pas leur fils cadet à se marier et à prolonger ainsi la lignée. Plus tard, le Père Hippolyte plaisantait : «Personne n’est venu me demander en mariage, alors, je suis parti au monastère».
Au Désert de Glinsk, Sergueï devint le fils spirituel du célèbre Starets Andronique (Loukach), qui avait, comme on dit, un caractère tout semblable à celui de Batiouchka. On disait du Starets Andronique que par sa compassion il prenait sur lui les afflictions de l’âme humaine. On a écrit de lui que l’humilité et la douceur régnaient sans partage dans son âme, qu’il était obéissant et débordant d’amour. Et ces traits de caractère de son starets, le novice Sergueï en fit l’exemple à imiter, et ils apparurent par la suite, particulièrement lorsque le Starets Hippolyte accueillit beaucoup de monde. Dans l’ouvrage «Le Désert de Glinsk et ses startsy», on peut lire un court récit rapportant la guérison du novice Sergueï Khaline d’une pneumonie lobaire par la prière du Père Andronique. Dans ce monastère, Sergueï vivait dans la même cellule que le jeune novice Ivan Maslov, qui devint par la suite le grand starets et théologien, l’Archimandrite du grand schème Ioann. Le jeune novice Vania Maslov était très maladif et de faible constitution, et son ami Sergueï veillait sur lui, en tant que garde-malade, et lui apposait des compresses et enveloppements.
Le novice Sergueï vécut un peu moins d’une année au Désert de Glinsk. En novembre 1957, il entra au Monastère de la Dormition – des Grottes de Pskov, où le métropolite Ioann (Razoumov) de Pskov le tonsura et l’ordonna d’abord hiérodiacre, et en 1960, hiéromoine. Le Seigneur ne délaissa pas Batiouchka, qui reçut une nourriture spirituelle. Aux Grottes, il nouat des liens étroits avec trois grands startsy : le Hiéromoine du Grand Schème Siméon (Jeline), qui fait officiellement partie depuis 2003 du chœur des saints, ainsi que deux des derniers startsy de Valaam, venus vivre aux Grottes de Pskov : le Hiéromoine du Grand Schème Mikhaïl (Pitkievitch) et le Moine du Schème Nicolas (Monakhov).
Batiouchka se souvenait avec beaucoup d’amour et et de gratitude de ces anciens. Surtout du Père Mikhaïl, dont il fut un certain temps l’auxiliaire de cellule. «Tu vois petit Serge, tu ne dois pas devenir un coq, mais bien une poule» ; ainsi le Starets enseignait l’humilité à son auxiliaire de cellule. Selon le Père Hippolyte, le Starets Mikhaïl et lui-même étaient spirituellement très proches et se confessaient mutuellement. Il est évident que le futur Starets Hippolyte apprit beaucoup de la part des héros de l’ascèse des Grottes de Pskov. «Toute ma vie, je me suis souvenu de ce moine doux, calme et humble», rappelait l’Archiprêtre Alexandre Koulikov de l’église Saint Nicolas des Érables à Moscou, récemment décédé. Quand le Père Alexandre, encore jeune prêtre, alla aux Grottes de Pskov, il y séjourna dans la cellule du Hiéromoine Hippolyte.
En 1966, le Hiéromoine Hippolyte fut envoyé des Grottes de Pskov à la Sainte Montagne de l’Athos, au Monastère russe Saint-Panteleimon qui à cette époque manquait cruellement de moines. Le monastère était habité en tout et pour tout par une dizaine d’hommes. Et il se retrouva parmi les cinq premiers moines envoyés là-bas en renfort dès que l’État soviétique athée eut autorisé l’envoi à la Sainte Montagne de moines provenant d’Union soviétique. L’Archimandrite du Grand Schème Élie (Nozdrine), envoyé à la Sainte Montagne dix ans après que Batiouchka Hippolyte y fut arrivé raconte : «Ce sont ces cinq moines qui ont sauvé la situation, car il restait très peu de résidents là-bas, et le monastère allait passer aux mains des Grecs. Au début, ils furent accueillis avec méfiance, pour na pas dire avec animosité ; on les appelait les «popes rouges».
Mais ces cinq pères et les autres moines qui arrivèrent par la suite d’URSS, surent gagner la confiance des frères de l’Athos, par leur vie et leurs travaux au Monastère Saint Panteleimon. Le Père Hippolyte mena son podvig sur l’Athos pendant dix-huit ans, accomplissant les obédiences de cellérier et d’économe, comme Saint-Silouane, dans la cellule duquel on suppose qu’il vécut. Ce fut très difficile de tenir économiquement, car à l’époque soviétique, le pouvoir interdisait l’aide aux monastères. Et, selon les souvenirs de l’Archimandrite Abel (Makedonov), qui fut pendant quatre ans le Supérieur du Monastère Saint Panteleimon sur l’Athos, jamais le Père Hippolyte et lui ne s’asseyaient pour se reposer et se chauffer. Ils devaient imaginer comment ils allaient pouvoir nourrir les frères le lendemain, comment procéder aux travaux de restauration, comment continuer à exister. Mais par la miséricorde de Dieu, le Monastère tint bon, on y priait, les problèmes étaient résolus petit à petit. En plus de l’obédience d’économe, le Père Hippolyte était chargé de représenter le Monastère dans la Sainte Épistasie. Le Hiéromoine Macaire, confesseur du Monastère Saint Panteleimon au moment de la rédaction de ce texte, raconte qu’il a rencontré des Grecs qui faisaient partie de la Sainte Épistasie et qui se souvenaient encore du Père Hippolyte comme d’un moine très humble et plein de zèle. L’Archimandrite du Grand Schème Élie, lorsqu’il se remémore la période athonite de sa vie, parle de Batiouchka Hippolyte comme d’un frère en Christ pénétré de grâce, bon, et doux, et à la prière intense.
En 1948, Batiouchka devint très malade et partit se faire soigner en Russie. Et il y demeura. Il célébra pendant un temps dans les églises de villages de l’Éparchie de Koursk, et ensuite, avec la Bénédiction de l’Archevêque Juvénal (Tarassov), il prit la tête du groupe de frère chargés de faire revivre le Monastère d’hommes Saint Nicolas de Rylsk. Un fardeau lourd était ainsi posé sur les épaules d’un moine qui n’était plus jeune et dont la santé était précaire : la restauration et la reconstruction de cet antique monastère, la formation des jeunes frères, l’organisation de l’activité économique autour d’une ferme, et l’accueil d’une multitude de pèlerins.
Le Père Hippolyte priait sans discontinuer pour les frères qui lui étaient confiés, pour tous ceux qui accouraient pour demander son aide. Il créa en Terre de Rylsk plusieurs skites dans lesquelles s’installèrent de petites communautés monastiques. A Bolchegneouchevo, la skite pour femmes acquit avec le temps le rang de Monastère de la Très Saine Mère de Dieu «de Kazan». Et il participa à l’ouverture en Ossétie du Nord du Monastère pour hommes de la Dormition en Alanie.
L’intense labeur de prière et les soucis relatifs à la restauration du monastère affectèrent la santé du Père Hippolyte. Au cours des dernières années de sa vie, il fut très malade, et le 17 décembre 2002, le Seigneur rappela à Lui Son fidèle soldat et ouvrier des champs spirituels. Les funérailles eurent lieu le jour de la fête de Saint Nicolas, Archevêque de Myre en Lycie, auquel le Père Hippolyte s’adressait constamment dans ses prières et vers lequel il envoyait prier ses enfants éprouvés par les malheurs, les tribulations et les tristesses. Une foule énorme accompagna Batiouchka sur son dernier bout de chemin terrestre. Il fut inhumé à côté de l’autel de l’église Saint Nicolas qu’il avait reconstruite, l’église principale du monastère.
Une croix de bronze a été dressée sur un socle de granit, sur la tombe de Batiouchka ; une lampade un brûle constamment de même que des cierges, toujours à disposition. Les orthodoxes n’oublient pas leur consolateur, leur Batiouchka qui les aime, et devant sa tombe arrivent pour le prier des pèlerins de tous les horizons de Russie, d’Ukraine, des pays proches, et de pays lointains.
Traduit du russe