Rares
furent
en tous temps
les authentiques
vénérateurs de Dieu.
(Métropolite Innocent de Penza)

Aujourd’hui encore, nous ne réalisons pas combien nombreux furent les justes et les saints dans la Russie du XXe siècle, et notamment dans la Russie de la fin du XXe siècle. Certains seront glorifiés par l’Église, le podvig des autres restera connu seulement d’un cercle restreint, plus local. Le texte ci-dessous est la traduction de la vie d’un de ces héros de l’ascèse très peu connus en Occident. L’Higoumène Boris (Khramtsov) fut un fils spirituel de l’Archimandrite Naum (Baïborodine) de bienheureuse mémoire. Un saint homme, lui aussi. L’original russe est accessible librement sur l’internet, mais il fut également publié en 2005 sous forme de livre intitulé «Крестный Путь Игумена Бориса» (Le chemin de croix de l’Higoumène Boris) aux éditions Palomnik.Le début du texte se trouve ici.

Jeunesse

Quand il eut terminé à l’école du village de Zaretchny le cycle de base de huit années d’école, il alla s’installer avec sa maman à Tioumen. Son frère, plus âgé, vivait à Tobolsk où il suivait les cours de charpentier dans une école d’artisanat. A quatorze ans, entrant dans dans une grande église pour la première fois Élie croisa les mains sur la poitrine et s’écria : «Ma maison, c’est ici!».
A Tioumen, Élie entra à l’Institut de Médecine, et en même temps, commença à chanter dans le chœur de l’église de la Très Sainte Mère de Dieu du Signe. On l’admira pour la rapidité avec laquelle il intégra l’oustav et pour sa voix superbe. Il chantait en tant que premier ténor, voix semblable à celle des sopranos féminines, et il jouissait d’une oreille musicale irréprochable. Pendant ces années de pouvoir des sans-Dieu, les enfants n’étaient pas autorisés à entrer dans les églises. Mais Élie, affermi par les prières de sa maman ne se laissait pas troubler et ne craignait pas les interdits ni les railleries caustiques de ses condisciples, et il portait toujours au cou une chaînette avec une croix.
Il fit alors connaissance avec le Hiéromoine Gabriel qui, vivant dans un ermitage des monts du Caucase venait à Tioumen rendre visite à des parents. A la fin de sa première année d’école supérieure, Élie partit au Caucase avec le Père Gabriel. Il séjourna dans un des des montagnes proches de Soukhoumi et rencontra le Starets Archimandrite du Grand Schème Andronique (Loukach) de Glinsk, venu vivre à cet endroit après la fermeture du Désert de Glinsk. Sur les conseils de celui-ci et avec sa bénédiction, Élie interrompit ses études à l’Institut de Médecine et participa à tous les offices à l’église de la Très Saine Mère de Dieu du Signe. En attendant d’être appelé à l’armée, entre les offices, il travaillait comme manutentionnaire.
Pour Élie, le début du service à l’armée fut très pénible. Dans son unité régnait la ‘dédovchina’ [La «loi des grands-pères», forme de bizutage qui se transformait régulièrement en mauvais traitements et parfois en sévices. N.d.T.]. Élie fait son service militaire à Moscou, au bataillon du génie. Il dût accomplir des travaux lourds, qui ruinèrent en partie sa santé. Et les miliciens des classes plus anciennes, mécréants, le prirent en grippe. Ils essayaient de lui arracher sa croix et l’injuriaient. Par la suite, le Père Boris raconta qu’on le maintenait couché sur le sol et on le battait. Mais il ne ressentait pas la douleur ; un ange prenait sa défense et amortissait les coups. Mais rapidement il attira sur lui l’attention de la hiérarchie qui vit en lui un soldat consciencieux et efficace et il fut chargé d’aller distribuer la nourriture dans différentes unités. Certains soldats étaient géorgiens et ils écoutaient comment Élie chantait de sa voix superbe «Gospodi Pomilouï» en géorgien, et cela leur plaisait et ils en redemandaient. Avec le temps, les compagnons et les supérieurs d’Élie adoptèrent envers lui une attitude de confiance et de respect. Il termina son service avec le grade de caporal.

Ministère du Père Boris en Sibérie

Quand son service à l’armée fut terminé, Élie se rendit à Tobolsk chez sa maman. Dans leur appartement vivait également le Hiéromoine Théodore (Troutniev), transféré de la Laure de la Trinité-Saint Serge vers une paroisse. Élie entra dans le chœur de l’église du Pokrov et reçut en 1975 tonsure monastique et le nom de Boris (en l’honneur du Saint et Juste Prince Boris le Strastoterpets). La tonsure fut célébrée par Son Éminence Maxime (Krokha), Évêque d’Omsk et Tioumen.
Le Père Boris fut rapidement ordonné hiérodiacre. Le doux et volontairement pauvre Père Théodore soutenait le jeune hiérodiacre de ses conseils spirituels, le confessait, et orientait le cours de la vie du moine dans la direction nécessaire. Le ministère du Père Boris commença dans des conditions très compliquées. Par le biais de toutes ses officines, les autorités athées semaient au sein du peuple l’antipathie vis-à-vis de l’Église et ses serviteurs. Après avoir été ordonné hiéromoine, le Père Boris dût célébrer pendant un certain temps à l’église du Pokrov. Des guides spirituels expérimentés, il y en avait peu, et les sans-Dieu se déchaînaient, assaillant l’Église, se sentant maîtres de la situation. Le rapport des forces était défavorable au Père Boris, si bien que l’Évêque Maxime décida de le déplacer à Omsk, où le Père Boris célébra pendant quasiment dix ans à l’église Saint Nicolas. Dans la grande ville d’Omsk, qui comptait alors presque un million d’habitants, il y avait seulement deux églises ouvertes, la cathédrale de l’Exaltation de la Sainte Croix et l’église Saint Nicolas ? La charge qui reposait sur les épaules du prêtre était donc très lourde. Le Père Boris célébrait très souvent. Il y avait de nombreux baptêmes, et il allait confesser les malades chez eux. Et il suivait à distance les cours du Séminaire et de l’Académie de Théologie de Moscou. De nombreux habitants d’Omsk aimaient le Père Boris, comme un de leurs fils, mais aussi comme père spirituel. Jeune en âge, il était mûr et fort en esprit. On lui faisait confiance, on l’écoutait. Inspirés par l’exemple du Père Boris, voyant son service zélé à Dieu et à l’Église, certains de ses enfants spirituels demandèrent à recevoir eux aussi la tonsure monastique et l’ordination sacerdotale.
À Omsk, le Père Boris rencontra l’Archiprêtre Anatoli Provirnine (qui devint ensuite l’Archimandrite Innocent). Le Père Boris attira également son frère aîné Alexis dans l’Église. Il venait d’être diplômé en constructions et continua à se spécialiser, à mi-temps. En 1978, le Père Boris emmena son frère auprès de Vladika Maxime, Évêque d’Omsk et Tioumen. A partir de ce moment, la vie des deux frères fut consacrée exclusivement au service de l’Église. Bien que plus jeune, le Père Boris assuma toujours dans leur vie le rôle principal. Son attitude envers son frère était en permanence bienveillante et attentionnée… Il était comme un ange gardien pour Alexis (qui devint par la suite l’Archimandrite Dimitri). Règle de la prière, préparation au service divin, offices fréquents, études intenses au Séminaire et à l’Académie; voilà de quoi était faite leur vie. Une fois par an seulement, ils se permettaient deux ou trois semaines de repos sur les rives de la Mer Noire ou dans les montagnes du Caucase. Là-bas dans les monastères, vivaient de grands startsy: l’Archimandrite du grand schème Andronique, qui avait béni le Père de Boris pour la voie monastique, l’Archimandrite du grand schème Stéphane (Ignatenko), qui prédit au Père Boris: «Tu seras un starets pour toue la Russie», le Hiéromoine Gabriel, qui soutenait les deux frères par sa prière et les emmena à plusieurs reprises dans les ermitages de montagnes. À l’Académie, le Père Boris communiquait avec l’Archimandrite du grand schème Ioann (Maslov). Toutes ces rencontres l’affermirent dans sa vie spirituelle. Tout cela était comme une préparation à une vie plus indépendante, à un nouveau service.
Mais cette préparation prit fin et une nouvelle étape dans la vie du père de Boris commença. (A suivre)