Paroles de Batiouchka (50)

Né en avril 1937, Valerian Kretchetov, prêtre de village, est le prédicateur le plus âgé de l’Éparchie de Moscou. Fils d’un prêtre, frère d’un prêtre, l’Archimandrite Valerian est père de sept enfants, dont un prêtre, et grand-père de trente quatre petits enfants. Il fut ordonné diacre en novembre 1968, et prêtre en janvier 1969. En 1974, il succéda au Père Sergueï Orlov, comme recteur de l’église du Pokrov, au village d’Akoulovo, dans la région de Moscou. Il fréquenta les plus grands starets pendant des dizaines d’années et accomplit dix-huit séjours sur l’Athos. Une quinzaine de livres ont été édités, reprenant prédications, entretiens multiples et interventions devant des groupes très divers. Celles et ceux qui apprécient les «Paroles de Batiouchka» pourront également se tourner vers le livre paru aux éditions Sofia en 2015 : «Le plus important. Toutes les façons de croire se valent-elles ?». Madame Laurence Guillon y a traduit en français une série d’entretiens et d’enseignements, toujours remarquables, du Père Valerian.

«Réflexions avant la Confession», pages 87, 88, 89.

Le livre dont a été tiré l’extrait.

C’est en oubliant Dieu que l’humanité en est arrivée à faire de l’homme le législateur de sa propre moralité. Dès le XIXe siècle, nous avions été prévenus que cela allait arriver, par Dostoïevski, notre écrivain orthodoxe. Sur le Mont Athos, j’ai été très surpris d’entendre avec quelle vénération des gens de haute spiritualité, des Grecs, y parlent de lui. Quand notre groupe y est allé en pèlerinage, le Père Vassilios, Supérieur du Monastère d’Iviron, très respecté sur la Sainte Montagne, nous a donné tout un cours sur Dostoïevski. Nous ne nous attendions pas à ce qu’un représentant d’un peuple étranger connaisse aussi profondément notre littérature. Et donc, Dostoïevski a dit au monde entier (parce que malgré tout, on lit encore de la littérature profane) que l’homme s’était, malheureusement, choisi lui-même comme mesure morale : «Je suis mon propre législateur!». A notre époque, au XXe siècle, on appelle cela la morale autonome. Autonome signifie ici ‘indépendante’, celle que l’homme érige pour lui-même, osant décider ce qui est moral et ce qui est amoral. Et à quoi donc a conduit l’établissement d’une pareille morale ? A ce que tous ces ‘maîtres’ de leur propre moralité affirment que dès que quelque chose existe, cela signifie qu’elle a le droit d’exister. C’est-à-dire, que si on veut quelque chose, on peut y accéder ! Mais alors qu’on tenta de renverser la morale chrétienne et de la remplacer par cette nouvelle tendance, un des représentants de celle-ci (…) posa la question «Qu’est-ce qui est bon et qu’est-ce qui est mauvais?» (…) Et il se fait que ce n’est pas si simple de distinguer ce qui est bon de ce qui est mauvais. (…) Qu’est-ce que le bien, qu’est-ce que le mal ? Dans la Bible, il est écrit que quand Dieu eut créé le monde, «Il vit que cela était bon». Et quand arriva le péché, ce fut mauvais. S’écarter des commandements de Dieu, s’écarter de Dieu, voilà ce qui est mauvais. Cette question de la distinction entre le bien et le mal, les gens ne peuvent la résoudre, lorsqu’ils essaient de le faire sans Dieu.

Traduit du russe

Le Métropolite Ioann (Snytchev). Nombreux sont ceux qu’il amena à la foi.

Portrait par Philippe Moskovitine

Portrait

La traduction ci-dessous est celle d’un article du site Blagovest Samara, rédigé et publié le 7 décembre 2012, par Madame Ludmila Belkine. Celle-ci est allée à la rencontre de Vera Nikiforovna Pavlov, qui fit partie de l’équipe de ceux et celles qui travaillèrent pour le Métropolite Ioann (Snytchev) raconte ses souvenirs. Portrait en filigrane d’une juste qui brosse elle-même les traits d’un saint serviteur de l’Église.

Une de mes connaissance me parla un jour de Vera Nikiforovna Pavlov ; celle-ci avait passé de nombreuses années à aider Vladika Ioann (Snytchev), alors Archevêque de Kouïbychev et Syzran. Lorsqu’il devint Métropolite de Saint-Pétersbourg et Ladoga, Vladika emmena Vera avec lui à Saint-Pétersbourg. Je décidai de rendre visite à Vera Nikiforovna, paroissienne de l’église des Saints Cyrille et Méthode, à Samara. Maintenant, avancée en âge, elle reste à la maison, mais son caractère demeure combatif, comme jadis. Les prêtres et les membres de la paroisse lui rendent visite. Dans sa chambre et dans la cuisine, les murs sont couverts d’icônes, et aussi de photographies de Vladika Ioann, comme chez beaucoup de ceux qui fréquentaient déjà les églises de Samara à l’époque soviétique. Mais c’est Vladika Ioann lui-même qui donna à Vera ses photos et même un portrait.
Vera Nikiforovna Pavlov naquit à Samara (qui s’appelait alors Kouïbychev) le 4 novembre 1926, jour de la fête de l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan. Elle avait quatorze ans quand sa maman mourut et son papa travaillait de longues journées à l’usine. Vera se sentait «laissée pour compte». Alors qu’elle étudiait encore à l’école, elle travaillait aussi dans un atelier de fabrications de gaufres pour les blessés et allait à l’hôpital militaire aider à changer les pansements des blessés. Elle se retrouva à Stalingrad, nettoyant la ville après les bombardements. De retour, elle se rendit au bureau d’enrôlement de l’armée : «Envoyez-moi au front!». Elle suivit les cours de radiotélégraphiste à Moscou et devint opératrice radio sur le premier front Biélorusse, allant jusque Berlin. Mais à l’occasion du trentième anniversaire de la Victoire, les ancien radiotélégraphistes furent invités à l’administration de l’armée où on les informa que tous les documents les concernant avaient été détruits. Voici sept ans seulement, Vera Nikiforovna, après avoir écrit au Président Poutine, commença à recevoir une pension d’ancienne combattante.
– Vera Nikiforovna, comment avez-vous rencontré Vladika Ioann pour la première fois?
Je suis allée le voir le 28 février 1974, lors de l’anniversaire du décès de papa. Une connaissance venait de décéder et je ne savais si on pouvait la commémorer à l’église. Une femme m’avait suggéré d’aller poser la question à Vladika Ioann.
J’entrai : «B’jour!». Je ne sus comment réagir. La pièce d’accueil de l’éparchie, rue Lénine, était minuscule. Il me fit asseoir et répondit à ma question. Je lui remis cinq petits citrons : «Faites mémoire de mon papa». Vladika inscrivit le nom de papa dans un cahier. Depuis ce jour-là, je commençai à aller à l’église régulièrement. Lors des vigiles, dans la Cathédrale du Pokrov, Vladika me fit l’onction. Je suis sortie et j’ai pleuré. La voisine et moi observions un jeûne strict ; des pommes de terres cuites avec l’épluchure et de l’eau froide. Tel était notre zèle.
Deux ans après la première rencontre, je me rendis chez Vladika demander sa bénédiction pour un pèlerinage aux reliques de Saint Serge. Mais Vladika me devança : «Vera, va maintenant à l’atelier de prosphores. Anna y est, dis-lui que c’est moi qui t’ai envoyée». Et il me renvoya, sans plus d’explications. J’allai à la Cathédrale du Pokrov. Elle était fermée, il n’y avait personne. En face de la Cathédrale, rue des Frères Korostelev, je vis une petite maison verte et décidai d’aller y prendre renseignements. Je frappai et demandai Anna. C’était là que demeurait la responsable des prosphores. On me reçu assez étrangement. Entendant que je m’appelai Vera, ils s’intéressèrent : «C’est vous qui avez demandé à Vladika la permission de venir ici?». Il se fait que deux ans plus tôt, Vladika leur avait dit : «Vous avez déjà Liouba et Nadia avec vous; je vous enverrai Vera». Il m’avait observée pendant deux ans avant de m’envoyer cuire les prosphores. J’acquiesçai immédiatement, bien que j’étais coiffeuse et gagnais de la sorte assez bien d’argent. Je dis à Vladika : «Mais que dois-je faire? J’ai promis à Saint Serge d’aller chez lui chaque année».
«Mais tu iras chez Saint Serge!», répondit-il. Et pendant douze années, alors que je travaillais à l’atelier de prosphores, j’accompagnai douze fois Vladika Ioann à la Laure, le 18 juillet, pour la fête de Saint Serge. Cette première année, j’y emmenai cinq babouchkas. Zagorsk était bondé de pèlerins de tous les coins du monde. Pas de place à l’hôtellerie. Mais Vladika nous donna sa bénédiction pour que tout s’arrange. Une femme vint vers nous et nous proposa de nous installer chez elle. Vladika logeait au Séminaire. Il nous avait expliqué dans quelle église il célébrerait et nous y avons participé aux offices. Le 18 juillet au matin, le Patriarche célébra la Liturgie dans l’église de la Sainte Trinité, près des reliques de Saint Serge. Lors de mes premiers pèlerinages, c’était le Patriarche Pimène. Par la suite, ce fut le Patriarche Alexis ; après, il sortait sur le balcon de la maison à côté de l’église-réfectoire, et bénissait la foule. Après la Liturgie, Sa Sainteté le Patriarche célébrait sur la place un moleben de sanctification de l’eau. Trois grands chœurs chantaient. Il y avait du monde partout, des résidents et des étrangers. Certains se tenaient même au-delà du portail, sur la rue. La milice était de service. Nous ramenions de Zagorsk plusieurs bidons d’eau sainte.
Un jour, à Zagorsk, on me vola mon porte-monnaie qui contenait mon argent et mes billets. Vladika me donna de l’argent pour le voyage, ainsi qu’un demi-sac de prosphores à ramener à Kouïbychev, insistant pour que je ne l’abandonne nulle part, ni ne le pose sur le sol. Portant ce sac sur le dos, je me rendis aux caisses pour acheter un billet. Le lieu était rempli ; du monde devant toutes les caisses, mais je vis une caisse qui avait été ouverte pour suppléer aux circonstances, et un seul homme y faisait la file. Vingt minutes plus tard, j’avais mon billet! Par la bénédiction de Vladika j’arrivai saine et sauve à la maison, et je lui remis les prosphores en mains propres. Les prosphores de Saint Serge, il les découpait lui-même et en distribuait des parcelles aux fidèles le 21 juillet, lors de la fête de l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan.
J’ai cuit entre trente et quarante mille prosphores. A l’époque, deux église seulement avaient un atelier de prosphores, celle des Saints Pierre et Paul, et celle du Pokrov. Les batiouchkas des villages venaient s’approvisionner en prosphores chez nous. On travaillait toujours en récitant la prière de Jésus.
Après trois ans de travail à l’atelier de prosphores, je décidai de partir. J’étais fatiguée. J’étais quasiment seule à pétrir à la main la masse de pâte. J’étais assise dans la pièce d’accueil de Vladika. Un assistant de Vladika, entra : «Pourquoi pleurez-vous?». Vint ensuite Rimma, qui travaillait à l’accueil : «Vera! Prends ce morceau de pastèque!». Demeurant assise, je mangeai la pastèque et séchai mes larmes. Après avoir tout mangé, j’ouvris tout grand les yeux : mais où était la peau de la pastèque? Sans m’en rendre compte, j’avais tout mangé, même la peau. Je pensai : «Pourquoi suis-je venue m’asseoir ici ? Jamais je ne quitterai Vladika». Vladika avait tout perçu, spirituellement, et il m’avait béni au moyen de cette pastèque. Vladika me débarrassa de la machine à pétrir qu’il fallait actionner à la main. Une nouvelle machine fut acquise, et tout s’arrangea.
Quand Vladika venait à l’atelier de prosphores, s’il appuyait sur la poignée de la porte en chantant «Il est digne…», cela signifiait que tout allait bien. Nous nous avancions vers lui afin de recevoir sa bénédiction, dans l’ordre de notre arrivée à l’atelier. Il allait prier devant le coin aux icônes, et ensuite, coupait le pain que nous avions cuit spécialement et nous en distribuait une part, après quoi il nous versait à chacune un verre d’eau en guise de bénédiction. Si nous nous étions querellées, Vladika ne chantait pas en entrant. Spirituellement, il voyait à l’intérieur de nous. Un jour, il entra sans chanter et dit : «Aujourd’hui, j’ai prié longuement pour vous. Il y avait tellement d’ennemis sur le toit de votre atelier! C’est à cause d’eux que vous vous êtes querellées».
Comme il aimait tout le monde, Vladika! A la Trinité, des portes jusqu’à l’ambon, tout était décoré de verdure. Tout le monde attendait Vladika. Il arriva et bénit les gens des deux côtés. Derrière lui, les fidèles prenaient la verdure pour la ramener chez eux. Il ne restait plus une brindille.
– Comment était Vladika dans ses relations?
Il était très simple. J’avais peur d’aller chez les prêtres, mais chez lui, j’y allais souvent, pour toutes sortes de questions. Un jour, il me donna sa bénédiction pour que je lui téléphone vers huit heures moins cinq. J’eus à peine le temps de l’interroger qu’il me répondait, sachant parfaitement de quoi il s’agissait. Il me félicitait toujours, le jour de ma fête onomastique, et il me donnait une bouteille de Cahors et une boîte de bonbons. La dernière fois, il me souhaita patience, humilité et douceur. Avec mon père lui-même, je n’entretins pas des relations aussi chaleureuse qu’avec Vladika.
Quand il reçut sa désignation à Piter, je suis allée chez lui : «Eh bien, Vladika, voilà que vous allez partir. Que vais-je devenir? Je n’ai d’autre père spirituel que vous». Il me couvrit d’un pan de sa mantia et dit : «Je pars. Toi, attends que je t’appelle. Si j’ai du travail pour toi là-bas, je te prendrai chez moi». Il partit donc et me téléphona bientôt. A mon tour, je me rendis à Saint-Pétersbourg.
Lorsqu’on emmena Vladika de Samara à Saint-Pétersbourg, une foule énorme l’accompagna à l’aéroport. Les gens montaient sur les clôtures, et même sur les toits. Tous les croyants de Samara se rassemblèrent. Il avait amené tellement de gens à la foi! A plusieurs reprises, il entra dans la cabine de l’avion et en ressortit. Tous criaient : «Vladika, ne pars pas!». Alors, il sortait de nouveau, se tenant à côté de l’hôtesse. Quand il faisait mine de rentrer, on criait avec force: «Vladika, bénis!». Et il bénissait une fois encore, dans toutes les directions le peuple qui se pressait. Tout le monde sanglotait. Finalement, il nous fit un grand signe de la main et entra dans l’avion, et celui-ci démarra.
Quand Vladika est parti, il nous a donné cette instruction : «Adressez-vous à Maria Ivanovna (Matoukassov), et demandez ses prières».
A Saint-Pétersbourg, Vladika me demanda de travailler à la datcha de Komarovo. Pendant les cinq années de son sacerdoce à Saint-Pétersbourg, Vladika vint à la datcha épiscopale quatre fois sen tout et pour tout, afin de s’y reposer un peu. Mais toujours, il nous faisait communiquer l’endroit où il célébrait, «pour que Vera vienne à l’office». Après celui-ci, Volodia, le chauffeur de Vladika me reconduisait à Komarovo, à 70 km.
Un homme aisé me dit un jour : «Votre Vladika, pfff… ! Une mémère est venue le trouver pour lui dire «Vladika, je veux acheter une chèvre», et il l’a emmenée dans son bureau, lui a proposé un siège et a commencé à discuter avec elle!». Je lui répondis : «quand vous achetez une voiture, vous demandez la bénédiction à Vladika. Pour la vieille dame, acheter une chèvre, c’est comme acheter une voiture, pour vous».
– Parlez-nous des offices célébrés par Vladika à Saint-Pétersbourg.
Le premier office [auquel participa Vera Nikiforovna. N.d.T.] fut célébré à la Laure Saint-Alexandre Nevski. Valentina Sergueevna Diounine et moi, ses filles spirituels de Samara, nous étions présentes. Après l’office, il invita tout le monde en bas, pour les agapes. Cent cinquante participants s’y retrouvèrent. A la fin, l’archidiacre se leva et proclama : «A notre Vladika : Mnogaia Leta!». Je sursautai : «Comment ça, ‘votre’ Vladika? C’est notre Vladika!». Je me calmai, m’assis et commençai à pleurer. Vladika ne m’avait pas vue.
Vladika célébra un de ses premiers offices dans l’église de l’icône de la Très Saine Mère de Dieu de Vladimir. Quand ce fut terminé, m’assis et demeurai dans l’église. Deux babouchkas étaient à côté de moi. L’une s’adressa à l’autre : «Qui a célébré aujourd’hui? On aurait dit un ange! Jamais je n’ai assisté à pareille célébration, comme si j’étais au Ciel». D’emblée, le peuple l’accepta. Quand il célébrait, l’église était toujours remplie de monde.
– Vladika sentit-il arriver sa fin?
Lors de sa sixième année à Piter, Vladika commanda de nombreuses reproductions de photos de lui, petites et grandes. Il lui restait environ six mois à vivre. Il savait qu’il allait partir. Ces photographies furent distribuées lors des commémorations des troisième, neuvième et quarantième jours.
Un jour, j’étais assise à table avec Vladika, et Valia (Valentina Sergueevna Diounine, fille spirituelle et médecin de Vladika et par la suite, Moniale du grand schème Barbara. N.d.A.) se mit à chanter. Ensuite, elle demanda à Vladika : «mourrai-je bientôt?». Et il répondit : «Je partirai d’abord, ensuite, tu me suivras». Elle mourut un an et demi après le décès de Vladika.
Je suis allée chez Vladika un mois avant sa mort. Il avait rassemblé tous ceux qui lui étaient proches, depuis sa médecin personnelle, et le médecin en chef de l’hôpital où il était soigné, jusqu’aux nettoyeuses. Une centaine d’hommes et femmes. Sa secrétaire Anna Stepanovna, sa secrétaire avait téléphoné à chacun pour transmettre l’invitation. Vladika se tenait à la porte pour accueillir et bénir chaque arrivant. Ensuite il célébra dans l’église domestique, et après l’office, il invita tout le monde à passer à table. Il nomma chacun par son nom en l’installant à table. Il installa à côté de lui les prêtres et le diacre qui concélébrèrent ce jour-là. Tout ce cérémonial dura quarante minutes. Ensuite Vladika s’assit, baissa la tête et dit : «J’ai vécu à Samara, j’y ai servi pendant vingt-cinq ans». Il prit une respiration. Voulut dire quelque chose, respira à nouveau. Voyant que tous avaient pris un air triste, il raconta quelque chose de drôle ; comment un jour sa barque chavira alors qu’il était occupé à pêcher. Il tomba alors à l’eau et quand il en sortit, il dût s’occuper d’enlever toutes les algues qui le recouvraient. Ensuite, pendant trois heures, il raconta ses années de service à Samara, et comment lors de son départ, il regarda la Volga à Tsarevchina et y prit congé de Samara. Samara lui était très chère. Le repas terminé, tout les convives se levèrent pour chanter «Il est digne». Vladika se plaça à côté de la porte et bénit chacun.
L’assistant qui était à ses côtés au moment de sa mort me raconta que lorsque Vladika se rendit à cette inauguration de la «Banque de Saint-Pétersbourg» à l’Hôtel Couronne du Nord, il fut pris de frissons. Il ralentit le véhicule. Lorsqu’ils arrivèrent, les participants étaient déjà à l’étage. Vladika sortit de la voiture et avança lentement. Sa respiration était sonore. Il ne parla à personne. A un moment, il s’inclina et s’effondra sur le sol, terrassé par une crise cardiaque.
Le quarantième jour, des effets personnels de Vladika furent distribués, comme bénédictions. Je reçus une icône en bois de la Résurrection du Christ, que Vladika avait lui-même découpée et peinte. Jamais, il ne s’en sépara. Même lorsqu’il alla à Jérusalem, il l’emmena avec lui.
Après la mort de Vladika, je suis allée vingt-huit fois auprès de lui, au cimetière Saint-Nicolas de la Laure Saint-Alexandre Nevski. Chaque année, j’y allais deux ou trois fois. Quand il me manquait, j’y allais. Je m’occupais de l’entretien de sa tombe, des tombes voisines, de celles de la maman et du frère du père spirituel de Vladika, le Métropolite Manuil (Lemechevski). Tout le monde me connaissait, et pendant des journées entières je racontais Vladika aux gens. Le deux novembre, jour où on commémore Vladika, des prêtres arrivaient de partout pour célébrer des pannychides devant sa tombe. Il m’arriva d’assister à onze pannychides successives. Je sortait du train et je marchais le long de la Perspective Nevski, directement au cimetière Saint-Nicolas. Et il y avait déjà du monde. Je faisait une grande métanie à Vladika de la part de Samara et des fidèles de Samara.
Traduit du russe
Source.

Métropolite Pitirim (Netchaev). Souvenirs du Starets Sébastien (Phomine)

Métropolite Pitirim (Netchaev)

Le Métropolite Pitirim (Netchaev) de Volokolamsk et Yourievsk (1926-2003), naquit dans une famille de prêtres (un de ses ancêtres fut Évêque de Tambov), devint moine de la Laure de la Trinité Saint Serge, et proche collaborateur du Patriarche Alexis (Simanski). Il était un fils spirituel du Starets Sébastien de Karaganda.
Le texte ci-dessos est la traduction de la première partie d’un article mis en ligne sur le site Pravoslavie.ru le 22 octobre 2013. Le Métropolite y évoque des souvenir à propos du Starets Sébastien.

Le Starets Sébastien (Phomine), qui vécut de longues années à Karaganda, a particulièrement marqué ma vie. Au bout de nombreuses années, j’ai compris que des héros de l’ascèse, il en est de deux sortes: chez certains, autodidactes, c’est inné, les autres, ils passent par l’école monastique. Le Père Alexandre Vosskressenski est une exemple du premier type,  et le Père Sébastien en est un du second. Il était un héritier des startsy d’Optino.
Dans notre famille, nous racontions une histoire au sujet de la manière d’enseigner de Saint Ambroise d’Optino, quand il était professeur au séminaire de Tambov. On se souvenait qu’il fut un joyeux drille, jusqu’à son départ pour le monastère,il était l’âme de son groupe, aimait jouer aux cartes. Et il parlait même de lui en vers : «Ambroise je fus, et des cartes, il n’en fut plus». Mes parents n’ont pas fait de pèlerinage à Optino, mais mon père correspondait avec le Starets Nectaire. Le Père Sébastien était son disciple. C’était un homme merveilleux. Il commença à recevoir des gens alors qu’il était encore un jeune novice, et ensuite, diacre. Il était renommé dès avant la Première Guerre Mondiale. Read more

Paroles de Batiouchka (49)

Né en avril 1937, Valerian Kretchetov, prêtre de village, est le prédicateur le plus âgé de l’Éparchie de Moscou. Fils d’un prêtre, frère d’un prêtre, l’Archimandrite Valerian est père de sept enfants, dont un prêtre, et grand-père de trente quatre petits enfants. Il fut ordonné diacre en novembre 1968, et prêtre en janvier 1969. En 1974, il succéda au Père Sergueï Orlov, comme recteur de l’église du Pokrov, au village d’Akoulovo, dans la région de Moscou. Il fréquenta les plus grands starets pendant des dizaines d’années et accomplit dix-huit séjours sur l’Athos. Une quinzaine de livres ont été édités, reprenant prédications, entretiens multiples et interventions devant des groupes très divers. Celles et ceux qui apprécient les «Paroles de Batiouchka» pourront également se tourner vers le livre paru aux éditions Sofia en 2015 : «Le plus important. Toutes les façons de croire se valent-elles ?». Madame Laurence Guillon y a traduit en français une série d’entretiens et d’enseignements, toujours remarquables, du Père Valerian.

«Réflexions avant la Confession», pages 78 et 79.

Le livre dont a été tiré l’extrait.

Nous vivons parce que le Seigneur nous protège. Nous devrions nous en souvenir et rendre grâce sans arrêt. Lorsque le Métropolite Philarète apparut à l’un de ses lointains parents, il lui dit : «Tu mènes une vie d’abstinence. Et tu as été sauvé de la mort à maintes reprises. Tu penses que cela vient tout seul ? Je surveille moi même la moindre de tes hésitations à chacun de tes pas». Cet homme était pourtant remarquable : jamais il ne mangeait de viande, il ne buvait jamais, non seulement ni vin et ni boissons fortes, mais pas non plus de thé ni de café, et évidemment, il ne fumait pas.
Ainsi, quelqu’un veille sur nous, quelqu’un prend soin de nous, quelqu’un nous protège! Et malgré cela, nous maugréons, nous murmurons, nous ne sommes pas satisfaits. Mais nous devons rendre grâce à Dieu pour cela ! Car des péchés, nous en avons tellement qu’à cause d’eux, nous devrions endurer tant d’épreuves, mais nous n’en supportons pas même quelques-unes seulement. Que parvenons-nous encore à endurer? Est-ce un si grand problème ? Nous sommes devenus mous. Le saint Starets Ambroise d’Optino disait ceci : «Nous sommes tellement orgueilleux et fiers, qu’il suffit qu’on nous touche du bout du doigt, et nous hurlons ‘On m’arrache la peau’ ».

Traduit du russe

Le Métropolite Ioann (Snytchev) aux yeux des startsy.

Portrait par Philippe Moskovitine

Portrait

Les deux premières citations qui suivent ont été traduites du livre intitulé «Barbarouchka» publié en 2015 à Saint-Pétersbourg par les Éditions Tsarskoe Delo. Ce livre raconte la vie de Valentina Sergueevna Diounine, qui devint la moniale du grand schème Barbara, et fut fille spirituelle du Métropolite Ioann dès 1955. Depuis lors, elle faisait partie de l’entourage permanent de celui-ci, en qualité de médecin et d’infirmière. Elle l’accompagnait dans la plupart de ses déplacements et vivait dans la petite communauté qu’il avait fondée et qui le servait fidèlement. Le livre précité est une compilation aménagée des notes qu’elle consigna dans son journal pendant quarante ans. Les passages ci-dessous montrent combien les startsy vivants à l’époque tenaient le Métropolite Ioann (Snytchev) en haute estime. Le premier extrait évoque une visite à la Laure des Grottes de Pskov. Le troisième extrait est traduit du livre «Il y eut un homme, envoyé par Dieu», (Был человек от Бога…), dans l’édition publiée en 2015 par les Éditions Tsarskoe Delo à Saint-Pétersbourg, à la page 742.

«30 mai 1992….Nous allâmes auprès des startsy. Le Père Ioann [Krestiankine. N.d.T.] nous accueillit avec joie et nous invita dans sa cellule. On me fit asseoir à côté du Père Adrian [Kirsanov.N.d.T.]. Il me dit que j’étais proche d’eux, comme de la famille, et il promit de prier pour nous, «pour que Vladika vive encore, serait-ce deux ou trois ans!1 » …le Père Ioann [Krestiankine. N.d.T.] … dit encore au sujet de notre Vladika … ‘celui-là, c’est en vérité un hiérarque de Dieu‘…» (pages 282-283)

«04 juillet 1991. Nina Stepanovna (elle est médecin et travaille en réanimation. Quelqu’un de très croyant) alla chez le Starets Nicolas (Gourianov), sur l’Île de Tabalsk (ou encore Île de Zalita) et raconta les problèmes de santé de Vladika, précisant que les médecins voulaient lui placer un stimulateur cardiaque. Le Starets Nicolas répondit : «Cela, je ne le conseillerais pas. Mais dites à la doctoresse (c’est-à-dire à moi), que ce sont des tentations que Vladika traverse. N’oubliez pas, dites-le. Vladika est un homme de bien, simple, très simple. Il est mon ami…». Il est intéressant de noter que notre Vladika n’avait jamais vu le Père Nicolas, et celui-ci dit que Vladika était son ami, et qu’il le connaissait bien». (pages 268-269).

«… le Starets Nicolas Gourianov, comme on le sait, vénérait beaucoup Vladika Ioann, et il disait aux nombreux pétersbourgeois qui venaient chez lui, sur l’île, demander des conseils spirituels, alors que le Métropolite était encore en vie : ‘Vous avez votre starets à Piter, Vladika Ioann, adressez-vous à lui‘».

Traduit du russe

La vie au Monastère de la Dormition de Pioukhtitsa.

L’Higoumène Philareta (Photo : Monastère de Pioukhtitsa)

Le texte ci-dessous est la traduction d’un extrait de l’entretien de M. Sergueï Moudrov avec l’Higoumène Philareta, du Monastère de Pioukhtitsa, publié le 14 juin 2013 sur le site Pravoslavie.ru, sous le titre «Malheureusement, aujourd’hui peu de gens entrent au monastère». Ce monastère, situé en Estonie, fondé en 1891 par Saint Jean de Kronstadt, à l’endroit où apparut miraculeusement, au XVIe siècle, une icône de la Très Sainte Mère de Dieu, était particulièrement apprécié par le Patriarche Alexis II de bienheureuse mémoire. Il devint d’ailleurs stavropégique en 1990. Il est évoqué dans nombreuses traductions de la Lorgnette Orthodoxe.

(…)
Depuis la fondation du monastère, sept higoumènes se sont succédées à sa tête. Entre 1968 et 2011, il était dirigé par l’Higoumène Barbara (Trophimova). En novembre 2011, Mère Philareta (dans le monde, Xenia Viktorovna Kalatcheva) devint la huitième higoumène. Originaire de Samara, elle entra au monastère en 1992. Read more