Le long texte ci-dessous est la traduction d’un article de Monsieur Andreï Gorbatchev publié le 27 décembre 2016 sur le site russe Pravoslavie.ru. Dans ce texte à la lecture un peu ardue, l’auteur s’efforce de tracer (en guise d’avertissement?) un parallèle entre la dimension spirituelle de la société russe pré-révolutionnaire, et celle du monde d’aujourd’hui. Il fait appel pour cela à la vision théologique et sociale du Saint Hiéromartyr Hilarion, dont on célèbre la mémoire le 15/28 décembre. Les notes fournissant les références des citations n’ont pas été retenues. Elles sont disponibles dans l’original russe accessible au bas de la présente page.
De nos jours, on entend de plus en plus souvent dire dans les milieux ecclésiastiques que le podvig des néomartyrs continuera à faire l’objet de négligence ; les noms de la majorité des néomartyrs et des confesseurs de la foi russes disent peu de chose même aux gens d’Église. Il en est ainsi, et cela indique, avant tout, que les questions relatives à l’Église demeurent étrangères à la plus grande partie de la société russe contemporaine. Le podvig des néomartyrs reste incompréhensible. Il est intéressant de constater qu’en ce domaine du rapport de la société aux questions de l’Église, l’attitude de nos compatriotes d’il y a plus d’un siècle se répète. C’est-à-dire que la situation dans laquelle la vision du monde des futurs martyrs de la foi s’est formée était à bien des égards similaire à celle d’aujourd’hui. Et cette formation s’opéra en grande partie non pas grâce à, mais en dépit du contexte de la réalité.L’écart évident adopté par l’empereur russe et son entourage à l’époque pétrovienne vis-à-vis de l’Église avait atteint au début du XXe siècle les classes sociales les plus basses, les plus conservatrices. La négligence de la foi par les gens d’Église eux-mêmes venait souvent conforter l’ensauvagement populaire. C’est pourquoi les néomartyrs furent réellement le sel de la terre, des gens capables de préserver leur fidélité au Christ et à l’Église dans une période de désorientation spirituelle généralisée.
On pourrait croire que le fait de la glorification d’une immense armée de saints russes à l’époque postsoviétique contredit ce qui vient d’être énoncé. Environ mille cinq cents néomartyrs ont été glorifiés ; un chiffre énorme pour l’Église russe. Mais si on tient compte de ce que, pendant la période précédant 1943, furent fusillés cent trente mille clercs et moines, le nombre des glorifiés devient moins imposant. L’émergence sur les ruines de la Russie d’autrefois d’un État combattant Dieu témoigne d’un abandon quasi total de Dieu et de l’Église du Christ par le peuple russe. Dieu permit cela, vraisemblablement, parce qu’Il ne trouva pas dix justes dans chaque «Sodome» russe. Les usages populaires conservèrent, évidemment, encore longtemps des rudiments de vie religieuse, mais la foi vivante et consciente devint une grande rareté.
Chez certains, la foi s’est transformée en incrédulité, chez d’autres, en un rituel. D’aucuns réussirent à combiner l’une et l’autre. Serge Foudel se souvint, par exemple, d’un chef-conducteur qui fréquentait quotidiennement les offices à l’église, jeûnait régulièrement, mais demeurait en fait un athée convaincu : «Petit à petit, la conversation se fit sérieuse, abordant le sujet des proches décédés. Et voilà que lorsque je dis qu’un jour viendra où nous les rencontrerons à nouveau, je vis qu’une stupéfaction sincère souleva les sourcil hirsutes du grand-père : «Vous allez bien? Vous êtes sérieux? Tout ça, ce sont des racontars de popes. On meurt et puis ça y est. Tout est fini! Alors, il n’y a plus rien!»
De nos jours on entend régulièrement parler de la renaissance de la foi orthodoxe en Russie. Si nous nous concentrons à ce sujet sur le nombre d’églises et de monastères restaurés et construits au cours du dernier quart de siècle, la renaissance, bien sûr, est évidente. Mais si l’on considère que parmi les 70 à 80% de nos compatriotes qui se reconnaissent orthodoxes, la grande majorité a une idée très brumeuse de la vie en l’Église, et ce sont surtout les événements pénibles de leur vie qui occasionnent leurs visites à l’église, la situation n’est plus aussi rose. Si vous ajoutez à cela qu’un tiers du nombre total des «orthodoxes des statistiques», selon leurs propres affirmations, ne croient pas en Dieu, il faudra admettre que les descendants idéologiques du chef-conducteur mentionné ci-dessus se propagent et remplissent progressivement la terre russe.
Pour cette raison, l’idée de la nécessité d’étudier l’histoire russe d’il y a cent ans semble tout à fait naturelle. Les témoignages des saints russes de cette époque sont pour nous parmi les plus précieux, car ces saints ont mis en garde à plusieurs reprises la société russe contre la perdition qu’engendrent l’oubli de Dieu et l’abandon de l’Église.
En la matière, la personnalité du Saint Hiéromartyr Hilarion (Troïtski) (1886-1929) présente un intérêt significatif, car l’abandon de l’Église par le peuple russe constituait pour Vladika Hilarion un thème majeur, déjà lorsqu’il était sur les bancs de l’école.
Pendant les études de Vladimir Troïtsky (c’était le nom du saint Hiéromartyr Hilarion dans le monde) au séminaire et à l’Académie (1900-1910), les idées révolutionnaires s’emparèrent d’une partie importante de la société russe. Et très souvent, les foyers de ces idées étaient précisément les établissements d’enseignement théologique. Les humeurs révolutionnaires n’épargnèrent pas l’Académie de Théologie de Moscou. «Vladimir Alexeievich est entré à l’Académie en 1906, les fumées et l’ivresse révolutionnaires, qui avaient pénétré à l’intérieur des murs de l’Académie, commençaient à se dissiper, mais n’avaient pas complètement disparu. Et Vladimir Alexeievitch eut à souffrir en voyant, comme il le disait, «le déshonneur de l’Académie, qui échangeait la chasubles aux couleurs lumineuses de la science pure contre les hardes multicolores sales et criardes de la politique, la honte de cette académie qu’il aimait comme «sa fiancée bien-aimée»… Mais l’orage ne s’éloigna pas sans laisser de traces en Vladimir Alexeievitch. Son intelligence analytique ne put s’apaiser tant que ne fut pas identifiée la raison pour laquelle le coup de grain qui était passé s’était emparé de cercles aussi larges. Une des conditions déterminantes de l’ampleur du mouvement avait été la désertion de l’Église par notre société. Dans sa majorité, elle avait perdu tout lien avec l’Église, rompant en même temps avec les traditions ancestrales… Une fois ce point éclairci avec une déterminante clarté, … il consacra sa thèse, obligatoire, et ses travaux de loisir à l’élaboration de la question de l’Église et de l’ecclésialité».
En 1909, étudiant en dernière année à l’Académie de Théologie de Moscou, Vladimir Troïtski prononce un discours à l’occasion du 95e anniversaire de l’Académie, discours imprimé par la suite dans le périodique «Messager Théologique», sous le titre «Tu n’auras pas d’autre dieu». Le jeune théologien voit dans l’Église le sens, le but et la justification de la vie. Se retirer de l’Église ne peut demeurer impuni. C’est d’ailleurs déjà en soi une punition.
Adorer et servir le vrai Dieu en Christ, cela n’est possible que dans l’Église, et ceux qui quittent celle-ci abandonnent Dieu en même temps. Mais «un lieu saint ne demeure pas longtemps vide», et à la place de Dieu apparaît une autre conception de Dieu, conception toujours mensongère, qui , à dire vrai, est une idole : «La vie est remplie d’idoles; à chaque pas, nous rencontrons des idoles et des idolâtres. Il est vrai que vous ne voyez pas d’idoles de pierres, d’or ou d’argent. Il s’agit d’une idolâtrie plus subtile, partiellement inconsciente, qui se dissimule sous le nom d’un service au vrai Dieu ; cette forme d’idolâtrie beaucoup plus dangereuse a de nouveau, en une vague sale, recouvert la face de la terre».
Ce genre d’idolâtrie pénètre discrètement dans la vie du chrétien et s’empare peu à peu de son cœur: «Demandez à notre contemporain: que vit-il, pourquoi vit-il? Quelle est la chose la plus importante dans sa vie? On vous indiquera la famille, le rang occupé, les activités sociales, le commerce; quelques-uns dirons la science, et certains mentionneront le plaisir, le bien-être personnel. Mais quelqu’un dira-t-il que pour lui, la chose la plus importante dans la vie est Dieu, l’Église, le salut de l’âme, la vie éternelle? Non, presque personne ne se souviendra de tout cela. Le Christ est complètement mis à l’écart de la vie humaine, bien que beaucoup hésitent à le pourchasser ouvertement. C’était comme si les gens étaient désolés d’abandonner le Christ complètement, mais ils ne l’aimaient pas suffisamment pour abandonner tous les autres dieux pour Lui. Et tous les efforts sont faits pour garder toutes les idoles du monde, pour adorer Christ et bélial en même temps. Les gens ont partagé leur vie entre de nombreux dieux. La plus grande partie de la vie est consacrée à une dévotion chaleureuse envers toutes sortes d’idoles, et la partie la plus infime seulement est consacrée à une dévotion rapide et accélérée au vrai Dieu». L’ecclésialité, qui sanctifie la vie, lui donne un sens, est remplacée par la religiosité, qui ne représente plus qu’une partie distincte de la vie, très insignifiante et répond principalement à des besoins pratiques: «Maintenant, on ne peut entendre parler que de “satisfaire les besoins religieux” ou de “remplir des devoirs religieux”, et ces besoins et devoirs sont étonnamment peu nombreux, comparés à tous les autres besoins et devoirs».
La compréhension de la collégialité de la vie en église est perdue. A la place de l’Église s’engouffrent les idoles d’un «christianisme aux formes extra-ecclésiales». «Les idoles repoussent de plus en plus le Christ hors de la vie des gens… De nos jours, le christianisme apparaît seulement comme une piété personnelle dissimulée, et la vie chrétienne s’est appauvrie. La vie chrétienne est possible en l’Église seulement. Seule l’Église vit de la vie du Christ». Le jeune homme de vingt-trois ans était convaincu par cette vérité qui devint l’étoile guidant immuablement son chemin de vie: sans l’Église, il n’y a ni vie, ni salut, ni connaissance de Dieu. Il s’agit d’une théologie inséparable de la piété, conformément à la Tradition de l’Église et, surtout, aux écrits des Saints Pères, ces «théologiens théophores». Par le mot Église (avec une lettre majuscule), le futur hiérarque sous-entend toujours l’Église Orthodoxe.
Malgré son jeune âge, dès 1909, Vladimir Troïtski avait compris non seulement le malheur principal touchant la Russie, et qui la mènerait bientôt à la catastrophe, mais l’unique issue délivrant de ce malheur : «Au-dessus de notre plaine de Russie sont arrivés de tous côtés des nuages sans eau, porteurs de vent «auxquels d’épaisses ténèbres sont réservées pour l’éternité» (Jude.12,13). Leurs bouches prononcent des mots ronflants… Les portes de l’enfer ont rassemblé toutes leurs forces et se sont lancées contre la Sainte Église… Ayons la foi, ayons une foi inébranlable ; aucun vent, aucune tempête ne fera sombrer le navire de Jésus !.. Jeter aux ordures toutes les idoles vides et sans âme du vain monde, n’y voir que balayures, et servir seulement l’unique Dieu et Sa Sainte Église : il n’est rien et ne peut rien être de plus élevé que cela!»
Mais ce n’est pas seulement la sécularisation, la conscience du siècle qui trompe l’homme et le détourne du chemin de vérité. Ce sont aussi les représentations erronées de Dieu, de la voie du salut, la perversion et l’oubli de la vraie foi. Et on peine à dire ce qui est le pire. «Tu vaincs le loup pour t’attaquer à l’ours», disait le Saint Starets Ambroise d’Optino. Au septième Concile Œcuménique, le diacre érudit Épiphane de Catane adressa au Patriarche Taraise de Constantinople une question concernant l’iconoclasme. Il demanda : «L’hérésie qui vient maintenant de se manifester est-elle plus ou moins mortelle que les précédentes?». Sa Sainteté le Patriarche Taraise répondit : «Le mal, c’est le mal, surtout dans les choses qui concernent l’Église ; pour ce qui touche aux dogmes, que le mal soit plus ou moins accentué, cela importe peu, car dans un cas comme dans l’autre, il enfreint la loi de Dieu». C’était là la position du Père Hilarion (En 1913, il reçut la tonsure monastique, et fut de 1913 à 1920 archimandrite et inspecteur à l’Académie de Théologie de Moscou) à l’égard des confessions hétérodoxes. Leur aliénation ontologique à l’Orthodoxie était telle, à son avis, qu’il n’envisageait pas même la possibilité de les qualifier d’églises. «Plusieurs églises sont apparues, s’interrogeait-il avec perplexité, orthodoxe, catholique, et aussi protestante, anglicane, etc. Mais il me semble tout de même qu’à une Tête unique, ne peut être attaché qu’un seul corps». Pour lui le terme antonyme de «catholique» n’était pas «orthodoxe», mais «ecclésial», soulignant de la sorte «la différence essentielle entre la vie catholique et la vie en Église», car pour lui existait une seule communauté divino-humaine, dont le nom propre était «l’Église».
Pour le Saint Néomartyr Hilarion, la doctrine de l’Église est non seulement une partie de la théologie, mais surtout le principe premier, quintessence, condition la plus nécessaire de la théologie, dans la mesure où l’Église est un organisme divino-humain dans lequel l’homme créé à l’image de Dieu rétablit l’unité naturelle en se faisant semblable à la Saint Trinité et devenant dieu par la grâce. L’Église, en tant que «plénitude de Celui qui remplit tout en tous» (Eph.1;23), se révèle non seulement gardienne de la Révélation, de la Sainte Tradition, mais est elle-même Sainte Tradition, dans la mesure où elle est fondée et nous a été donnée par le Fils de Dieu Lui-même, et Révélation, car en elle et par elle seulement, Dieu Se manifeste à nous par les énergies de Sa grâce.
La compréhension de cette acception de la doctrine de l’Église aux yeux de Vladika Hilarion révèle le fondement de sa fermeté inébranlable au milieu de la mer déchaînée des schismes à l’époque des persécutions de l’Église par les bolcheviques. L’Archimandrite Hilarion accorda une attention particulière à la réfutation des idées fausses du catholicisme, du protestantisme et de l’humanisme, ces trois tendances rationalistes de la vie religieuse hors de l’Église qui exerçaient le plus d’influence sur les vues de ses contemporains.
Mais, malgré tous les efforts du Père Hilarion et de ses semblables, qui exhortèrent le peuple russe à se souvenir, à revenir à ses origines, à la foi de ses pères qui unirent en un seul peuple des tribus disparates, et donc simplement à revenir à l’Église, à la fois dans l’esprit et dans les faits, ces appels donc, n’ont été entendus que par peu de monde et ne furent pas en mesure d’empêcher une désertion généralisée.
Et dès 1914, les plus sombres pressentiments commencèrent à devenir réalité. La guerre était là. L’Archimandrite Hilarion l’accepta comme voie pédagogique pour la société russe dévoyée, comme possibilité de rédemption des péchés et hérésies caractérisant son abandon de l’Église. Ses homélies acquièrent une force et une pénétration particulières : «Orthodoxes russes!… L’heure du jugement redoutable à sonné pour la Terre de Russie. Nombreux furent nos péchés au cours des dix dernières années! Nous, peuples de Russie, avons permis la diffusion de l’incroyance dans notre terre maternelle. Nous n’avions pas connu par le passé une telle dépravation des mœurs. Nous, gens de Russie, sommes pécheurs devant notre histoire glorieuse. Nous sommes des pécheurs devant la mémoire et les commandements de nos ancêtres. Nous sommes pécheurs devant nos chers trésors sacrés. Nous avons perdu la crainte de Dieu. Nous avons désappris à aimer le Tsar et la Patrie. Nous avons pris l’habitude de diffamer et dénigrer tout ce qui nous était propre, de louer et d’exalter tout ce qui nous est étranger. L’heure est arrivée d’expier devant Dieu la culpabilité de notre peuple, les péchés de notre peuple». Au fur et à mesure de la poursuite de la guerre, les espoirs initiaux de convertir le peuple russe, et en particulier les personnes instruites, à l’Église-Mère firent place à la déception. La plupart des Russes s’intéressaient plus aux apparences des arrangements politiques qu’à une réhabilitation spirituelle intérieure, aux droits laïques plutôt qu’aux devoirs chrétiens, et beaucoup plus volontiers au profit qu’à la vérité. La culture de l’esprit fut préférée, sinon aux choses matérielles, du moins au choses de l’âme, la rêverie poétique ou la révolte révolutionnaire (s’unissant parfois de manière fantastique, comme dans l’œuvre et la vie d’Alexandre Blok), la volonté personnelle, à la volonté divine. Les intérêts temporels obscurcirent les intérêts éternels. Le retour massif des intellectuels de la captivité babylonienne dans la culture occidentale à la Jérusalem de l’Église n’eut lieu.
La conférence d’ouverture de l’année académique donnée le 26 août 1916 par le futur hiéromartyr sonnera comme un dernier appel à l’intelligentsia russe et, en même temps, comme un dernier avertissement. Son titre exprime de manière succincte l’idée principale : «Un péché contre l’Église».
La jeunesse estudiantine du roman de Léonide Andreev «Les jours de notre vie», qui s’enthousiasme au son des clochers de Moscou appelant les chrétiens orthodoxes à la vigile dominicale, mais qui toutefois ne se précipite pas à l’office et poursuit son pique-nique arrosé de bière sur un des escarpements du Mont des Moineaux, elle représente, selon le conférencier, un exemple des plus clairs exprimant le rejet par l’intelligentsia russe de ses racines ecclésiales et par conséquent, populaires. «Russe», «orthodoxe», «de l’Église», ce sont quasiment des synonymes. «Le caractère du peuple russe s’est formé au cours des siècles sous la direction de l’Église. Dès lors, quand le Russe abandonne l’Église c’est presque immanquablement comme s’il abandonnait la Russie. On peut imaginer la Russie sans parlement, sans université, mais il est impossible d’imaginer la Russie sans l’Église».
Oublier l’Église, cela conduira nécessairement la Russie aux conséquences les plus déplorables. Après tout, celui qui a renié l’Église, «a renié la Russie, s’est détaché du sol russe, est devenu un cosmopolite sans fondement… Juif…, de la loi de Moïse, il est certainement un nihiliste complet, nuisible à son peuple et à tout autre dans lequel il vit. Parallèlement à cela, c’est l’intelligentsia russe qui a introduit dans la vie européenne les négationnistes les plus radicaux, les nihilistes et les anarchistes. Tolstoï et Bakounine, ce sont des Russes. Les révolutionnaires russes sont pourchassés en Europe occidentale. Aucun homme, peut-être, n’a regardé dans les abysses du reniement comme l’homme russe».
En 1917, deux révolutions ébranlèrent les fondements de l’État Russe, après quoi la société russe fut plongée dans l’abîme des transformations révolutionnaires, dont les tristes conséquences n’ont pas encore été effacées à ce jour. Vladika Hilarion ne se perdit pas dans le tourbillon des bouleversements révolutionnaires. Son amour pour l’Église et son immersion dans la tradition de l’Église lui permirent de conserver des repères solides, de trouver la juste voie dans ses relations avec le pouvoir mécréant et les nombreux schismes qui surgirent et il mena jusqu’au bout, avec dignité, son podvig de confesseur de la foi. Il trouva la force de ne pas se décourager dans les conditions de vie apparemment les plus désespérées, en exil et dans un camp de concentration. Dans le même temps, le Saint ne se détacha pas du peuple russe.
Mais son point de vue sur la relation entre l’attitude de l’homme russe envers l’Église et la prospérité de notre État demeura inchangé jusqu’à sa mort en martyr. Répondant à la question-piège du Commissaire Lounacharski, l’Archevêque Hilarion dit : «Dirons-nous que le pouvoir soviétique ne vient pas de Dieu? Mais si, bien sûr, il vient de Dieu! Comme punition de nos péchés…»
Le proverbe bien connu dit «L’idiot apprend de ses propres erreurs, et l’intelligent de celles des autres.» Comment caractériser quelqu’un qui n’apprend d’aucune erreur, ni des siennes, ni de celles des autres? Je veux tout de même espérer que nous parviendrons à apprendre, fût-ce de nos propres erreurs.
Traduit du russe
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