Le texte ci-dessous, propose la première traduction en français de la longue biographie du Saint Starets Jérôme (Solomentsov). En 2012, le Saint Monastère athonite de Saint Panteleimon a publié un épais «Paterikon des Athonites Russes des XIXe et XXe siècles». Ce texte en est extrait. Le 27/14 novembre 1885, le Starets et Père spirituel de tous les agiorites russes, Jérôme (Solomentsov) s’en est allé auprès du Seigneur. Ce puissant guide spirituel, élu par la bénédiction particulière de la Très Sainte Mère de Dieu, dirigea la communauté russe du Monastère Saint Panteleimon. Il devint par la suite le père spirituel de tous les moines russes de l’Athos. La Providence divine le chargea d’une obédience particulière et colossale: la restauration du monachisme russe sur le Mont Athos, non pas formellement, mais en profondeur, conformément aux meilleures traditions de la piété monastique. Le début du texte se trouve ici.
Craignant que toute cette activité suscite le mécontentement de la partie Grecque de la fraternité, le Père Jérôme appela à agir avec prudence et strictement selon la volonté de Dieu, mais il est évident que ses collaborateurs zélés, en accomplissant sa bénédiction, ne réussirent à maintenir un juste milieu entre le conservatisme athénien et l’ouverture au monde (dans ce cas, à la Russie). Les craintes du Père Jérôme se confirmèrent, et après l’ouverture de plusieurs podvoriés dans différentes villes et l’augmentation des communications maritimes avec la Russie, les Grecs du monastère s’indignèrent ouvertement, ce qui conduisit au célèbre procès gréco-russe des années 1874-1875.Une fois encore, une sage intervention du Père Jérôme permit la conclusion favorable de ce procès. Nous n’avons pas l’intention ici de procéder à une analyse détaillée de tout ce qui s’est passé. Ce travail sera réalisé dans un volume historique de la série. Dans la présente biographie, nous aborderons ce sujet seulement dans la mesure où il caractérise la personnalité du grand homme que nous observons.
Dès le début du conflit, le Père Jérôme s’est rendu compte de ce que la pointe la plus aiguë du conflit était précisément dirigée contre l’unité de la fraternité, contre le cénobitisme et la paternité spirituelle. Malgré tout l’enracinement de ces traditions dans le monastère, le Père Jérôme comprit que si un élan passionnel prévalait, il ne les épargnerait pas et conduirait inévitablement à une large démocratisation de la direction interne. Par conséquent, il veilla avec fermeté sur la cénobie qui lui avait été confiée, coupant court à toute entreprise dirigée contre elle. Au plus fort des événements, en 1863, un savant hiéromoine d’origine grecque, arriva du Monastère de la Trinité-Saint-Serge. Il fut accueilli très chaleureusement tant par les Grecs que par les Russes. Ces derniers espéraient qu’étant grec et vivant au cœur de la Sainte Rus’, au sein de la communauté monastique la plus honorée de celle-ci, il comprendrait le désastre et aiderait à surmonter cette tentation. Mais les anciens se trompèrent: ledit honorable invité adopta une position opposée, soutenant entièrement les mécontents. De plus, auparavant les Grecs étaient mécontents des Russes en général, mais le hiéromoine nouveau venu orienta ce mécontentement vers le Père confesseur Jérôme. Il commença à agir très vigoureusement contre ce dernier, le réprimandant sans cesse et excitant tout le monde contre lui, en tant que, selon lui, source principale du désordre. Ne se satisfaisant pas même de cela, le hiéromoine adressa à la Sainte Epistasie et au Patriarche, des dénonciations et calomnies au sujet du Starets, exigeant qu’il soit à tout prix écarté du monastère afin de rétablir la situation.
Le Père Jérôme vécut maintes tribulations pendant cette période. Il endura avec courage et sans murmurer toutes ces opprobres, espérant en Dieu, en la Reine des Cieux et en Saint Panteleimon, le Megalomartyr. Et voilà qu’un jour, ledit hiéromoine arriva à l’église Saint Panteleimon pour l’office, et après avoir effectué les métanies d’usage, il commença à vénérer les icônes en effectuant le circuit établi par la règle. La première icône que vénéraient tous ceux qui venaient à l’église, était, selon cette règle, celle de la Très Sainte Mère de Dieu de Tikhvine, située sur un pilier du porche Sud-Ouest. Et puis un jour, arrivant à l’église Saint Panteleimon pour l’office, après avoir effectué les métanies d’usage, ledit hiéromoine commença à vénérer les icônes en effectuant le circuit établi par la règle. La première icône que vénéraient tous ceux qui entraient dans l’église, était, selon cette règle, celle de la Très Sainte Mère de Dieu de Tikhvine, située sur un pilier du porche Sud-Ouest. Vénérant cette icône selon la coutume, le hiéromoine entendit soudain une voix sévère sortie de l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu: «Abandonne tes plans contre Jérôme, il repose en mon amour!» Frappé de terreur et de honte, il sortit immédiatement, avec toutes ses mauvaises intentions, de l’église et quitta le Mont Athos par le premier bateau à vapeur. Une fermeté raisonnable d’une part, un raisonnement sage saupoudré de patience, et d’autre part en toutes ces tribulations, une espérance humble, inébranlable, et portée par la prière, en Dieu Tout-puissant, accomplirent leur œuvre et ramenèrent la paix tant attendue.
Pendant plusieurs années, les frères prièrent afin que soit donné à leur Starets un assistant fidèle et dévoué. En 1851, le marchand de Toula Mikhaïl Ivanovitch Souchkine arriva à la Sainte Montagne. Par la Providence de Dieu, la tonsure du jeune ascète au grand schème fut miraculeusement organisée, à cause du danger de mort dans lequel il se trouva soudainement. Tout aussi miraculeusement, immédiatement après la tonsure, sa santé se rétablit. Le Père Jérôme, qui observait avec attention tous ces événements et voulait discerner toutes les voies de la Divine Providence, vit dans tout ce qui s’était passé la faveur et l’attention spéciales de Dieu. Priant, il fut informé de ce que Dieu voulait. «Voici l’homme que nous avons demandé au Seigneur», dit-il. Lors de sa tonsure monastique, le marchand Mikhaïl Ivanovitch reçut le nom de Macaire. Dès les premiers jours, le moine du grand schème, nouvellement tonsuré devint le disciple le plus proche du Père Jérôme. Celui-ci commença à le préparer pour le grand ministère, notamment en ne donnant aucune nourriture à la vanité, écrasant plutôt le jeune moine sous les reproches, les humiliations et les accusations le couvrant de honte.
En 1853, le Père Macaire fut ordonné hiérodiacre, en 1856, hiéromoine, et nommé deuxième confesseur de la fraternité russe. Le Père Jérôme lui-même remplissait toujours les fonctions de confesseur, à qui les frères allaient pour se débarrasser des tentations, n’ayant pas encore confiance dans le nouveau starets. Cette nomination était nécessaire pour élever le futur successeur aux yeux de toute la fraternité, afin qu’ils voient la hauteur de l’horizon auquel lequel le chemin de sa vocation le destinait. Dans le même but, le Père Jérôme se retira parfois ou même s’éloigna complètement du monastère, dans la solitude, afin de ne pas occulter par son autorité la personnalité timide du nouveau starets, modeste et sans prétention par nature, et dont les actions étaient néanmoins surveillées de près, le corrigeant si nécessaire. Ainsi, après l’ordination de hiéromoine, le Père Macaire devient le supérieur de la fraternité russe, de façon nominale encore, mais influente, et avec une perspective évidente d’indépendance. (A suivre)
Traduit du russe