Le texte ci-dessous est traduit des pages 148 à 161 du livre de V.P. Philimonov, intitulé «La Constellation autour de Saint Seraphim» (Созвездие преподобного Серафима), publié par les éditions Satis à Saint-Pétersbourg, en 2018.
Ce récit concerne une disciple des Saints Pères Barnabé de la Skite de Gethsémani et Seraphim de Vyritsa. La description des traits et caractéristiques de cette sainte offrent un important complément de lumière éclairant la vie de Saint Seraphim de Vyritsa et permettent ainsi de faire plus profondément connaissance avec lui. Ces souvenirs de la vie de cette héroïne de l’ascèse ont été précieusement conservés, et puis transmis par Claudia Georgievna Petrounenkova, une de ses filles spirituelles.Voici la deuxième partie de la traduction. La première se trouve ici.
Madame Tatiana Nikolaevna Alikhova, docteur en sciences géologiques et minéralogiques, complète avec d’autres éléments le récit la vie de la disciple du Père Seraphim de Vyritsa. Elle fut nourrie spirituellement par le héros de l’ascèse de Vyritsa pendant cinq années, de 1944 jusqu’à la fin bienheureuse de celui-ci : «Lorsqu’il fut évident que le Starets de Vyritsa commençait à s’éteindre, nombre de ses enfants spirituels lui demandèrent : ‘Batiouchka! Qu’allons-nous faire? Sans vous nous serons complètement orphelins…’ Alors, le Père Seraphim répondit : ‘Rien de tout cela! Maintenant, vous avez Matouchka Maria, à la Cathédrale Saint Nicolas’. Avant la fin de sa vie, le Père Seraphim bénit beaucoup de ses enfants spirituels pour qu’ils aillent désormais chercher leur nourriture spirituelle auprès de la Staritsa Marie. Sa personne lumineuse entra alors pour toujours dans mon cœur et dans mon âme. Après la fin bienheureuse de Batiouchka Seraphim, mes parents et proches et moi-même, nous nous plaçâmes sous sa guidance spirituelle jusqu’en 1971. On se sentait paisibles et légers, auprès de Matouchka. Son regard scintillait d’amour et de compassion, les gens ressentaient son indubitable sainteté. A plusieurs reprises, je fis l’expérience de la puissance de ses prières, de ses bénédictions et de sa clairvoyance.
Un jour, en ma présence, Matouchka Marie remit des blinis à la cuisinière de Vladika Grégoire (Tchoukov), Anna Petrovna, en disant : ‘Fais mémoire de la servante de Dieu Élisabeth, nouvellement décédée !’ Trois jours plus tard décéda Élisabeth Petrovna, le sœur d’Anna Petrovna.
Au printemps 1961, maman tomba malade. Le dimanche 21 mai, à la Cathédrale Saint Nicolas, Matouchka Marie nous appela auprès d’elle, ma sœur et moi, et nous dit, sans que nous ayons demandé quoi que ce soit :‘Il faut que maman communie! Demain, c’est la fête de Saint Nicolas, mais mardi, il le faudra absolument!’ Nous répondîmes que maman avait déjà communié peu de temps auparavant, le 12 mai, et pour nous, compte tenu de nos obligations, ce serait plus facile le jeudi. Mais la staritsa réplique : ‘C’est mardi qu’il faut le faire!’. Dès lors, sa bénédiction fut respectée et le mardi, le Père Ioann Tikhomirov confessa et donna la communion à maman, et le jeudi matin, celle-ci avait quitté ce monde.
En octobre 1964, mon mari fut victime d’un important malaise. Onze médecins se réunirent et tinrent conseil à son sujet. Leur conclusion sonna comme un arrêt de mort : mon époux ne vivrait pas plus d’un mois encore. Je courus à la Cathédrale Saint Nicolas. Matouchka me dit qu’il était indispensable d’envoyer quelqu’un à la Laure des Grottes de Pskov, auprès du Starets Higoumène du grand schème Savva, afin qu’il prie pour le serviteur de Dieu Vitali Vassilievitch. Dès que ma sœur spirituelle Véra arriva à la Laure, le Père Savva lut immédiatement cinq acathistes. En même temps, Matouchka Marie priait pour mon mari malade. Rapidement, l’état de celui-ci s’améliora ; la maladie commença à se retirer progressivement. Après cette guérison miraculeuse, Vitali Vassilievitch vécut encore treize années…»
L’Archiprêtre Igor Mazur, était recteur de l’église Saint Pierre, Métropolite de Moscou. Cette église était celle d’une dépendance à Saint-Pétersbourg du Monastère de la Sainte Trinité Tvoroïkovski. Cet archiprêtre communia aux Saints Dons la Staritsa Marie le jour de la fin bienheureuse de celle-ci : «Matouchka Marie était quelqu’un d’exceptionnel, elle vivait vraiment dans l’autre monde. Où donc a-t-on jamais vu une femme vivre auprès de l’autel? Et pourtant, la bénédiction suprême du Patriarche Alexis Ier permit à la staritsa, déjà malade, de vivre plusieurs années dans la sacristie jouxtant l’autel, sans quasiment jamais en sortir. De quelles révélations le Seigneur la gratifia, cela demeure un secret pour nous. Mais tous se déroulait toujours exactement selon ses paroles et ses prières. Les hommes pouvaient aller jusqu’auprès d’elle, mais les femmes recevaient sa bénédiction à travers les prêtres».
L’Archiprêtre Viatcheslav Klioujev, recteur de l’église de la Mégalo-martyre Catherine à Tsarskaia Slavianka desservait également à cette époque la Cathédrale Saint Nicolas. Il disait : «La voix du peuple croyant est la voix de Dieu. Pendant dix années, j’ai observé comment une multitude de gens venaient prendre les conseils, la bénédiction et les prières de la Staritsa Marie. Le peuple orthodoxe la vénérait, sincèrement et profondément. Il considérait qu’elle était sainte. Son visage lumineux, ses yeux remplis d’amour et sa grande bonté attiraient les gens à elle. Comme les abeilles vont vers le miel. Tous savent que si Matouchka bénissait, alors la cause se terminerait de façon favorable. Il pouvait s’agir d’examens, d’une opération, d’un quelconque voyage d’affaires, d’une expéditions, etc… Tous croyaient en la force de ses saintes prières. Grande était son intercession ! Elle passait des nuits entières en prière dans le sanctuaire, où elle vécut les cinq ou six dernières années de sa vie, dans une pièce séparée. Tout ce qu’elle annonça se produisit comme elle l’avait annoncé».
L’Archiprêtre Vladimir Nozdratchev, recteur de l’église de la Nativité de la Très Sainte Mère de Dieu à Rojdestveno raconte : «A l’époque de Khrouchtchev, un jeune prêtre célébrait à la Cathédrale Saint Nicolas. En ces temps-là, l’Église Orthodoxe et surtout les membres du clergé, subissaient une terrible persécution. Les sans-Dieu au pouvoir voulaient fermer toutes les églises, et il existait une circulaire secrète ordonnant de commencer à réduire les effectifs du clergé. Cette réduction avait pour objectif prioritaire les jeunes prêtres, plus actifs. Je fus le premier à être exclu de toute paroisse; on me retira mon enregistrement. Et que peut donc faire un prêtre qui ne célèbre plus? La Staritsa clairvoyante Marie vivait alors au voisinage de la cathédrale. Elle vint me trouver et me dit : «Ne t’en fais pas! Tu célébreras! Prie Saint Nicolas!» Je n’y croyais pas. Je suis par trop pécheur. Le Saint Évêque n’écouterait pas ma prière. Mais malgré cela je priai de tout cœur. Pendant un mois, je venais, de la ville de Kolpino, à la Cathédrale Saint Nicolas et je priais à genoux Saint Nicolas, espérant un miracle, espérant la miséricorde divine… Et une nuit, entre la veille et le sommeil, j’eus une vision. J’étais à genoux dans la Cathédrale, devant Saint Nicolas, mais pas à l’endroit habituel. C’était à l’étage, où sur une colonne pend une grande icône de Jésus Christ. Saint Nicolas était dans cette icône et il me dit :‘Vas, aujourd’hui, tu célébreras!’ Je me levai avant l’aube et j’empruntai le premier train vers Piter, et me hâtai vers la Cathédrale Saint Nicolas. Le recteur ouvrit le journal des desservant et m’ordonna :’Aujourd’hui, c’est toi qui célèbre’. Le lendemain, on m’appela au KGB, à la «grande maison», Perspective Litneiny. Ils m’interrogèrent :‘Qui t’a autorisé à célébrer? C’est qui le haut-placé qui s’occupe de toi?’. Je répondis : ‘Saint Nicolas m’a autorisé à célébrer, et maintenant, vous n’y pouvez plus rien!’ Ils me regardèrent abasourdis, ne voulant rien croire de ce que j’avais dit. Mais à la fin de l’entretien, ils furent bien obligés de me renvoyer. C’est l’intercession de la Très Saine Mère de Dieu et de Saint Nicolas, ainsi que les prières de Matouchka Marie, qui m’avaient ramené à la Cathédrale, moi qui venait tout juste de terminer l’Académie de Théologie…»
Lorsque Matouchka Marie se fut doucement endormie en Dieu, son enterrement fut l’occasion d’un nouveau témoignage populaire. Des milliers de fidèles venus de tous les coins de la ville se rassemblèrent lors des funérailles. La Bienheureuse moniale du grand schème Marie fut inhumée au cimetière Chouvalovski, près de l’église du Saint Sauveur de Pargolovo. Beaucoup d’habitants de Saint-Pétersbourg se souviennent d’elle dans leurs prières, et ils croient que maintenant, la fidèle disciple de Saint Seraphim de Vyritsa intercède pour nous, au Ciel…
Traduit du russe.