Ceci est la traduction d’un publié le 11 janvier 2019 sur le site Pokrov.pro. Entretien accordé par l’Archiprêtre Valerian Kretchetov à Mesdames Olga Orlova et Olga Kameneva, et Monsieur Dmitri Simonov. «Le Pokrov a protégé toute ma vie sacerdotale», explique Batiouchka, qui a servi un demi-siècle à l’autel de Dieu, dans l’église du Pokrov de la Très Sainte Mère de Dieu du village d’Akoulovo, dans l’oblast de Moscou. Pendant toutes ces années, Matouchka Natalia Konstantinova porta la croix d’argent particulière au service. Et à la veille du jubilé, le Père Valerian octroya ses instructions paternelles et pastorales à ses sept enfants, adultes, ses trente-cinq petits-enfants et à ses enfants spirituels… Chaque semaine, la série ‘Paroles de Batiouchka’ permet de prendre connaissance avec les enseignements spirituels dispensés par le Père Kretchetov au cours de ses cinquante ans de sacerdoce.
Batiouchka, votre papa, l’Archiprêtre Mikhaïl Kretchetov, disait que rien n’était supérieur au sacerdoce pastoral. En êtes-vous convaincu, après cinquante années de service?
Évidemment, rien n’est supérieur au sacerdoce pastoral, car tout le sens de la vie consiste au salut de l’âme. Et comme le disait le Saint et Juste Jean de Kronstadt, les prêtres portent la responsabilité du repentir. Voilà pourquoi le diable voue une haine féroce aux prêtres. Le sacerdoce, c’est la hiérarchie instaurée par Dieu. Les attaques ad personam sont un signe de faiblesse. On dit : aaah mais je ne suis pas contre l’Église, je suis contre les prêtres, et surtout, il fut supprimer les évêques. Mais alors, tout s’effondre. Les évêques, les prêtres, les diacres forment le squelette, la structure spirituelle dans laquelle chacun, à commencer par les dirigeants, participent aux voies de la Providence Divine.«Le cœur du roi est un cours d’eau dans la main de Yahweh»(Prov. Salom. 21,1).Nous connaissons l’exemple classique, tiré de l’Évangile, lorsque lors de l’assemblée du sanhédrin, le grand-prêtre Caïphe dit «il est de votre intérêt qu’un seul homme meure pour le peuple, et que toute la nation ne périsse pas» (Je.11,50). C’est à sa propre mort qu’il pensait, mais involontairement, il dit ce qui avait été écrit, à savoir, que le Seigneur viendrait souffrir pour une multitude de gens. La Bible dit encore : «À l’homme de former des projets dans son cœur, mais la réponse de la langue vient de Dieu» (Prov. Salom. 16,1).
Le 12 janvier sera le cinquantième anniversaire de votre ordination en tant que prêtre…
Oui, ce sera un moment particulier. Il y a cette expression populaire : les noces d’or. Avec l’aide de Dieu, l’homme supporte sa mission, familiale, pastorale, pendant une période qui lui est donnée, au cours de laquelle il est mis à l’épreuve dans le creuset de la tentation. Le Saint Serbe Justin (Popovitch) a écrit ceci : tout le sens de l’existence est déterminé par la Théophanie et la Liturgie. Tout service véritable est service à Dieu. On peut dire que j’ai servi à l’autel depuis mon enfance, depuis l’âge de cinq ans, quand, à la fin de l’occupation, nous sommes retournés vivres à Zaraïsk. Papa était encore à la guerre, et maman allait à l’église. Elle était chantre. Mes frères avaient déjà commencé à aller à l’école, mais moi, je n’avais pas encore l’âge. Que faire de moi? Maman m’emmena avec elle à l’église. Elle m’y amenait à moitié endormi. Peut-être y ai-je dormi, je ne me souviens plus. Ensuite, je suis allé à l’église de par moi-même, je servais à l’autel, je communiais, parfois, chaque jour. Et le Seigneur disposa mon cœur de façon telle que dès mon enfance, après l’office, j’accourrais auprès de l’icône de la Mère de Dieu et je demandai : «Très Sainte Souveraine, Mère de Dieu, lumière de mon âme enténébrée, mon espérance, ma protection, mon refuge, ma consolation, ma joie… ce sont les paroles de la prière après la Sainte Communion, permets que je serve Ton Fils et mon Dieu». Je ne demandais rien de plus.
Bien sûr, je suis un pécheur, mais le Seigneur m’a détourné de toutes les choses terrestres:non, ceci, ce n’est pas pour toi, tu dois devenir prêtre. Je me souviens que les gamins courraient vers les filles pour les agacer, moi, j’étais aussi un gamin, de la même sorte qu’eux, mais ils me provoquaient en criant : pope, moine! Et moi je devenais honteux et je pensais «Tu ne peux pas faire cela, tu ne dois pas te comporter comme eux». L’église de l’Annonciation, dans laquelle j’ai grandi, a deux chapelles latérales, une de l’Archistratège Mikhaïl et l’autre, de Saint Serge. Et je fus ordonné diacre à Moscou dans l’église de l’Archange Gabriel, Passage du Télégraphe, le jour de la fête de l’Archistratège Mikhaïl, le 21 novembre 1968. Et je fus ordonné prêtre à la Laure de la Trinité Saint Serge, dans l’église de l’Académie, dédiée au Pokrov de la Très Sainte Mère de Dieu, le 12 janvier 1969.
Batiouchka, vous êtes né le 14 avril 1937, et exactement six mois plus tard, le 14 octobre, c’est la fête du Pokrov de la Très Sainte Mère de Dieu…
Jamais je n’ai pensé à cela! Chez Dieu, tout est calculé. J’ai célébré pendant plus de 49 ans dans l’église du Pokrov de la Très Sainte Mère de Dieu; j’y suis arrivé en 1970. Dès mon enfance, je savais qu’il existait un Psautier de la Mère de Dieu. Quand je l’ai trouvé, le psaume 90 me plus beaucoup. Je l’appris par cœur, et le récitai chaque jour «Celui qui vit en l’aide de la Mère de Dieu, repose à l’abri de Sa ferme protection…». La protection de la Mère de Dieu s’étend sur le monde entier.
Comment avez-vous fait connaissance de votre matouchka?
Quand j’ai demandé au Père Kyrill (Pavlov) quelle voie je devais choisir, il me dit : Dieu te la montrera. Cela se passa lors de la confession, la veille du mariage de mon frère, le Père Nicolas, avec sa future matouchka Catherine. Le jour de la noce, on me présenta à Natacha, Natalia Konstantinovna Apouchkina. C’est-à-dire que le Seigneur me la montra (bien qu’à ce moment là, je n’y prêtai guère attention). Un peu plus tard, le Père Evgueni Trostine, qui était alors âgé de plus de 90 ans, me dit :
– Tu dois te marier
– Mais je connais personne, qui épouserais-je?
– Tout de même n’as-tu pas vu quelqu’un?
– Oui.
Justement, au mariage de mon frère, mon attention avait été attirée par Natacha, mais je m’étais dit: «Allons bon, des pareilles, il en existe beaucoup!» Mais je travaillais dans l’Oural, et là, il n’y en a guère. Il y en avait, mais pas selon notre honneur, comme on dit. Et Batiouchka a continué:
– Donc, tu as vu quelqu’un, tu l’as rencontrée?
– Oui, j’en ai vu une, répondis-je au Père Evgueni, me souvenant de Natacha.
– Eh bien, c’est elle, va la trouver et épouse-la.
– Mais Batiouchka, comment ça? Elle va me répondre: disparaît d’ici!
J’avais en effet fait une expérience pénible peu de temps auparavant ; j’avais été repoussé… Batiouchka se leva, sortit de la pièce et revint avec l’icône de Saint Nicolas et me dit : «Par lui, tu vaincras». Il me bénit avec l’icône, je la pris en main, l’embrassai, et je partis me renseigner au sujet de Natacha. C’est plus tard seulement que j’appris que mon frère Nicolas (aujourd’hui archiprêtre et doyen du District de Mosskvoretski), et son épouse Katia (fille du starets russe Tikhon Pelikh, aujourd’hui décédée et enterrée aux côtés du starets Tikhon, dans le cimetière d’Akoulovo, derrière l’autel) avaient décidé de me faire rencontrer Natacha. Katia était amie de la sœur de Natacha, Macha Skourat, l’épouse de Konstantin Evthimovitch, professeur à l’Académie de Théologie de Moscou. Ils avaient donc imaginé des plans dont je n’étais pas du tout informé. Voyant que je manifestai de l’intérêt, ils organisèrent des rencontres et nous invitèrent tous deux à plusieurs reprises. Ce que ma matouchka pensa alors, fait partie des secrets de familles bien scellés.
A la fin de mes études d’ingénieur en foresterie, je suis allé travailler dans l’Oural. Et elle prit la décision de m’écrire. Et nous conservons en fait une valise pleine de lettres ; notre correspondance d’une année. Matouchka écrivait très bien. Elle visitait les musées, les galeries d’art. Elle a travaillé tout un temps au Musée d’Histoire, et ensuite à l’Université d’État de Moscou, où elle était la collaboratrice senior du laboratoire de langue anglaise. Mais moi, dans mon usine de production de bois,… qu’écrire? Je travaillais dur, et puis je devais m’asseoir et essayer de presser mon cerveau pour en sortir quelque chose. Chanter les sentiments à la manière de rossignols, j’en étais incapable. Un sentiment, c’est un sentiment, c’est quelque chose d’intérieur, on n’a pas envie d’en parler.
Et comment avez-vous fait votre demande en mariage ?
Ma future belle-mère, Elena Vladimirovna me proposa un jour : «Veux-tu faire la connaissance d’un évêque?». Évidemment, j’ai répondu par l’affirmative, d’autant plus qu’il s’agissait d’un évêque qui avait connu la prison.
Vladika Stéphane (Nikitine) fut le premier évêque dont vous avez fait connaissance?
Oui. Je me souviens que j’allai le voir dans sa kelia près de l’église de la Déposition de la Tunique du Seigneur, à proximité du Monastère Donskoï. Il m’interrogea
– Où en sont vos relations avec Natacha?
– Normales, épistolaires.
– Vous devez faire une demande en mariage.
– Bénissez !
Et c’est ainsi que j’allai faire fis ma demande en mariage. La bénédiction de Vladika Stéphane me fut salutaire. Je ne savais comment m’y prendre. Avec sa bénédiction, tout devint simple. Je téléphonai, nous nous rencontrâmes… Je me demandai : «Par où commencer?». Je dis «Euh, Vladika a béni…». Natacha me regarda et demanda : «Oui, mais vous-même?…». «Eh bien moi, évidemment… je ne peux que rêver, comme on dit». Et elle donna son accord. Nous nous rendîmes sur le champ auprès de Vladika Stéphane. Il nous bénit avec une icône du Sauveur. Ensuite, je suis reparti dans l’Oural, où je travaillais. Même après avoir reçu la bénédiction de Vladika, j’y travaillai toute une année encore.
Ce fut le Père Tikhon Pelikh qui nous maria. (A suivre)
Traduit du russe.
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