La Lorgnette de Tsargrad cheminera de 2019 en 2020 en compagnie du saint Starets et hiéromoine Aristocle de Moscou. Saint Aristocle naquit dans l’Oural en 1846, et fut baptisé sous le nom d’Alexis. Il rejoignit le Mont Athos, y mena son podvig, et puis il rentra en Russie et y entama un second podvig. Ce long texte, dont la traduction sera publiée en plusieurs parties, est composé à partir de plusieurs textes originaux russes. La première partie provient d’un article publié le six septembre 2017 sur le site Ruskline.ru de l’association Russkaia Linia, rédigé par Monsieur Stanislav Ryjov, et du texte consacré à Saint Aristocle dans les pages du site du Monastère athonite de Saint-Panteleimon, extrait du «Paterikon Russe Athonite des XIXe et XXe siècles» (Русский Афонский Отечник XIX — XX веков) édité à la Sainte Montagne en 2012 par le Monastère Saint Panteleimon. Il sera question de la vie du Starets, de ses prophéties, des miracles qu’il accomplit. L’intérêt du texte provenant du site du monastère est double, car outre ce qu’il dit du saint moine, certains passages dévoilent une partie du travail minutieux de chroniqueur, préalable à l’établissement de la vie d’un saint de notre Église. Il s’agit du dernier texte publié en 2019, cette première partie est donc un peu plus longue que de coutume.

La Croix vivante.
«… Et voici encore le cas d’une de mes connaissances, habitant près du marché de Khitrov. Sa vie ne se passait pas bien, et un jour, alors que la situation avait encore dégénéré, elle décida d’aller se noyer. Elle courut jusqu’au pont et allait se jeter dans la Moskva lorsqu’une sorte de force la tira en arrière. Mais il n’y avait personne autour d’elle. Elle fut prise d’une frayeur inexplicable et voulut fuir cet endroit, sa volonté d’en finir avec sa vie s’étant dissipée. Longtemps, cette frayeur qui la saisit sur le pont ne lui permit pas de trouver la paix. On lui recommanda d’aller demander conseil auprès du Starets Aristocle, car lui, il savait tout. Et elle se rendit auprès de Batiouchka, lui raconta tout ce qui s’était passé. Après avoir écouté, il dit : «C’est la Force de Dieu Qui t’a repoussée. Bien que tu sois une femme égarée sur le mauvais chemin, c’est à cause de ta bonté et pour que tu ne doives pas t’asseoir seule et boire seule ta cruche d’eau, le Seigneur t’a fait miséricorde». Ces paroles du starets retournèrent l’âme de la femme. Et vous savez, elle s’est amendée, et rendait visite régulièrement au starets afin de recevoir ses conseils. C’est chez lui que nous avons fait connaissance. Voilà ce qu’il en fut. Chacun vient à Dieu à sa manière…»
Batiouchka savait même que c’est au cimetière du Monastère Danilovski qu’il serait inhumé. Cela ressort d’un récit de A.P. Solntseva, une fille spirituelle du Père Aristocle qui voulait avec insistance que le Starets lui rendît visite chez elle à la maison. Lorsqu’elle osa finalement le lui demander, Batiouchka lui répondit avec douceur : «Mon enfant bien aimée, bientôt, très bientôt, je viendrai chez toi. J’y viendrai pour toujours». Peu après, Batiouchka mourut, sans être venu lui rendre visite, mais elle abandonna cette pensée, car le Starets n’avait jamais trompé personne. Elle vivait Allée du Saint-Esprit, à côté du cimetière Danilovski, et lorsqu’elle voyait un cortège funèbre, elle demandait toujours qui on enterrait. Et un jour, on lui répondit «Le grand Starets hiéromoine Aristocle!». Alors, elle laissa tomber le seau qu’elle portait et se dirigea en pleurs vers la tombe de Batiouchka en répétant «Pardonne-moi! Pardonne-moi, Batiouchka, de ne t’avoir pas cru, suis-je idiote..
Les pigeons, que le Starets aimait nourrir, et avec lesquels il entrait parfois tendrement en conversation, quand il était encore en vie, affluèrent de tous les coins de l’horizon, formant une énorme volée, et ils se disposèrent en celle-ci de manière à former une croix vivante dans le ciel, au moyen de laquelle ils bénirent le Starets Aristocle au dessus de sa tombe elle-même. C’est ce que raconta le Starets Daniel.

La guérison d’un aveugle de naissance se produisit à travers les reliques du Starets Aristocle de Moscou

Novembre 2004. Translation des reliques de Saint Aristocle au Podvorié Athonite de Moscou

Moscou, le 7 juin 2005. De nos jours, comme aux premiers temps du christianisme, des miracles se produisent par les prières des saints, rapporte l’Agence ITAR-TASS. Le supérieur du Podvorié Athonite à Moscou, l’Higoumène Nikon en rapporte un exemple:«En novembre de l’an dernier, les reliques du très vénéré Starets Aristocle de Moscou, le dernier supérieur du podvorié athonite à l’époque des persécutions contre l’Église, et qui mourut en 1918, furent transférées du cimetière Danilovski. Des prêtres de l’Éparchie de Vladimir participèrent à la célébration et emmenèrent avec eux de l’huile de la lampe qui brûlait au-dessus des reliques». Comme le déclara ultérieurement le Père Vladimir Vedernikov, de l’Éparchie de Vladimir, il remit un flacon contenant l’huile à ses paroissiens, les époux Alexandre et Marina, parents d’un enfant qui naquit les yeux fermés. «Ils en étaient immensément affligés et Batiouchka souhaitait consoler les jeunes parents. Il leur remit le flacon sacré et leur raconta que du vivant du Starets Aristocle, celui-ci guérit par ses prières un petit garçon âgé de dix ans qui depuis sa naissance ne pouvait ouvrir les yeux». «Le soir de ce même jour, Marina accourut chez moi toute joyeuse, annonçant que les yeux du petit Kolia s’étaient ouverts après qu’on les eût enduits d’huile sainte», écrivit le prêtre dans sa lettre. Le Père Nikon, lorsqu’il lut ce témoignage contemporain à ses paroissiens pendant la Liturgie, leur rappela que le premier miracle de guérison d’un aveugle de naissance avait été accompli par Jésus Christ Lui-même.

Vie de Saint Aristocle, par les moines de Saint-Panteleimon
Nonobstant une douloureuse maladie des jambes, le Starets prodiguait ses conseils à une multitude de gens, accueillant parfois plus de mille hommes et femmes par jour. Le Saint hiéromoine Aristocle fut doté par Dieu du don de clairvoyance ; il prédit la révolution de 1917 et la Grande Guerre Patriotique. Il guérissait les malades et chassait les démons. Pendant l’époque pénible de la révolution, par ses prières il sauva des gens de la mort provoquée par la faim, il libéra des prisonniers et évita à certain d’être fusillés. Il furent nombreux à se tourner vers Dieu, grâce à lui.

La guérison miraculeuse d’Alexis, âgé de dix ans. Portrait de Pribytkov (1894)

Le Starets Aristocle, dans le monde Alexis Alexeevich Amvrosiev, naquit en 1846 à Orenbourg, dans une famille de paysans pieux. Dans sa petite enfance, son père mourut. A l’âge de dix ans, à l’issue d’une longue maladie, les jambes du jeune garçon demeurèrent paralysées. Matrone, la maman d’Alexis pria en larmes Saint Nicolas le Thaumaturge d’accorder la guérison de son fils, faisant le vœux de la consacrer à Dieu, et quand il aurait atteint l’âge de devenir moi, elle-même entrerait dans un monastère. Le 6 décembre, jour de fête du Saint Évêque Nicolas, Alexis guérit miraculeusement. Et quand son fils atteignit l’âge de dix-sept ans, Matrone se retira dans un monastère.
Il convient ici de préciser que certaines éditions, imprimées dans le passé, de la vie du Saint hiéromoine Aristocle, contiennent une erreur substantielle à propos des circonstances de sa sortie du monde, fondant celle-ci sur la supposition dénuée de fondement selon laquelle il aurait été marié et ensuite veuf, avant son entrée au Monastère Saint Panteleimon sur l’Athos. Le résultat de l’étude minutieuse des documents disponibles dans les archives du monastère au sujet du hiéromoine du grand schème, et des souvenirs de ses enfants spirituels, permet de conclure qu’il n’est pas fondé de considérer comme une invention et de rejeter les premiers pas du Starets dans la voie spirituelle, tels qu’ils sont décrits dans les souvenirs de la Moniale du grand schème Myrope, d’après les propres paroles du Saint. Le témoignage d’une séparation volontaire de sa mère et son entrée au monastère alors qu’il était adolescent ne contredisent pas les données du Monachologion du Monastère Saint-Panteleimon établissant l’entrée d’Alexis Amvrosiev dans la communauté à l’âge de trente trois ans. Lorsqu’on prend connaissance des témoignages les plus directs, il devient évident qu’on y trouve aucune mention d’un départ immédiat pour l’Athos, mais bien pour un monastère russe, et plus précisément dans le Gouvernorat d’Orenbourg où Saint Aristocle naquit. Tout cela semble confirmé par une information du Monachologion indiquant qu’un an après son entrée au Monastère Saint-Panteleimon, le Saint reçut la tonsure et la mantia. A la Sainte Montagne, chaque monastère tonsure selon ses propres traditions et particularités. La règle de la Cénobie russe présuppose le parcours de trois niveaux monastiques : rasophorat (par lequel on devient moine), le petit schème (mantia), et le grand schème. En outre les nouveaux venus dans la fraternité doivent effectuer un temps de probation d’au moins trois ans. Et l’higoumène seul peut décider de tonsurer plus tôt, mais seulement au niveau de rasophore. La règle défendait strictement de tonsurer au niveau de la mantia, et du schème, avant une indispensable période de probation permettant l’acquisition d’une expérience spirituelle. Il est très vraisemblable que Saint Aristocle vécut dans un monastère russe pendant une dizaine d’années, et arriva au Monastère Saint-Panteleimon avec le rang de rasophore et s’imposa sans tarder en tant que moine expérimenté. Cela explique la rapidité de sa tonsure au second niveau.

Le Monastère Saint-Panteleimon

La supposition du mariage et du veuvage d’Alexis Alexeevich Amvrosiev ne peut qu’être qualifié de confusion incongrue, à laquelle il est aisé d’opposer les faits suivants. Tout d’abord, le Monachologion, auquel se réfèrent ses éditions erronées, ne contient aucune mention relative à la situation familiale du Père Aristocle; on n’y consignait d’ailleurs aucune donnée détaillée concernant la famille du moine. Ensuite, le moine du grand schème Aristocle fut à trois reprise proposé par l’higoumène à la Sainte Assemblée des Anciens de Saint-Panteleimon, en qualité de candidat au rang de Supérieur. Et la règle du Monastère Saint-Panteleimon exige que les candidats proposés au tirage au sort de l’Assemblée fussent demeurés vierges et chaste toute leur vie. Ainsi la candidature, à trois reprises, du hiéromoine du grand schème Aristocle au saint tirage au sort est tout à fait incompatible avec un soi-disant mariage antérieur.
Dans les souvenirs des débuts spirituels du starets, rapportés selon les propres paroles de celui-ci par la moniale du grand schème Myrope, on lit :
Batiouchka, dites-nous comment vous êtes arrivé au Seigneur, et cela se passa-t-il voici longtemps déjà ?
– Déjà quand j’allais à l’école. Parfois, je rentrais de l’école, je prenais un morceau de pain, et je partais dans la montagne. Et là, je me délectais de la prière à Dieu. Ah, les prières des enfants ! Je n’ai jamais pu les oublier. Ensuite, je me suis séparée de ma mère. Elle partit au Monastère de la Dormition, pour femmes, et moi, dans un monastère d’hommes. Jamais nous ne nous sommes revus, car nous nous étions promis mutuellement et devant Dieu de ne plus nous revoir et de seulement servir le Seigneur.
Ailleurs dans son texte, Mère Myrope rapporte ces autres paroles du Starets : «Maman et moi, nous sommes partis dans des monastères et jamais nous ne nous revîmes».
Nous noterons donc que s’il convient de rejeter le témoignage de la moniale du grand schème Myrope sur base du fait que Saint Aristocle y quitte le monde précocement pour entrer au monastère, alors, il faut également mettre en doute tous ses souvenirs concernant le Starets, et leur dénier la qualité de source et de référence pour établir une biographie, privant celle-ci de nombreux faits remarquables parvenue à nous précisément dans ces notes. Mais comme nous l’avons noté plus haut, il n’existe aucun fondement permettant de mettre en doute le témoignage de la moniale du grand schème Yrope, qu’elle rédigea à partir des paroles du Starets Aristocle lui-même. Grâce à ces souvenirs la voie ascétique du futur starets se dévoile dès les premières étapes.

Starets Jérôme

Dépassant l’étape de la formation spirituelle et du noviciat dans un monastère russe, il part en 1879 pour la Sainte Montagne et entre au Monastère russe de Saint-Panteleimon, sous la direction spirituelle de l’Higoumène du grand schème Macaire (Souchkine) et du Starets-confesseur, le Hiéromoine du grand schème Jérôme (Solomentsev). Et après un an seulement, le 11 mars 1880, il reçoit la tonsure et la mantia, de même que le nom d’Aristocle, en l’honneur du Saint Hiéromartyr cypriote Aristocle de Salamine. Le 2 décembre 1884, le moine Aristocle est ordonné diacre et le 12 décembre de la même année, hiéromoine. Le 12 février 1886, le Hiéromoine Aristocle est tonsuré et reçoit le grand schème, sans changer de nom.

Starets Macaire

En 1887, avec la bénédiction des starets du Monastère Saint-Panteleimon, le Père Aristocle arriva à Moscou, emmenant un rameau d’olivier qui provenait du lieu où le Saint Mégalomartyr et Thaumaturge Panteleimon fut décapité. De 1891 à 1894, il fut Supérieur du Podvorié du Monastère athonite de Saint-Panteleimon à Moscou. A cette époque, le Podvorié se trouvait dans un petit manoir citadin dans la rue de la Grande Clairière, qui lui avait été offert en 1879 par une bienfaitrice renommée du Monastère, Madame Akilina Alekseevna Smirnova. Pendant quelques années, le Père Aristocle dirigea le Podvorié et fut recteur de la Chapelle du Saint Mégalomartyr et Thaumaturge Panteleimon. Le Starets jouissait alors des dons de guérison et de clairvoyance. Les gens accouraient vers le bon pasteur, dont les prières suscitaient la guérison miraculeuse des malades. Le Starets mettait en garde, accordait des instructions, priait pour ses enfants spirituels, souhaitant leur salut de toute son âme. Les rumeurs de la clairvoyance du Starets se répandirent dans toute la capitale. Chaque jour, des centaines de gens demandant l’aide des prières du Starets venaient au Podvorié du monastère athonite. Le Starets distribuait les très nombreux dons des fidèles aux nécessiteux, il payait l’instruction des enfants de familles pauvres, et permettait à beaucoup de disposer du nécessaire pour vivre.

Saint Philarète, métropolite de Moscou

Avec la bénédiction reçue auparavant de la part du Saint Métropolite Philarète (Drozdov), le Hiéromoine du grand schème Aristocle venait avec les reliques et saints objets apportés de l’Athos, rendre visite aux domiciles des malades, et il y célébrait des moliebens, et on ne comptait plus les guérisons miraculeuses. Le Père Aristocle créa et encouragea le développement des éditions du Podvorié, la distribution de littérature orthodoxe, et il allait célébrer dans les Monastères de la Théophanie, de Saint Jean Chrysostome, de Saint Alexis, des Miracles, et dans l’église de la Dormition de la Mère de Dieu à la Terre Franche Cosaque, l’église Saint Grégoire de Neocésarée, etc. Il participait également à la vie du Monastère pour femmes de la Mère de Dieu de Kazan dans le district municipal de Golovinski. Parmi les offrandes les plus significatives faites au cours de la première moitié des années ’90 au Monastère Saint-Panteleimon, on compte une cloche de 818 pouds, envoyée à la communauté athonite le 31 mars 1894. Les efforts du Père Aristocle au Podvorié furent relayés, à partir de 1888, par la revue «L’interlocuteur spirituel» («Душеполезный Собеседник»), qui raconta la vie des moines russes à la Saine Montagne, proposa des récits de la vie des héros de l’ascèse sur l’Athos, et des lettres de startsy à leurs enfants spirituels. Grâce à l’édition de cette revue, les monastères russes de l’Athos commencèrent à voir arriver de nouveaux novices et à recevoir de généreuses donations permettant de restaurer les édifices monastiques qui avaient souffert d’incendies, et d’y construire de nouvelles églises.
Mais en 1894, par suite d’une dénonciation mensongère, le Starets fut forcé de quitter Moscou et de retourner à la Sainte Montagne. (A suivre)
Traduit du russe
Sources : 1, 2