Le 9 août, l’Église célèbre la translation des reliques du saint hiéromartyr Piotr (Zverev), archevêque de Voronège et de Zadonsk. Remarquable histoire, que celle de l’inhumation de Vladika et de l’invention de ses saintes reliques. Souvenons-nous des derniers jours de ce martyr et laissons place à notre pieux étonnement devant la Bienveillante Providence Divine envers Ses élus. Le texte original russe a été publié le 9 août 2019 sur le site du Monastère de la Sainte Rencontre à Moscou, avec le sous-titre : Le dernier chemin du Hieromartyr Piotr (Zverev).
En 1928, une épidémie de typhus se déclara à Anser1. Sur les milliers de prisonniers qui se trouvaient sur l’île, cinq cents moururent à l’hiver 1928-1929. A l’automne, de grandes fosses communes avaient été creusées à proximité de l’église de la Résurrection du Seigneur, juste derrière le cimetière du monastère. C’est là que pendant tout l’hiver ils déposèrent les morts. Des branches de sapins étaient posées sur les fosses, en guise de fermetures. Au début de l’épidémie, un hôpital fut installé à la Skite du Golgotha et de la Crucifixion.
De nombreuses années auparavant, le 18 juin 1712, la Très Sainte Mère de Dieu apparut au moine Jésus et lui dit : «A cet endroit, on établira une skite en mémoire de la Passion de Mon Fils. Douze moines y vivront et ils jeûneront sans interruption, sauf le samedi et le dimanche. Il viendra un moment où la souffrance fera tomber les fidèles comme des mouches sur cette colline ». Par la suite on érigea deux églises à cet endroit : une en pierres, en l’honneur de la Crucifixion du Seigneur avec une chapelle en l’honneur de la Dormition de la Très Sainte Mère de Dieu (où, pendant l’épidémie de typhus à l’époque de la persécution de l’Église, alors que le monastère avait été transformé en camp de concentration, on ouvrit un hôpital), et une autre en bois, l’église de la Résurrection du Seigneur, au pied de la colline, qui servit de morgue pendant tout un temps.
En janvier 1929, l’Archevêque Piotr contracta le typhus et fut amené à l’hôpital, dans l’ancienne Skite du Golgotha et de la Crucifixion. Dans la même salle que l’Archevêque se trouvait un vétérinaire, un de ses fils spirituels. Celui-ci, le jour de la mort de l’Archevêque Piotr, entendit vers quatre heures du matin un bruissement ressemblant au bruit de battements d’ailes. Il ouvrit les yeux et aperçut la Mégalomartyre Barbara accompagnée de nombreuses vierges parmi lesquelles il reconnut les Saintes Anicia et Irène. La Mégalomartyre Barbara s’approcha du lit de Vladika et le fit communier aux Saints Dons.
C’était la moniale Arsénia, elle aussi prisonnière à Anser, qui conservait les choses appartenant à l’Archevêque. A plusieurs reprises, elle envoya à Vladika la chasuble qu’il porta lors de sa tonsure, mais chaque fois, il le lui renvoya. Le sept février, on avertit la moniale de ce que la crise était passée et que la maladie semblait s’alléger. Elle demanda :
– Comment est-il habillé ?
– Il porte sa chemise courte de prisonnier. Lui répondit-on.
Alors, elle lui envoya la chasuble, qu’il conservait pour sa mort. Lorsqu’on la lui remit il dit :
Elle l’a transmise bien à propos. Maintenant, essuyez-moi avec une éponge.
Ce jour-là, à sept heures du soir, Vladika décéda. Avant de mourir, il écrivit plusieurs fois au crayon sur le mur : «Le Seigneur m’appelle auprès de Lui. Je ne veux plus vivre». L’enterrement fut fixé au dimanche dix février. Un des prêtres prisonniers demanda au dirigeant de la sixième division l’autorisation de célébrer les funérailles solennelles du défunt et de placer une croix sur la tombe. On reçut du Kremlin, là où célébrait Vladika, une mantia et une omophore. Le cercueil et la croix furent commandés à l’atelier du quartier des prisonniers. Trois prêtres et deux laïcs reçurent l’autorisation de participer aux funérailles, mais l’autorisation de célébrer des funérailles solennelles et l’inhumation du défunt revêtu d’ornements liturgiques ne furent pas accordées. On apprit également que le dirigeant de la division avait l’intention de jeter le corps de Vladika dans la fosse commune, qui était alors déjà remplie de cadavres. Le soir, des prêtres se rendirent chez le dirigeant et exigèrent qu’il respecte la promesse qu’il avait faite antérieurement. Il répondit qu’il avait déjà ordonné de combler la tombe avec de la terre et de la neige et il refusa que le corps de l’Archevêque Piotr fut enlevé de la fosse commune.
On apprit toutefois que l’ordre du dirigeant n’avait pas été exécuté et que la tombe n’avait pas été rebouchée. On célébra les funérailles de Vladika en l’absence de son corps, dans un bureau du secrétariat du quartier et le cercueil ainsi que la croix furent emmenés au Golgotha. Quatre hommes avaient creusé pendant ce temps une tombe derrière le sanctuaire de l’église de la Résurrection. On débarrassa la fosse des branches de sapins qui la couvraient. Vladika gisait revêtu d’un longue chemise, les mains sur la poitrine et le visage parsemé d’aiguilles de sapin. Les trois prêtres soulevèrent le corps à l’aide d’un drap, lui peignèrent les cheveux et essuyèrent le visage. Ensuite, il commencèrent à le vêtir, couché dans la neige. Il était livide et souple, comme s’il venait juste de décéder. Vladika fut revêtu d’une nouvelle mantia couleur lilas, d’un klobouk, et de l’omophore. Dans ses mains on plaça une croix et un tchotki, on déposa un évangéliaire. Et une pannychide fut célébrée. Avant que l’on place dans les mains de Vladika la prière d’absolution, les trois prêtres y apposèrent leur signature.
La moniale Arsénia demanda :
– Pourquoi signez-vous ? On ne signe pas les prières, tout de même ?
Ils répondirent :
– Si les temps changent, les reliques de Vladika seront inventées, et on saura qui l’a inhumé.
Une vingtaine d’hommes et femmes se rassemblèrent pour prier. Après la pannychide, ceux qui le souhaitaient purent dire quelques mots. Ensuite, on descendit le corps du hieromartyr dans la tombe, sur laquelle on fixa la croix, et sur celle-ci on ajouta l’inscription. Un des prêtres participant aux funérailles de l’Archevêque raconta par la suite que lorsqu’on combla la tombe, sur celle-ci s’éleva une colonne de lumière dans laquelle on voyait Vladika bénissant tous ceux qui s’étaient assemblés.
A l’automne 1929, une disposition des autorités du camp obligea à ôter toutes les croix des cimetières des Solovki. Elles furent enlevées et transformées en petit bois pour le feu.
Les relique du Saint Hieromartyr Piotr furent inventées le 17 juillet 1999 et reposent maintenant dans l’église du Saint Hieromartyr Philippe, Métropolite de Moscou, au Monastère stavropégique de la Transfiguration du Sauveur sur une des Îles Solovki.
Du camp des Solovki où il était emprisonné, l’Archevêque Piotr essayait d’écrire aussi souvent que le permettaient ses conditions de détention.
«En prière je Vous souhaite toute la miséricorde du Seigneur, et le salut de votre âme. Et surtout : ayez une chose et vous aurez tout le reste, sachez aimer le Christ, sachez respirer en union avec Lui, vire en Lui, respirer en Lui seulement, aspirer à Lui, parler de Lui, lire Ses paroles dans l’Évangile, les apprendre et les incarner dans votre vie. Sachez aimer le Christ, et autour de vous, tout sera chaud, calme, sans oppression. Priez pour que le Seigneur m’enseigne cette science indispensable. Je vous remercie, je remercie particulièrement tous ceux qui prient et gémissent pour moi, en cet anniversaire de notre séparation. Cette année écoulée et l’éloignement dans l’espace non seulement n’ont pas refroidi mon coeur, mais on augmenté mon amour pour vous tous en le Seigneur, et je vous vous souhaite tout le bien possible. Que votre santé soit bonne. Soyez en paix, et que tous vous réussisse. Que la Mère de Dieu et nos saints évêques vous gardent.
A tous, paix et bénédiction de Dieu. L’Archevêque pécheur, Piotr ».
Traduit du russe
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