Le texte ci-dessous est la traduction des pages 75 et 76, chapitre 11 du tome 1 du livre de I.K. Sourski «Le Père Jean de Kronstadt». La version du livre utilisée ici est celle qui fut publiée en 2008 à Moscou par les Éditions «Otchii Dom», et qui regroupe en un seul volume les deux tomes du livre écrits l’un à Paris, l’autre à Belgrade, par l’auteur.
Le Seigneur a dit: «Cherchez plutôt le royaume de Dieu; et toutes ces choses vous seront données par-dessus» (Lc. 12,31). Tout le monde sait que le Père Jean cherchait seulement le royaume de Dieu et Sa justice. Il ne se préoccupait de rien pour lui-même. Et alors? Il avait de tout en abondance; les aliments les meilleurs et des vêtements luxueux. Tout cela lui était apporté par des bienfaiteurs reconnaissants. J’en fus plus d’une fois le témoin.Un jour, je suis arrivé auprès du Père Jean à Kronstadt avec mon ami, le Père Gronski. Une riche marchande d’Astrakan venait elle aussi d’arriver et nous servit le thé. Cette marchande dit:«Batiouchka, permettez que je vous couse un rason». Le Père Jean répondit : «Toi alors! Mais j’en ai déjà beaucoup! Je n’en ai pas besoin». Mais la marchande insista sans cesse, embrassant dévotement la main du Père Jean, jusqu’à ce qu’il accepte. Il ne voulait manifestement pas la vexer, voyant la piété sincère de cette femme qui estimait qu’offrir quelque chose à ce grand saint de Dieu était une chance pour elle.
Alors que nous buvions le thé, la marchande dit encore : «Batiouchka, permettez que je vous couse des bottes». Sa demande essuya de nouveau un refus déterminé de la part du Père Jean. Mais la marchande ne désespéra pas et recommença à lui embrasser la main en réitérant sa demande, jusqu’à ce qu’il acquiesce.
Étant revenue s’asseoir à sa place, la marchande demanda:«Batiouchka, bénissez que détruise le bâtiment de mon hospice afin que je le reconstruise plus vaste». A cette question, le grand bienfaiteur répondit en donnant immédiatement sa bénédiction. Il s’agit d’un exemple montrant comment les gens œuvraient pour le bien de leurs frères souffrants, pour l’amour du Père Jean, souhaitant plaire à celui-ci. Ma rencontre avec cette marchande d’Astrakhan indique clairement d’où provenaient les vêtements luxueux du Père Jean, ses pelisses, ses chapkas, ses chaussures, etc. Évidemment, cette femme n’était pas la seule à habiller et chausser le Père Jean. De nombreux autres hommes et femmes riches, propriétaires d’usines ou d’ateliers faisaient de même.
Récit du directeur de la police des Usines Maltsovski et Conseiller Titulaire, Vassili Mikhaïlovitch Popov, résidant à Belgrade, rue de l’Église, n°51.
En 1901 ou en 1902, lorsque je servais dans le Corps d’artillerie à la Forteresse de Varsovie et chantais dans le chœur de la basilique de la forteresse, un diacre fut ordonné, et il e rendit à Kronstadt auprès du Père Jean afin de recevoir sa bénédiction. Rentrant de chez le Père Jean, le diacre fit son apparition dans la basilique, vêtu d’une tunique et d’un rason luxueux подряснике и рясе, et répondant, lorsqu’on l’interrogea, que le Père Jean lui avait donné sa pleine bénédiction pour célébrer dans cette basilique, et lui avait donné de l’argent pour couvrir ses frais de route, il ôta ensuite rason et tunique et se retrouva en chemise. Il enfila alors une vieille tunique élimée. Lorsque le diacre voulut refuser ce présent, le Père Jean lui répondit : «Cela fait partie de ma bénédiction», et il lui ordonna d’accepter ses vêtements.
Il s’agit là d’un cas tout à fait caractéristique, prouvant le mépris complet du Père Jean pour son apparence, pour ses vêtements, et aussi, son extraordinaire générosité ; il était prêt à ôter son vêtement pour le donner à qui que ce soit. Bien sûr, les vêtements que le Père Jean avait offerts au diacre lui étaient parvenus par une voie semblable à celle du rason cousu par la marchande d’Astrakhan.
L’absence totale d’attachement du Père Jean aux biens de ce monde paru également dans le fait qu’il fit construire une énorme maison de trois étages, adjacente à l’église, et dotée de toutes les commodités, mais il refusa de s’y installer lui-même, demeurant dans son logement exigu, disposant d’une entrée unique et sombre, par la cuisine.
Traduit du russe.