Saint Jean de Kronstadt fut le protecteur de nombreuses communautés monastiques, mais tout particulièrement de trois monastères féminins, le Monastère Saint Jean de Rila, à Saint-Pétersbourg, où reposent aujourd’hui ses reliques, celui de Leouchino et celui de Pioukhtitsa. Il a déjà été question sur le présent blog du saint monastère de Leouchino et de sa célèbre higoumène, Mère Taïssia. Le texte ci-dessous concerne donc le monastère de Pioukhtitsa, situé aujourd’hui en Estonie. Il est la traduction des page 57 à 60 du livre «Le Monastère de Pioukhtitsa et son protecteur, le Saint et Juste Jean de Kronstadt» («Пюхтицкая обитель и ее покровитель святой праведный Иоанн Кронштадтский»), édité par le monastère, en 2008.
Comme en témoignent les annales du monastère, en 1893, «le vénéré et honorable intercesseur de Kronstadt, le Père Archiprêtre Jean Ilitch Sergueev fut l’un des plus importants donateurs du monastère, auquel il offrit neuf mille roubles en argent liquide». Cette année-là, à deux reprises, les onze mai et onze novembre, le Père Archiprêtre Jean Ilitch Sergueev de Kronstadt rendit visite au monastère. Chaque fois, il célébra les matines et la Divine Liturgie. Voyant en toutes choses ordre et splendeur, il souhaita placer sous la direction de la vénérable Mère Higoumène ses filles spirituelles, qui s’intégrèrent à la communauté comptant une cinquantaine de sœurs». Ses lettres de recommandations à l’Higoumène Barbara furent conservées. L’une d’entre elles est consacrée à la troisième higoumène de Pioukhtitsa : «Vénérée Mère Higoumène Barbara! Je t’envoie une nouvelle brebis pour le troupeau qui t’a été confié par le Seigneur : Anna Korovnikova, une jeune fille vertueuse, pure, douce et obéissante, ma fille spirituelle pour qui je prie en intercesseur. Accueillez-la et introduisez-la honnêtement dans l’enceinte de votre Sainte Communauté. Votre fervent intercesseur devant Dieu. L’Archiprêtre Jean Sergueev. 9 septembre 1893».
Anna Alexeevna Korovnikova, la future Higoumène Ioanna, naquit le 21 août 1867 à Kronstadt. Ses parents étaient le staroste de la Cathédrale Saint André, Alexis Ksénofontovitch, et son épouse Paraskeva Nikititcha. Anna fut baptisée en la Cathédrale Saint André par le Père Jean (de Kronstadt), le huitième jour qui suivit sa naissance. Elle devint orpheline quelques jours après sa naissance. Le 4 septembre 1867, son père décéda, à l’âge de 52 ans. La petite fille de deux semaines demeura avec sa maman veuve et son frère aîné, Mikhaïl, âgé de dix-neuf ans.
La moniale Ioasafa (Maliarova) raconte : «Quand il voyait la future higoumène dans l’église, alors qu’elle n’était encore qu’une petite fille, le Père Jean lui disait souvent «Tiens bon, sœur, tiens bon, sœur!». C’était bien longtemps avant qu’elle n’entre au monastère. Anna devint donc la fille spirituelle du Père Jean de Kronstadt. Le 13 août 1893, avec la bénédiction de celui-ci, elle fut reçue au monastère de Pioukhtitsa, observant tout au long de sa vie les instructions de son grand père spirituel. Matouchka conserva soigneusement les livres du Père Jean, qu’il avait offert en tant que bénédictions à sa filleule. Elle les emmena quand elle entra au monastère, elle y puisa de la force pendant les années les plus pénibles de son existence, lorsque Dieu la jugea digne de la crosse d’higoumène. Ces précieux livres (…) portant la dédicace de leur auteur (…) sont encore conservés aujourd’hui au monastère dans la chambre-mémorial du Saint Père Jean de Kronstadt.
Récit de la septième supérieure du Monastère de la Dormition de la Mère de Dieu de Pioukhtitsa, l’Higoumène Barbara (Trophimova)
«Lorsque j’entrai au Monastère, en 1952, le jour de la fête de Saint Seraphim de Sarov, je fus accueillie par l’Higoumène, Mère Raphaïla. Elle me conduisit à la cellule de la staritsa, Mère Iraïde (Sergueeva), l’un des plus anciennes sœurs «barbarides», ainsi désignait-on les soeurs entrées au Monastère lors de l’higouménat de la première Mère Barbara de Pioukhtitsa. A l’époque où elle était encore jeune fille, ici, sur la montagne de la Mère de Dieu, Celle-ci apparut à cette staritsa. Elle était venue ici pour la première fois, âgée de quatorze ans, en pèlerinage. Il y eut tant de monde qu’on célébra en plein air, et après la Liturgie, on dormit à même le sol, au pied de l’église. Les uns dormaient, les autres priaient. Certains lisaient l’acathiste. Partout, des cierges brûlaient.
Mère Iraïde raconta: «Je m’étais assoupie. Soudain, j’ouvre les yeux, et je regarde. Devant moi se tient une grande Dame majestueuse, si grande, si belle, et toute vêtue de noir. Je m’éveille complètement en entendant ce qu’Elle me dit, et je prends même peur. Elle me parle d’une voix caressante, s’inclinant vers moi : «Irina, Ma fille, veux-tu servir chez moi?». Et moi de répondre : «J’aimerais tant y aller». «Tu le voudrais? Alors, viens, maintenant, tu seras servante chez Moi». Je sentis que c’était la Très Sainte Mère de Dieu, et je n’osai en parler à personne.
Je vécus avec cette staritsa une demi-année. Elle me raconta comment Batiouchka Jean avait prédit à la Mère Higoumène Barbara la construction d’une superbe nouvelle basilique à Pioukhtitsk. Il avait eu accès à la vision de la nouvelle basilique. Matouchka Barbara accompagnait souvent Batiouchka Jean dans sa promenade jusqu’à la source, au-delà de la colline, que l’on nomme désormais la ‘colline de Batiouchka’. Un jour, alors qu’ils revenaient de la source, Batiouchka regarda soudain fixement vers l’endroit où s’élève aujourd’hui la basilique et dit : «Matouchka Barbara, Matouchka Barbara quelle majestueuse basilique, chez vous sur la colline». Matouchka lui répondit : «Batiouchka, elle serait peut-être très bien, la nouvelle basilique, mais il ne peut en être question». Comme s’il n’avait pas entendu ses paroles, Batiouchka répéta une fois encore : «Matouchka Higoumène! Regardez donc, quelle majestueuse basilique, chez vous sur la colline! L’antichrist ne pourra jamais y toucher! Je pense que la Basilique de Pioukhtitsa durera jusqu’à la Seconde Parousie!».
Un jour, Matouchka Barbara marchait à côté de Batiouchka Jean, dans le cimetière. Soudain, celui-ci ôta son couvre-chef et s’inclina devant les tombes en disant : «Combien n’y a-t-il de reliques incorrompues qui reposent ici… »
Traduit du russe.