La traduction ci-dessous est celle d’un texte rédigé par Saint Justin (Popovitch) de Tchélié. La première version russe de ce texte, initialement écrit en serbe, fut intégrée dans un livre de Saint Justin intitulé “A propos du paradis de l’âme russe. Dostoïevski comme prophète et apôtre du réalisme orthodoxe”, (О рае русской души. Достоевский как пророк и апостол православного реализма) publié en 2001 à Minsk. Ce texte constitue le premier chapitre, pages 9 à 18, de l’Almanach ecclésiastico-historique “Le Pasteur de Kronstadt”, second volume, édité à Moscou en 2010 par les Éditions “Otchii Dom”. En voici la seconde partie. La première se trouve ici.
Par ses exploits ascétiques il instilla le Seigneur Christ en lui-même, et avec Lui, le paradis tout entier, ainsi que le charme paradisiaque. On sait que chaque vérité évangélique restaure petit à petit le paradis dans l’âme de l’homme. Et lorsqu’elle s’assemblent toutes dans l’homme, alors arrive le paradis tout entier, avec sa perfection éternelle. Où les vertus évangéliques seraient-elles aussi vivantes, aussi actives, aussi immortelle qu’en les christophores? Dès lors, ceux-ci sont le paradis du Christ sur terre.
Mais, une fois encore, qu’est-ce que le paradis? Rien d’autre que la concrétisation de l’Évangile, le Seigneur Christ vécu par l’homme dans toute Sa plénitude divino-humaine. Conformément à l’expérience apostolique, «ce n’est pas moi qui vit, mais c’est le Christ Qui vit en moi»(Gal.2,20). Et le Christ vit en l’homme à travers Ses vertus divino-humaines. Celles-ci pénètrent progressivement dans l’âme et en chassent les péchés, le mal, la mort et le diable. Alors règnent le bien, l’amour, la vérité, l’immortalité, et Dieu. Fiez-vous à mon affirmation : Saint Jean de Kronstadt est le paradis de l’âme russe. Emmenez vos pensées à travers sa sainte pensée. N’est-elle pas un paradis pour vos pensées? Plongez vos sentiments à travers ses saints sentiments. Ne sont-ils pas un paradis pour vos émotions? Que votre cœur touche son saint cœur. Celui-ci n’est-il pas le paradis pour votre cœur? Sa miséricorde évangélique, sa douceur évangélique, son amour évangélique, n’est-ce pas un paradis et une joie éternelle pour votre âme?
N’oubliez pas que là où règne le Christ, là se trouve le paradis. S’Il règne dans tes pensées, vois, tu es au paradis. Règne-t-Il dans tes sentiments, dans tes souhaits, dans tes actes, vois, tu es au paradis. Un autre nom pour le paradis est le Royaume de Dieu. Le saint héros de l’ascèse de Kronstadt dit «Si Dieu est présent dans toutes les penses, les souhaits, les intentions, les paroles et les actes de l’homme, alors cela signifie que le Royaume de Dieu est venu en lui. Alors, il voit Dieu en tout:dans le monde des pensées, dans le monde des actes, dans le monde matériel».
Si la peur s’empare de notre cœur, l’enfer est en nous, l’enfer est autour de nous. Comment transformer notre enfer en paradis? Éliminez-en tous les péchés, tous les vices, tous les démons, et installez-y le bien évangélique, les podvigs évangéliques, les forces évangéliques. Au plus l’Évangile est introduit dans la vie, au plus celle-ci devient paradis. Ce monde fut jadis paradis. Les gens le transformèrent volontairement en enfer. Mais les saints restaurent le paradis par la force de leur miraculeuse sainteté. Le saint héros de l’ascèse de Kronstadt consacra toute sa vie à cela. Il commença par restaurer le paradis dans son âme, et ensuite, par la sainteté de sa vie, il le restaura dans les gens qui l’entouraient. Là où se trouvait le christophore de Kronstadt, la terre devenait paradis. Dès qu’il arrivait, le mal fuyait et le bien s’installait. Par ses podvigs évangéliques, il restaura partout le paradis en l’âme russe. Ne rétablissait-il pas le paradis dans l’âme russe quand il guérissait les possédés, quand il expulsait d’eux le diable? Souvenez-vous:il guérit un possédé qui nous rappelle fortement le Gadarénien. Il guérit une femme possédée, recourant à la parole autoritaire, toute puissante et évangélique:«Sors!». Et il guérit un autre homme encore, manifestement possédé par le diable.
La démence est la malédiction la plus terrible que le péché puisse attirer sur la nature humaine. Et le saint de Kronstadt guérit plusieurs hommes et femmes atteints de folie. Il suffisait au saint de prier Dieu pour que l’esprit malin de la démence quitte celui ou celle qui était concerné. La guérison de la démence ne serait-elle pas la restauration de l’homme en l’état qui précéda sa chute, en l’état paradisiaque?
La puissance miraculeuse de l’intercesseur de Kronstadt était égale à celle des Apôtres. Non seulement il guérissait lui-même ceux qui étaient atteints de maladies les plus diverses, mais ses vêtements eux-mêmes exercent la même action. Ainsi, à Belgrade, voici quelques années, son écharpe guérit une femme affligée de démence. Des témoins de cet événement se trouvent encore parmi nous aujourd’hui. Cela ne vous rappelle-t-il pas les Actes des Apôtres, lorsqu’on évoque les miracles accomplis par le foulard de l’Apôtre Paul?
Innombrables sont les miracles du thaumaturge de Kronstadt. Qui les a dénombrés? Il a guérit toutes les maladies imaginables. Ce sont des miracles évangéliques qui se sont déroulés devant nous, tous plus extraordinaires les uns que les autres. Arrêtons-nous toutefois sur deux d’entre eux, qui semblent transférés de l’Évangile à notre époque.
Voici le premier. Le saint thaumaturge a guéri à distance le fils, au père duquel il dit: «Va, ton fils est guéri». Quant au deuxième, le père de l’enfant concerné, une fille, vit encore aujourd’hui ici, au milieu de nous. Le saint guérit sa fille de façon évangélique, en disant au père «Qu’il soit fait selon votre foi».
En bien des aspects, le thaumaturge de Kronstadt nous rappelle Saint Nicolas le Thaumaturge. Au cours de sa vie terrestre, celui-ci guérit à distance bien des maladies: démence, diphtérie, mutité. Nous, les Orthodoxes, n’avons pas besoin de retourner deux mille ans en arrière pour voir les miracles évangéliques. Ils se produisent parmi nous. L’Apôtre de Kronstadt accomplit des miracles évangéliques sous nos yeux. Il a même ressuscité un enfant mort. Ne serait-ce pas un miracle évangélique? Sous nos yeux se déploie la puissance divine aux aspects multiples, que le Sauveur donna et donne aux apôtres qui Lui succèdent, leur commandant:«Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons» (Mat.10,8). En quoi réside le secret de la puissance de ce thaumaturge évangélique et apostolique? En ce qu’il vivait l’Évangile et accomplissait les commandements évangéliques. Le héros de l’ascèse de Kronstadt se rendait miséricordieux par la miséricorde évangélique, s’humiliait dans la piété évangélique, se faisait amour dans l’amour évangélique, se sanctifiait dans la sainteté évangélique. Et dès lors se déployait en lui la puissance divine thaumaturgique, miraculeuse, à laquelle ne pouvaient s’opposer ni le péché, ni la mort, ni le diable.
Le Père Jean de Kronstadt incarna l’idéal chrétien:la divinisation. Car dans la divinisation se trouve le salut. L’homme ne peut imaginer la grandeur de ce héros de l’ascèse de la terre russe. Il est l’Évangile vivant. A travers lui s’incarne ce miracle saint et divin qui se manifesta en ce monde le jour de la Pentecôte et qui circule parmi nous maintenant dans sa personne fascinante.
Nous sommes appelés à la sainteté. Selon le Saint Apôtre Paul, le destin du Chrétien est de devenir saint. Si nous sommes chrétien, cela signifie que nous sommes candidat à la sainteté. La différence entre nous et les saints ne s’exprime pas en termes de nature, mais de volonté et de détermination.
L’Orthodoxie dispose de son apologétique spécifique. C’est la sainteté. Et ses apologistes spécifiques, ce sont les saints. C’est par la sainteté que l’Orthodoxie “s’apologétise” avec le plus de succès, car c’est à travers la sainteté du saint que le Seigneur Jésus Christ Se manifeste. Dieu est merveilleux en Ses saints. Il est merveilleux en Son saint serviteur, le Père Jean de Kronstadt, tellement merveilleux qu’il attire irrésistiblement vers lui tous les cœurs vivants et éveille les consciences.
Est-il encore nécessaire, après le saint héros de l’ascèse de Kronstadt, de chercher de nouvelles preuves de la vérité intrinsèque et de la nature salvatrice de l’Orthodoxie? Celui qui a des yeux pour voir, peut voir en l’Apôtre de Kronstadt toute la force et la toute-puissance de l’Orthodoxie. Celui qui a des oreilles pour entendre, peut entendre comment Dieu proclame aujourd’hui à travers ce nouvel apôtre Son Évangile éternel.
Je suis tout particulièrement stupéfait par la miséricorde du saint apôtre de Kronstadt. Il était miséricordieux pour tous et toutes. Miséricorde évangélique en mouvement, il donna aux pauvres tout ce qu’il possédait. Parfois, il allait jusqu’à donner son manteau et ses souliers, rentrant à la maison déshabillé et les pieds nus. Sa miséricorde était accessible à tout être vivant. Il avait ce «cœur miséricordieux» dont parle de façon tellement touchante Saint Isaac le Syrien. Il fallait agir envers tout être humain avec miséricorde, tendresse et amour. Voici la règle recommandée par le saint de Kronstadt: quand tu regardes n’importe quel être humain, dis-toi:«Le Seigneur des hommes était semblable en tout à cet homme, sauf en péché». C’est par sa piété que le saint acquit une telle tendre compassion.
On peut l’affirmer sans crainte:il vivait et respirait par la prière. C’est pourquoi il en dit long sur la prière comme respiration de l’âme. A la question de la manière dont il occupait son temps libre, il répondait : «Je prie. Je prie constamment. Je ne comprends tout simplement pas comment passer du temps sans prier. En vérité, la prière est la respiration de l’âme».
Le Saint Père Jean de Kronstadt est pour l’âme russe l’issue paradisiaque de toutes ses difficultés. Et non seulement pour l’âme russe, mais pour toute âme, pour l’âme de tous les êtres humains de façon générale. Existerait-il un problème, russe, serbe, humain, qui ne trouve pas en lui sa solution paradisiaque, définitive et éternelle? Existe-t-il une pensée tellement pénible, tragique, qu’elle ne trouverait pas en lui son prolongement, son approfondissement, son immortalisation paradisiaques? Existerait-il un sentiment tellement atroce et douloureux qui ne trouverait pas en lui sa transmutation, son illumination, son rafraîchissement paradisiaques?
A la question, à cette amère question propre à notre époque contemporaine chaotique: comment l’âme russe peut-elle retrouver son paradis perdu? D’une seule manière. Que l’âme russe avec tous ses problèmes, ses malheurs, ses douleurs, ses blessures, croie et s’abandonne en l’Apôtre de Kronstadt, le Père Jean, afin qu’il la mène à travers le chaos de notre contemporanéité, jusqu’à l’éternité de la vérité et de la justice Christiques.
Et ce qui est vrai pour l’âme russe l’est aussi pour l’âme serbe: seule la guidance des Saints peut les sauver de l’enfer et les faire entrer dans le paradis de la vie éternelle du Christ. Vraiment, l’âme restaure en elle le paradis, communiquant avec les Saints et vivant avec eux en unité de prière. Car les Saints évincent d’elle les péchés, les vices et les passions qui font de l’âme un enfer, et l’emplissent des vérités divines, d’amour et de justice, la transformant ainsi en paradis. Toute la vie, toute l’activité du saint héros de l’ascèse de Kronstadt nous montrent et nous enseignent comment l’homme crée le paradis en lui et dans le monde autour de lui, et détruit l’enfer en lui et dans le monde qui l’entoure. Si nous voulions résumer l’évangile de Saint Jean de Kronstadt en une pensée, ce serait: par les péchés et les vices, l’homme crée son enfer éternel, et par les vertus évangéliques, il crée son paradis éternel.
Traduit du russe.