Le texte ci-dessous est la traduction d’un original russe de Madame Olga Rojniova, publié sur le site Pravoslavie.ru le sept février 2014. Il présente un des grands starets d’Optina, peut-être un peu moins connu que ses pairs tels que Saint Ambroise, Saint Macaire, Saint Varsanuphe, etc. Le site Orthodoxologie a consacré voici peu une série de parution à ces grands et saint starets. La traduction ci-dessous complète d’une certaine façon cette très belle série de textes à lire sans faute, car sauf erreur de notre part, Saint Anatole (Zertsalov), dit «l’Ancien» n’en fait pas partie. Plutôt qu’une biographie le présent texte propose une image de la spiritualité du Saint Starets Anatole dit “l’Ancien”.
Le 25 janvier/7 février, nous célébrons la mémoire du Saint Starets Anatole (Zertsalo) d’Optina. Il y mena son exploit ascétique, son podvig, à l’époque où le Désert d’Optina était florissant. Il fut disciple de Saint Macaire et du grand et Saint Starets Ambroise, et contemporain des Saints Moïse, Antoine et Hilarion. Même au milieu de ces exceptionnels héros de l’ascèse, le nom de Saint Anatole (Zertsalov) ne manque ni d’éclat ni d’ampleur. C’est de lui qu’affirma Saint Ambroise d’Optina: «Les dons de la prière et de la grâce qui lui ont été donnés sont tels qu’un seul parmi des milliers peut les recevoir».
L’action évidente de la Providence Divine
La Providence Divine œuvra clairement dans la vie du Père Anatole, dans le monde, Alexis. Au cours de sa jeunesse, il souffrit de tuberculose, à cette époque, une maladie incurable. Deux autres de ses compagnons de travail au Ministère en souffrirent en même temps que lui. Mais il prononça alors un vœu: si je guéris, j’entre au monastère. Ses deux camarades décédèrent bientôt, mais le futur starets d’Optina guérit.
La voie étroite
Entré au monastère en 1853, Alexis y demeura longtemps novice. Ses pères spirituels clairvoyants virent en ce jeune novice un futur starets, mais ils ne forcèrent pas sa maturation spirituelle et le menèrent par la voie étroite de la tentation et du poids des épreuves, afin de l’endurcir et d’affermir ses bonnes dispositions monastiques. Il reçut l’ordination monastique après avoir patienté dix ans, et devint hiéromoine en 1870 seulement.
Alexis était très soigneux et aimait la propreté, et pour l’empêcher de s’attacher aux choses extérieures et matérielles, on le changeait constamment de cellule, lui inculquant le détachement. Le Starets Ambroise disait: «Nous devrions vivre sur cette terre comme une roue qui tourne; un seul point touche la terre le reste tourne vers le haut. Nous, c’est comme si nous gisions et ne pouvions nous élever». On attribuait une cellule à Alexis. Il s’y installait, la nettoyait, y faisait régner l’ordre, y disposait ses chers livres spirituels,… et on le déménageait dans une nouvelle cellule, où il devait tout reprendre depuis le début. Après, on lui intima de s’installer dans la tour. Il dormait exceptionnellement peu, et cet environnement inconfortable, de même que des travaux auxquels il n’était pas accoutumé finirent par lui occasionner de puissants maux de tête. Parfois, cette douleur obligeait Alexis à demeurer alité des jours entiers. Et il n’y avait personne pour lui apporter fût-ce un verre d’eau. Quand il n’avait pas la force de se lever pour aller au réfectoire, il ne recevait rien à manger. En bas de la tour, on fendait des bûches et le bruit des coups aggravait la situation du malade.
Lorsqu’il commença à chanter dans le chœur, comme il était de haute taille, le maître de chœur l’envoya à l’arrière afin qu’il ne masque pas la partition. Ensuite, le nouveau chantre étant connaisseur en la matière, il lui arriva de faire des remarques techniques au maître de chœur, ce dont celui-ci se fâcha et se plaignit auprès du père supérieur.
On envoya Alexis à la forge. Ce fut pour lui une obédience pénible. On lui attribua pour se reposer et dormir, un petit banc court et étroit. Quand sa tête était cachée, il avait froid aux pieds et quand ses pieds étaient cachés, il avait froid à la tête. A l’aide de ces vexations, insignifiantes à première vue, mais en réalité fort pénibles, humilité et patience, douceur et fermeté d’esprit, étaient inculquées au jeune novice.
Voici mon supérieur; je vous le recommande
Devenu supérieur de la Skite [du Saint Précurseur. N.d.T.] en 1874, l’humble ascète ne changea pas son comportement et continuait à se tenir à genoux devant Saint Ambroise pour se confesser. Un jour, le Saint Père Ambroise conversait avec le Père Anatole, qui par respect se tenait devant lui, comme d’habitude, à genoux, et fit entrer un visiteur dans la cellule, et faisant un signe désignant Saint Anatole, et voulant donner une leçon d’humilité et d’obéissance, il dit au nouveau-venu: «Voici mon supérieur; je vous le recommande».
Un don particulier
Le Saint Starets Ambroise transmit à Saint Anatole la formation spirituelle de la communauté monastique féminine de Chamordino, qu’il venait de créer, ayant pu à de nombreuses reprises constater que le Père Anatole jouissait du don particulier de consoler les jeunes. Mère Sophia, l’inoubliable première supérieure de la Communauté de Chamordino, disait souvent qu’en son comportement envers autrui, le bon moine ne se distinguait en rien de l’aristocrate ayant reçu une bonne éducation. Pourtant il existait une différence, de taille: l’aristocrate s’en tient avec tact aux convenances, alors que chez le moine, l’accueil du prochain est régi par conviction et amour. Le Père Anatole constituait en la matière le modèle à imiter.
La nature élève l’homme vers Dieu
Lorsque le Starets Anatole allait à Chamordino, une promenade en sa compagnie était pour toutes les sœurs une consolation inoubliable qui embellissait la vie laborieuse des fondatrices de la communauté. Les sœurs conservèrent le souvenir d’une de ces promenades et de l’entretien qui l’émailla. Mère Sophie demanda: «Que devrions-nous dire à Mère Sarah, qui depuis trente ans n’est pas sortie de sa grotte, fût-ce pour regarder la nature»? Le Père Anatole répondit ceci: «Chacun atteint le salut par une voie qui lui est propre. Pour ma part, je me sens mieux en accord avec les saints qui aimèrent la nature, comme Saint Serge de Radonège, Saint Savva de Zvenigorod, Saints Antoine et Théodose; ils choisirent les lieux les plus splendides pour leurs communautés, car la nature élève l’homme vers Dieu.»
Dieu verra ce qui est vrai
Saint Anatole était d’une grande naïveté. Il s’adressait à chacun en toute simplicité, ne soupçonnant jamais la possibilité d’un mensonge ou d’une tromperie. Il ne craignait jamais qu’on dise du mal de lui. Il disait seulement: «Dieu verra ce qui est vrai». L’hypocrisie et la flatterie lui étaient insupportables. Il aimait la franchise et l’ouverture, lui-même étant très franc. Sa simplicité dans ses relations rappelaient beaucoup le Starets Lev, qu’il imitait fidèlement. Saint Ambroise rappelait, quand il parlait de lui, les paroles de l’Évangile: «Voici un Israélite en qui il n’y a aucune fausseté».
Deux anges
En 1892, au cours de son voyage à Pétersbourg et à Kronstadt, Saint Anatole rencontra le Saint et juste Jean de Kronstadt, qu’il vénéra toujours. Le 10 octobre, ils célébrèrent ensemble une liturgie en mémoire de Saint Ambroise d’Optina. Comme se souvenait le Saint Starets Barsanuphe, lorsque la liturgie commença, le Père Jean vit que deux Anges concélébraient avec Saint Anatole. On ne sait si Batiouchka Anatole lui-même les vit, mais le Père Jean les vit clairement.
Guidance de la vie spirituelle
Le Starets Anatole jouissait pleinement des Dons de l’Esprit Saint: clairvoyance, discernement spirituel, guérisons des maladies spirituelles et physiques. Il connaissait par avance le moment de la mort de ses enfants spirituels les plus proches, leurs maladies, leurs revers de fortune, et incitait à la prudence ceux dont les épreuves s’approchaient. Les conseils de Saint Anatole n’ont pas perdu leur pertinence de nos jours et peuvent nous guider dans la vie spirituelle.
Un seul médecin peut te sauver
Après avoir assimilé patience et humilité, devenu starets, il pouvait enseigner cela à autrui. Il prévint ses enfants spirituels que lorsque le Seigneur permettait qu’un homme soit éprouvé, afin de rabaisser son orgueil, non seulement les étrangers, mais les proches et même, selon Saint Isaac le Syrien, toute la créature affronterait un tel homme. Une de ses filles spirituelles se plaignit de la supérieure de l’époque, Mère Pélagie, prétendant que celle-ci ne l’aimait pas. Batiouchka répondit: «Je pense que ce n’est pas Pélagie, mais plutôt Akoulina ou Arina qui te cherchera noise. Et ce n’est ni Matouchka, ni Batiouchka qui te sauvera. Un seul médecin peut te sauver, je te l’ai recommandé cent fois: la patience».
Le jour où l’une des sœurs demanda au Père Anatole de lui enseigner la patience, il répondit: «Toi, Matouchka, tu demandes qu’on t’apprenne la patience… Tu es extraordinaire! Dieu l’enseigne! Les gens, les sœurs l’enseignent! Les circonstances de toute la vie l’enseignent! Tout t’enseigne la patience, à endurer les situations, les choses, les phénomènes naturels, et tu me demandes des leçons de théorie de la patience… Endure tout ce qui t’advient et tu seras sauvée!»
La meilleure façon d’acquérir l’humilité
Le starets expliquait, à propos de la conquête de l’humilité: «Je vais te dire le meilleur moyen d’acquérir l’humilité. Voici: Endure toute souffrance qui plante son aiguillon dans ton cœur fier… Commence par cela, et tu verras… L’essentiel, et tu ne le comprends pas, c’est que cette espèce de douleur, ce dard aigu qui perce la sensibilité du cœur, c’est la source même de la miséricorde de Dieu et de l’humilité. Ils recèlent le trésor de la grâce de Dieu».
La Force de la prière du père spirituel
Saint Anatole conseillait d’offrir un repentir permanent au Seigneur et de ne rien dissimuler au père spirituel. Le Starets disait: «J’aime ceux qui parlent d’eux-même sans dissimulation. L’ennemi ne peut rien semer, là où l’on dévoile tout à son père spirituel». Au sujet de la force de la prière du père spirituel pour son enfant, le Starets Anatole proposa à l’une de ses filles spirituelles une citation du Paterikon: «Un frère, sali par le péché, approcha de la mort. L’higoumène commença à prier pour lui, avec les frères, et il eut cette vision: un énorme serpent essayait d’avaler ce frère, mais il n’y parvenait pas car son père priait pour lui. Mais le frère était tellement écrasé par la langueur physique et spirituelle qu’il pria son père spirituel de cesser cette prière. Tant qu’à faire, dit-il, que ce serpent m’engloutisse, et que je cesse de souffrir. Voilà une belle absurdité! Mieux vaut être dans les entrailles du serpent qu’à moitié tiré hors de sa gueule! Mais le starets n’interrompit pas sa prière; il continua à implorer et libéra le frère de la gueule du serpent».
Récite la prière de Jésus et tu seras sauvée
Saint Anatole pratiquait lui-même la prière avec ardeur, et surtout celle de Jésus. Il l’enseignait à ses enfants spirituels. Il rappelait souvent à toutes et tous la nécessité de prier constamment la prière de Jésus et de conserver un cœur pur. Lorsqu’une moniale lui dit que sa vue était mauvaise et qu’elle avait des difficultés à lire, il répondit: «Récite la prière de Jésus et tu seras sauvée». Il conseillait de prendre pour règle de pratiquer la prière de Jésus plutôt que s’occuper à des obédiences compliquées. Une autre moniale témoigna: «Lorsque j’entrai au monastère, je devins malade. J’avais quinze ans. Le docteur me trouva un problème au cœur et une phtisie. Il annonça que je mourrais bientôt. Mais moi, je ne voulais pas mourir. Batiouchka me dit: «Récite tant que tu peux, assise ou couchée, la prière de Jésus, et tout ira bien». Je mis son conseil en pratique et par ses saintes prières, je retrouvai une bonne santé. Depuis lors, vingt trois ans se sont écoulés. Je vis et accomplis mes obédiences de mon mieux. Je m’occupe de tout dans ma cellule, même si ma santé n’est pas excellente, alors qu’auparavant, je ne pouvais me déplacer dans ma cellule».
Seulement Dieu et l’âme
Un jour, le Père Anatole dit ceci à propos de la prière: «Il faut prier Dieu, pour qu’entre l’âme de celle ou celui qui prie et Dieu, il ne puisse y avoir rien ni personne. Seulement Dieu et l’âme. De façon à ce que celui ou celle qui prie ne sente ni le ciel, ni la terre, ni rien sinon Dieu seulement. Sinon, la prière est imparfaite. Quand tu pries sous l’influence d’un beau chant ou de la lecture, il ne s’agit pas de la vraie prière. Voici ce qu’est la véritable prière: le Prophète Élie inclina la tête jusque sur ses genoux et pria. Pendant quelques minutes, il implora le Seigneur de changer Sa colère en miséricorde».
L’église est le Ciel sur terre
Le Père Anatole réclamait fermement de la part de ses enfants spirituels qu’ils fussent pieusement attentifs à l’église. «A l’église, tiens-toi comme un ange, ne converse pas, ne promène pas ton regard, car l’église est le Ciel sur la terre. Quand tu sors de l’église, lis la prière Réjouis-Toi, Mère de Dieu, O Marie, pleine de grâce…», et ne parle avec personne, car cela reviendrait à recevoir une pleine coupe et la déverser sur la route. Quand tu te recueilles, répète avec une application particulière la prière de Jésus. Si tu as l’intention de communier, pendant la liturgie, surveille-toi particulièrement, ne parle à personne et ne laisse pas divaguer tes pensées. Avance vers la Coupe, l’âme paisible, appelant sur toi la prière de ton père spirituel. A l’église, garde-toi de semer le trouble dans l’âme de quiconque; tu vas à l’église demander grâce à Dieu et dans Son église tu offenserais ton prochain…»
Soumets-toi à la volonté de Dieu, voilà ton podvig
Le Père Anatole s’efforçait de mener ses enfants au succès spirituel à la mesure que ceux-ci évitaient sagement tout prétexte à vanité et suffisance du fait de leurs podvigs.
Une moniale tomba malade au point de ne pouvoir accomplir son obédience. Quand Saint Anatole lui rendit visite, elle dit: «Je n’accomplis aucune obédience. Bénissez Père, que j’entreprenne le podvig de vivre seule, dans le jeûne et la prière, et que je dorme sur une simple planche». Le Starets répondit: «Tu sais, le mauvais ne mange pas, ne boit pas et ne dort, mais malgré cela, il vit dans l’abîme car il n’a aucune humilité. C’est une tentation de l’ennemi. Tes podvigs? La maladie te suffit. Endure ce que le Seigneur t’a donné. Et soumets-toi à la volonté de Dieu. Voilà ton podvig. Récite la prière de Jésus. Les podvigs, ce sont les feuilles, mais la prière de Jésus, c’est la racine et le fruit. Fais preuve d’humilité, surveille-toi attentivement et supporte la maladie et l’affliction avec reconnaissance: cela est supérieur au jeûne et aux podvigs et à toutes les obédiences».
Dans son trou, le serpent se tient coi, mais si tu le touches, il se met à siffler
Saint Anatole considérait le cénobitisme comme une formidable école d’apprentissage de l’humilité et de la patience. Il racontait que la vie en communauté tue les passions. «Dans son trou le serpent se tient coi, mais si tu le touches, il se met à siffler. Il en va ainsi dans la cénobie. Prends des cailloux et mets-les dans un sac, et secoue-le longuement, ils deviendront ronds. C’est la même chose dans la vie cénobitique. Au plafond, les clous sont sombres. Sur le plancher, il luisent, parce qu’on marche dessus. Ils deviennent brillants. C’est la même chose avec le moine; nettoyé de ses afflictions, il devient lumineux».
Joyaux spirituels
Les conseils de Saint Anatole sont d’authentiques joyaux spirituels pour ceux qui ont faim de la nourriture des starets.
– «Apprends à être doux et silencieux, et tu seras aimé de tous. L’ouverture des sentiments est pareille à l’ouverture des portes: le chien entre, et le chat, … et ils déposent leurs crasses».
– «Nous devons aimer tout le monde, mais nous n’oserions exiger que tout le monde nous aime».
– «Sans l’hiver, il ne peut y avoir de printemps, et sans printemps, il n’y aurait pas d’été. De même dans la vie spirituelle: un peu de consolation, et puis un peu de souffrance, et petit à petit se forme le chemin du salut».
– «Acceptons tout des mains de Dieu. S’Il nous console, remercions-Le. S’Il ne nous console pas, remercions-Le».
Saint Père Anatole, prie Dieu pour nous!
Traduit du russe
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