Le 29 octobre 1888 eut lieu l’accident de train de Borki dont fut victime la famille impériale, qui, par la grâce de Dieu en sortit indemne alors que les wagons furent fracassés et que l’accident causa plusieurs dizaines de victimes.
La première partie du texte ci-dessous est la traduction du chapitre 23 du tome premier du livre Le Père Jean de Kronstadt (Отец Иоанн Кронштадский), paru à Belgrade en 1938, et dû à la plume de Iakov Valerianovitch Iliachevitch, conseiller d’État russe dès 1909, membre de l’émigration russe et fils spirituel de Saint Jean, qu’il côtoya pendant plus de dix huit ans. L’auteur choisit le pseudonyme d’I.K. Soursky (И.К.Сурский) pour la rédaction de son ouvrage en deux tomes (le second a été publié à Paris en 1941), reconnu encore aujourd’hui, tant par l’Église que par les historiens, comme une des sources les plus fiables et précises au sujet de la vie et des œuvres de Saint Jean de Kronstadt. La seconde partie du présent article est la traduction du texte écrit le 8 novembre 1894 par Saint Jean lui-même, à l’occasion du décès de l’Empereur Alexandre III.
Le Père Jean était vénéré non seulement par les évêques, les prêtres et le peuple russe, mais le Souverain, le Tsar Pacificateur et Gardien de la Paix, l’Empereur Alexandre III, vénérait profondément le Père Jean, à qui il dit un jour: «Je sais qui vous êtes et ce que vous êtes».
Alors qu’il souffrait de la maladie qui le conduisait à la mort, l’Empereur Alexandre III fit venir le Père Jean auprès de lui. Pendant l’entretien, Saint Jean posa les mains sur la tête du Tsar qui allait mourir et l’Empereur lui dit alors: «Quand vous tenez vos mains sur ma tête, je ressens un grand apaisement, et quand vous les enlevez, je souffre beaucoup, ne les retirez plus». Le Père Jean dit au Tsar que cela était dû au fait qu’il venait de célébrer le Mystère de l’Eucharistie. Et le Père Jean garda ses mains bénies sur la tête du Tsar mourant jusqu’à ce que ce que celui-ci ait rendu son âme de juste à Dieu.Nombreux sont ceux qui sans doute se demandent pourquoi un thaumaturge tel que le Père Jean ne put guérir le Tsar que le peuple adulait. Un archiprêtre profondément croyant et à l’âme de juste, qui exerçait son sacerdoce depuis vingt cinq ans et avait également été inspecteur de séminaire pendant 20 ans, me dit un jour que le Père Jean ne put guérir le Tsar par ses prières parce que la fin de celui-ci avait été décidée au sein du Conseil de la Très Sainte Trinité. On ajoutera que le Seigneur n’exauça pas toutes les prières de Son prééminent Apôtre Paul lui-même. C’est ainsi que Saint Paul rapporte qu’il pria le Seigneur à trois reprises pour qu’Il le délivre de l’ange de satan qui de son aiguillon endommageait son corps. Mais le Seigneur lui répondit : «Ma Grâce te suffit». Et dans sa première épître à Timothée, Saint Paul écrit encore: «Ne continue pas à ne boire que de l’eau; mais fais usage d’un peu de vin, à cause de ton estomac et de tes fréquentes indispositions» (1Tim.5,23). On peut se demander pourquoi un thaumaturge de l’envergure du Saint Apôtre Paul ne guérit pas Timothée.
En guise de confirmation des propos de l’archiprêtre précité, je souhaite mentionner l’histoire du Général de Cavalerie Abatsiev dans laquelle on constate qu’au cours du séjour du Père Jean à Livadia, pendant la maladie du Tsar, il guérit à distance, par la force de sa prière, un Tatare malade 1. Le Général Abatsiev était à cette époque aide-de-camp de l’Empereur Alexandre III, et le Père Jean vivait à Livavia, auprès du Tsar mourant. Une dame demanda au Général Abatsiev de lui organiser une rencontre avec le Père Jean. A cinq heures, le matin, le Général alla trouver le Père Jean. Au portail du jardinet de la maison où vivait le Père Jean, une foule se pressait déjà, parmi laquelle on comptait des Tatares, que la police ne laissait pas entrer. Dans le porche une jeune Tatare était en pleurs. La police ne comprenait pas ce qu’elle disait. Abatsiev était né dans le Caucase, et il connaissait la langue tatare. Il apprit dès lors que la jeune femme avait amené son mari malade. Elle l’avait laissé dans une télègue qui stationnait un peut plus loin au bord de la route, et elle priait qu’on la conduisît auprès du «mollah Jean». Malgré qu’il fût seulement cinq heures, Abatsiev alla interrompre le Père Jean occupé à ses prières matinales. Il lui parla de la jeune Tatare. Le Père Jean commanda qu’on lui amène la femme et il lui demanda si elle croyait en Dieu. Celle-ci ayant répondu par l’affirmative, le Père Jean lui dit: «Nous allons prier ensemble. Toi, prie à ta manière. Moi, je prierai à la mienne». Quand il eut terminé sa prière, le Père Jean bénit la Tatare d’un signe de croix. Abatsiev sortit avec la femme et vit qu’à la surprise générale, le mari tatare malade s’était levé et avançait à leur rencontre, complètement guéri. Il ressort de ce récit, que par la force de sa prière, le Père Jean était capable de guérir même un malade musulman. On ne peut dès lors dire que les prières du Père Jean échouèrent quand il était à Livadia. Il ne lui était tout simplement pas permis de modifier le destin du grand Tsar, arrêté selon les impénétrables voies du Seigneur. Grégoire Karpovitch Soukholentsiev m’écrivit un jour d’Alvern, en Allemagne,: «Alors que j’étais encore en service actif, lorsque notre Tsar Batiouchka Alexandre III tomba malade et mourut, j’ai personnellement lu dans un journal les propos que Jean de Kronstadt avait écrits: «Des morts, j’en ai ressuscités, mais je n’ai pas eu l’autorisation de garder par mes prières notre Tsar-Batiouchka Alexandre III. Que Sa Sainte Volonté soit faite en toutes choses».
La Fin de l’Empereur Alexandre III
Le 17 octobre, selon sa volonté, le Souverain Empereur qui repose maintenant en Dieu, a communié de mes mains aux Saints Dons. Chaque jour, j’ai célébré la liturgie dans l’église de Livadia ou celle d’«Oréande». Au jour précité, dès la fin de la liturgie, je me suis hâté avec la Coupe de Vie vers l’Auguste Malade. Il communia ainsi pieusement, de mes mains, au Vivifiant Mystère.
Le 20 octobre, l’Empereur souhaita à nouveau me voir. Je me hâtai à nouveau de le rejoindre dès que la célébration de la liturgie fut terminée. Je demeurai alors auprès du Souverain jusqu’au moment de sa fin bienheureuse. Conformément au souhait de la Souveraine Impératrice, je lus la prière pour la guérison du Malade et oignis ses mains, ses pieds et les autres parties de son corps. Des souhaits fervents avaient été émis pour obtenir cette huile de la lampe d’une icône miraculeuse par l’entremise d’un prêtre de Yalta, le Père Alexandre, afin d’en oindre l’Auguste Malade. Et il en fut donc ainsi. L’Empereur avait accueilli cela avec une foi sincère, et il exprima le souhait que je pose mes mains sur sa tête. Lorsque je les eus posées, Son Altesse me dit: «Le peuple vous aime». «Oui votre Altesse», répondis-je, «votre peuple m’aime». Alors, il répondit «Oui, car il sait qui vous êtes et ce que vous êtes». Ce furent ses paroles précises. Immédiatement après, le Malade souffrit de fortes crises d’étouffement, et de l’oxygène lui fut fourni au moyen d’un tuyau introduit dans la bouche. La situation devint extrêmement pénible. La souveraine Impératrice se tenait à la gauche du Malade, Ses deux fils aînés se tenaient devant lui, l’un accompagné de sa future épouse, et à droite se trouvaient le Grand Prince Mikhaïl Alexandrovitch et la Grande Princesse Olga Alexandrovna, quand à moi, je me tenais à la tête du fauteuil. «Mes mains ne pèsent-elles pas trop lourdement sur votre tête, Votre Altesse Impériale?» Le Souverain répondit: «Non, je me sens soulagé quand vous tenez vos mains sur moi». Cela résultait du fait que je venais de célébrer la liturgie, prenant en mes mains le Très Saint Corps du Seigneur, et j’avais communié aux Saints Dons.
Traduit du Russe
- Le récit de cet épisode a fait en 2016 déjà, l’objet d’une publication en français sur le forum du site officiel du Dioscèse de Chersonèse.