Le texte ci-dessous est la traduction de la seconde partie d’un entretien du Métropolite Athanasios de Limassol publié le 20 mars 2018 sur le site Pravoslavie.ru. Le Métropolite Athanasios y développe une des dimensions du fondement de la vie spirituelle du Chrétien orthodoxe : l’attention permanente qu’il convient de maintenir vis-à-vis de soi-même, mais également envers notre environnement humain et matériel. Il souligne particulièrement l’importance de cet environnement sur la vie spirituelle.
Je pourrais vous raconter beaucoup d’histoires semblables, mais ce n’est pas le moment. Je souhaite simplement vous dire d’être attentif à ce que vous conservez à la maison, à ce que vous portez sur vous et à ce que vous conservez dans votre environnement. Je suis allé dans toutes sortes de maisons et il m’est arrivé d’y voir des symboles démoniaques, des signes magiques, des masques, des statues bouddhistes. Soyez prudents car il ne s’agit pas de simples décorations ou souvenirs. Tout comme une icône du Christ n’est pas une décoration. Elle rayonne la grâce du Christ, tout comme la Croix rayonne la grâce. Saint Jean Chrysostome dit que si dans une maison se trouve l’Évangile, celui-ci la protège et transmet la grâce à toute la maison. De la même manière, là où se trouvent des objets, des livres et des images rayonnant une énergie démoniaque, ils agissent malheureusement sur notre environnement. On en vient aujourd’hui à ce que disaient les Pères voici des siècles; la science s’exprime clairement à ce sujet. Elle analyse, entre autres, aujourd’hui les effets des dessins animés sur l’homme.
Quand à Limassol fut organisée une conférence au sujet de la pornographie, je me suis réellement mis en colère. Une chaîne de télévision en a réalisé un film que tous purent regarder à la télévision. Une partie concernait toute cette nudité et ces choses charnelles qui furent exposées à la télévision. La deuxième partie concernait ce que regardent les enfants, les dragons, les «extraterrestres». Comment dire? Du feu sortait de leur bouche, des scènes terribles se déroulaient, j’en fus réellement exaspéré. Et de plus, il faisait complètement sombre. Si j’avais été seul, j’aurais crié! Heureusement, j’étais entouré de gens. Vraiment mon âme fut troublée. J’étais ébranlé, malgré que je savais que nous regardions un simple film, dans le cadre d’une démarche scientifique. Ce ne sont pas n’importe quels clercs, mais bien des savants, qui analysent l’influence de ce que regardent les enfants, de ce que regardent les adultes; tout cela agit sur la paix de notre âme.
Ainsi, comme le disent les Pères, le milieu de vie a une grande signification, et nous devons y accorder beaucoup d’attention, de même qu’à tout dans notre vie. A tout, même au bureau où nous travaillons. Si son aménagement ne nous apporte pas une consolation, nous ne pouvons y travailler, le travail y deviendra harassant. C’est pourquoi je vous demande de placer des icônes avec des lampes à icônes dans votre maison, et vous constaterez immédiatement un changement. L’icône du Christ, de la Panagia, des Saints, elles établissent une autre atmosphère, et là où tout était lourd et hostile, la maison se fait chaleureuse. Vous pourrez constater cet effet positif. Les choses qui nous entourent ne sont pas inoffensives. Heureusement, la science a déjà évoqué ce genre de phénomènes. Mais les Pères en parlaient déjà, décrivant tout ce labyrinthe d’influences et de changements.
Il faut ajouter que certains changements dans nos âmes se produisent pour des raisons pédagogiques, venant de Dieu. Dieu veut que l’âme de l’homme devienne mûre et parfaite. C’est la même chose que pour la nourriture: nous ne mangeons pas toujours les mêmes aliments, car alors, nous en mourrions, aussi bons qu’ils fussent. En tous cas, c’est ce qu’on dit. Je ne sais si c’est tout à fait vrai, mais cela est expliqué par des spécialistes, des diététiciens et des médecins: si chaque joue vous nourrissez l’homme avec la même nourriture, il finira par en mourir ou deviendra très malade, quelle que soit sa santé au départ. La diversité est nécessaire. Vous voyez que nous mangeons avec vous de la marmelade, de la salade, et parfois, nous buvons un peu de vin. Chaque jour, les plats varient, les aliments changent. L’homme a besoin de changement. Ainsi avons-nous été créés par Dieu. Il ne nous a pas créés tels que nous mangions seulement des haricots, nous avons besoin d’aliments variés. Telle est notre nature. Il en va de même dans la vie spirituelle. Pour que l’homme soit complet, pour qu’il acquière plus d’une vertu, car si ceci n’était pas le cas, l’homme serait défectueux. Même l’amour, quand il est seul, peut nuire; l’amour, la plus grande des vertus, la plénitude des vertus!
– Mais il existe des vertus qui agissent comme le sel. De quelle sorte de sel s’agit-il? Que devons-nous saler? (…)
– Le sel, c’est le discernement. Toute vertu irréfléchie peut être dangereuse, même l’amour. Quand dans un plat bien préparé on a omis le sel, il n’a pas de goût. Ainsi, le discernement donne du goût et la juste mesure en tout.
Les changements se produisent en l’homme pour qu’il devienne parfait, pour qu’il traverse les différentes étapes de la vie spirituelle, pour qu’il conquière plus qu’une seule vertu, fut-ce uniquement l’amour, ou uniquement la charité, ou uniquement la douceur, ou la prière, car alors il sera unilatéral, et en tant que tel, il ne pourra voir les autres comme il convient. Un jour, je suis allé auprès d’un grand geronda. Arriva un moine, qui loua la vertu de l’higoumène d’un grand monastère qui abritait une foule de moines. Il raconta que cet higoumène était un homme tellement pur, à l’esprit tellement pur, qu’il n’avait jamais eu une seule pensée charnelle, il ne savait pas même ce que c’était. Une âme aussi sainte ne connaissait pas la tentation charnelle. Ensuite il attendit, le reste de l’assistance et moi de même, que le geronda réponde: «Bravo! Quel homme remarquable, et quel higoumène!». Je dis:
– Oui, c’est vraiment un grand homme!
Mais le geronda, sage et expérimenté, secoua la tête en signe de désapprobation et dit:
– Quant à moi, Père, je ne loue pas ce dont tu parles. Je ne veux pas que l’higoumène ignore ces choses. Je veux que l’higoumène comprenne de quoi il s’agit et qu’il traverse le feu du creuset de la tentation, afin qu’il sache et puisse consoler ceux qui luttent autour de lui. Le Paterikon mentionne semblables cas de héros de la lutte ascétique. Dieu permet que nous traversions la tentation, le danger de la chute, le péché, car nous voulons être des hommes et des femmes complets et non partiels. Imaginez un clerc qui ne comprenne pas ces choses. Il serait comme le médecin qui ignorerait ce qu’est la maladie, et rendrait les gens malades. Mais si le médecin lui-même tombe malade, si on l’attrape par les mains et pieds pour le mettre sur la table et qu’on l’y découpe, la fois suivante, quand quelqu’un lui dira «J’ai mal!», il aura une petite idée de ce que ça signifie et il ne dira pas, «Mais non, ce n’est rien!», ou «Il faut être un peu volontaire!». Lui-même aura fait l’expérience de la maladie et il apprendra à compatir avec les malades. De même, Dieu permet que nous passions par de tels changements afin que nous acquérions l’expérience, «car, ayant été tenté lui-même dans ce qu’il a souffert, il peut secourir ceux qui sont tentés» (Heb.2,18). Il est nécessaire à l’homme de passer par là afin de devenir humble, connaissant ses propres faiblesses, et de comprendre l’impuissance humaine, d’apprendre à compatir à autrui, apprendre à être bon, compatissant, apprendre à consoler.
Un moine se rendit coupable d’une faute. Les autres moines voulurent le chasser, mais Abba Pambô dit:
– Il me reste à moi aussi beaucoup du vieil homme, et je dois donc aussi être expulsé d’ici.
Tous firent une grande métanie et dirent:
– C’est vrai, qui peut dire qu’en lui, il ne reste rien du vieil homme? Qui sommes nous pour chasser quelqu’un du lieu du repentir?
Je me souviens d’un bon père spirituel à la Sainte Montagne. Un autre père spirituel, sévère, mais de peu de discernement, arriva et lui fit cette remarque:
– Toi, Père, tu es trop indulgent, tu autorises tout le monde à communier. Il faudra leur donner des épitimies; à l’un, un an, à un autre, deux ans, à un troisième, dix ans. Pourquoi les autorises-tu à communier? Tu dois les juger, tu es leur confesseur! Tu dois imposer comme épitimie l’interdiction de communier!
Et l’autre geronda lui répondit:
– Mon Père, quand je célèbre, je me dis que s’il y a ici quelqu’un qui ne devrait pas communier, et sortir, c’est bien moi. Et si Dieu me tolère, qui serais-je pour chasser un autre? Si quelqu’un devait sortir de l’église, car il est le plus grand pécheur, une abomination pour l’Église et qui insupporte Dieu, c’est bien moi. Et si je suis le premier des mauvais, comment chasser autrui? Je ne peux faire ce que tu dis. Si tu estimes que tu peux le faire, fais-le. Et si tu penses que lorsque tu communies, tu as le pur témoignage de ta conscience qui te dit que tu peux communier et qu’un autre ne le peut, alors, qu’il en soit ainsi. Mais moi, je n’ai pas un tel témoignage de ma conscience.
A la mesure de leurs tentations, les saints traversèrent ce cercle de transformation et goûtèrent à l’affliction et à la joie, à la douleur et à la douceur, à la pauvreté et à la richesse, à la faim, la soif et la satiété. Il devinrent des hommes accomplis. Des hommes et des femmes accomplis, consolateurs, bienveillants, acceptant autrui, parce qu’ayant parcouru tout ce chemin au long duquel Dieu les éduqua, ils comprirent, avant tout, leur nature humaine.
Nous devons savoir que c’est Dieu Lui-même, Qui de Ses propres mains, accomplit notre salut. Mais deux choses dépendent de nous. La première, c’est notre libre accord d’aller auprès de Dieu-le médecin, et de se placer entre Ses mains pour qu’Il nous guérisse, et Lui dire: «Regarde-moi, je suis malade! Je T’en prie, Seigneur, guéris-moi, car je suis malade!». La deuxième chose consiste à poursuivre le traitement jusqu’à la guérison complète. Il ne faut pas imiter ceux qui vont chez le médecin, mais qui s’enfuient de l’hôpital dès la première nuit en se disant que leur problème de santé est résolu. Non, il faut demeurer à l’hôpital, subir tous les examens, les injections, les traitements, les médicaments, etc., pour en sortir guéri. Voilà ce qu’il en est de la vie spirituelle de l’homme. D’abord, il donne son accord de collaborer avec la grâce de Dieu et ensuite, il demeure dans l’infirmerie spirituelle et endure tout ce que Dieu envoie, sachant que Dieu a pris en main son salut et qu’il est impossible qu’Il abandonne l’homme et le laisse tomber. L’homme qui aspire au salut, Dieu ne le pousse pas vers la chute.
Et quoi qu’il arrive à cet homme, quels que soient chutes, obstacles, changements, il peut profiter de tout cela pour son progrès spirituel, espérant en la Divine Providence, et récolter un immense bénéfice spirituel. Comme le dit un geronda, ce qu’il y a de plus répugnant, le fumier, peut devenir un amendement de valeur et permettre la production de doux fruits, s’il est employé correctement.
Il en va de même avec nos chutes et nos détériorations. Elles peuvent se transformer en excellents éléments spirituels, si l’homme les supporte avec patience, espère en la bonté de Dieu et continue humblement à avancer sur le chemin de la vie spirituelle, animé de la foi inébranlable que la Paternelle et Divine Providence jamais ne nous abandonnera, quoi qu’il arrive.
Traduit du russe
Source.