C’est en 1970 que l’Archimandrite Konstantin Zaitsev publia aux éditions du Monastère de Jordanville son ouvrage "Чудо русской истории", le Miracle de l’Histoire russe. Ce livre, malheureusement épuisé aujourd’hui, fut édité à nouveau en Russie, en 2000 et en 2009 aux éditions Forum. Un long chapitre y est consacré à la mémoire du Saint Tsar Nicolas II. Le texte ci-dessous en est extrait.
Il advint qu’à l’issue d’un l’office célébré pour le repos des âmes de la Famille Impériale, l’Évêque Jean de Shanghai exprimât avec force, au cours de son homélie, la tragédie morale représentée par l’incapacité de la société éduquée à saisir la beauté spirituelle, la hauteur morale, de son Tsar, et même tout simplement à discerner et évaluer en toute objectivité et bonne foi la personnalité de celui-ci. C’est avec autant de force que les paroles de Vladika interprétèrent l’effroyable péché que constitue le meurtre du Tsar, péché dont le poids retombe sur le peuple tout entier.
Le Tsar-Martyr, dit Vladika, ressemble en bien des aspects au Tsar Alexis Mikhaïlovitch, mais il surpasse celui-ci par son inébranlable douceur. Sa personnalité spirituelle et morale était magnifique, au point que les bolcheviques eux-mêmes, dans leur volonté de le dénigrer, ne purent souligner que son obsession de Dieu. On sait avec certitude qu’il commençait et terminait invariablement chacune de ses journées par la prière. Il communiait lors des grandes fêtes liturgiques, et il avançait au milieu du peuple approchant les Saints Mystères, comme ce fut le cas lors de l’invention des reliques de Saint Seraphim de Sarov. Il était un modèle de chasteté, et le modèle suprême du chef de famille orthodoxe, éduquant ses enfants à se préparer au service du peuple russe, et il les y préparait fermement, dans les labeurs et les efforts.
Il vouait une attention profonde aux besoins de ses sujets et voulait comprendre rapidement et clairement leurs labeurs et leurs tâches. On connaît l’épisode au cours duquel il parcourut seul plusieurs verstes, chargé de l’équipement complet du soldat, afin de comprendre de près les conditions dans lesquelles les soldats devaient servir.
Il se déplaçait toujours seul, contredisant ainsi nettement les calomniateurs affirmant qu’il craignait pour sa vie… On dit qu’il était crédule, mais Saint Grégoire le Théologien, ce grand Père de l’Église, affirmait qu’au plus le cœur est pur, au plus il est crédule. Que rendit la Russie à son Souverain, pour ce cœur pur qui l’aima plus que sa propre vie ? Elle le paya au moyen de calomnies. Il était d’une haute moralité, et on le disait dépravé. Il aimait la Russie, et on parla de trahison.
Même ses proches colportaient pareilles calomnies, diffusant entre eux rumeurs et racontars. Les pensées malicieuses des uns et les rumeurs de débauche des autres eurent pour effet de commencer à refroidir l’amour porté au Tsar. On se mit alors à parler de danger pour la Russie et à examiner les moyens de se libérer de ce danger inexistant ; au nom du salut de la Russie on évoqua la nécessité de destituer le Souverain.
Cette malice intentionnelle fit son œuvre : elle isola la Russie de son Tsar, et il fut seul, lors des terribles minutes de solitude de Pskov… Le Tsar effroyablement abandonné… Ce n’est pas lui qui abandonna la Russie, c’est la Russie qui l’abandonna, lui qui aimait la Russie plus que sa propre vie. Constatant cela, et dans l’espoir que sa kénose calme et apaise les passions du peuple, le Souverain renonça au Trône… Ils exultèrent alors, ceux qui voulaient renverser le Souverain. Les autres se turent. Survinrent alors l’arrestation du Souverain et la suite inéluctable des événements… Le Souverain fut assassiné, la Russie se tut…
C’est un grand péché que de lever la main sur l’Oint de Dieu…
La moindre participation à un tel péché ne peut demeurer sans être vengée. Dans la tristesse, nous disons : «Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants». Mais souvenons-nous que ce forfait, perpétré le jour de Saint André de Crète, nous appelle au plus profond repentir… Et notre repentir doit être total, sans aucune auto-justification, sans aucune réserve, dans la condamnation de soi et de toute cette malicieuse entreprise dès ses débuts…
Tous les crimes de la Russie contemporaine sont porteurs, dans une certaine mesure, de la culpabilité du meurtre du Tsar : ceux qui ne furent pas complices l’ont au moins toléré!
Traduit du russe