Le récit ci-dessous, lu sur le site russe «Tsar Nikolaï», est emprunté au n°15, de 1997, du magazine Russkii Palomnik ("Русский паломник"). Ce texte y est signé 'Nina Kartachova'. Il fut traduit, en son temps, de façon légèrement différente, pour être intégré à l'excellent livre de Viktor Loupan «Nicolas II Le Saint Tsar». Depuis la naissance au ciel du Saint Tsar et de sa famille, Notre Seigneur Jésus les a glorifiés et continue à le faire à travers maints miracles. Celui qui est rapporté dans le texte ci-dessous fut manifesté à travers la Sainte Martyre Maria, Grande Duchesse, troisième fille du Saint Tsar Nicolas II, et à travers celui-ci également, de façon moins immédiate à nos yeux humains. Ce récit remémore, accessoirement, l'engagement et le travail généreux de la Sainte Impératrice Alexandra Feodorovna et des quatre Grandes Duchesses, en qualité de «d'infirmières-soeurs de la charité» et de visiteuses dans les hôpitaux organisés dans la capitale et à travers tout le pays, où étaient accueillis et soignés les militaires russes blessés au front.
De façon récurrente, chaque année, pendant plus de dix ans, je souffrais de pneumonie. A l’époque, j’étais déjà mariée, mais ma chère et inoubliable babouchka n’était déjà plus de ce monde. Ce printemps-là, la maladie survint après que je me fus trouvée à plusieurs reprises dans les courants d’air. J’étais très accablée. Je supportai les douloureux maux de jambes, jusqu’à ce que j’en tombe. C’était le jour anniversaire de la naissance de l’Empereur nouveau martyr, le 19 mai. Ce jour est souligné dans mon journal. Mais à ma grande tristesse, j’étais complètement seule à la maison ; mon mari était parti en voyage d’affaire, ma famille habitait loin. Je ne pouvais compter sur l’aide de personne. Pourtant, j’avais besoin d’aide ; je n’étais pas même capable de me lever si on sonnait à la porte. Je sentais sur moi un poids sans vie, mortel, terrible. Mon esprit perdit toute force, je lâchai prise. Je tremblais à cause de la fièvre, j’avais soif.
Le lendemain matin, je me sentais mieux lorsque je m’éveillai. Je sentis une odeur de lilas et entendis à travers la fenêtre les oiseaux chanter. Je n’avais quasiment plus de fièvre. Une couche supplémentaire me protégeait, outre la couverture: une vielle capote d’officier ornée d’aigles! Seigneur! Mais d’où venait-elle?
Une jeune fille qui devait être âgée d’environ dix-sept ans était assise dans le fauteuil et lisait, avec douceur et d’une merveilleuse voix profonde, l’acathiste à Saint Nicolas, dans un cahier que je reconnus immédiatement! (Jadis, quand j’étais une petite fille de sept ans, à la demande de ma babouchka, qui était moniale dans le monde, j’avais recopié cet acathiste dans un certain cahier, pour une tante malade). Je pris peur et criai : «Je délire!». Je ne connaissais pas cette jeune fille. Et personne, pas même notre nièce de Leningrad, s’il lui était venu à l’idée de me rendre visite, ne pouvait être capable de lire l’acathiste à voix haute et en psalmodiant. Et la prononciation de cette inconnue était désuète, comme celle de babouchka ; elle prononçait les «tch» et les «chtch» à la pétersbourgeoise. C’était sûr, je délirais! Mais malgré tout, je demandai :
– D’où vient cette ancienne capote ?
– De Papinou.
– Et qui es-tu ?
– Maria.
– Quelle Maria ?
– Une sœur de la Charité.
J’observai son visage rond et ses grands yeux gris, son apparence digne et humble. Sa robe de couleur bleu clair était simple. Un vase contenait une branche de lilas frais.
– Donne-moi à boire.
Elle avança vers moi avec une tasse de lait chaud. Je demandai :
– C’est quoi, mon délire?
– Dostoïevski a dit que le délire et la folie n’existent pas. Simplement, dans certaines circonstances extrêmes, les gens voient un autre monde.
Je bus le lait. C’était bon, chaud.
– Aujourd’hui, tu vas guérir, définitivement. Papa l’a dit. Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de sa naissance, et après-demain, sa fête onomastique. Veux-tu que je continue à lire l’office?
– Non! Lis autre chose, quelque chose de profane et joyeux, et ensuite, l’office…
Et la voix, roucoulement modulé depuis les notes basses jusqu’aux plus cristallines, me lut l’histoire amusante d’une petite dame au parapluie en dentelles et à la jupe à froufrous. Tchekhov? Impossible de me rappeler ce que pouvait être pareille histoire. C’est seulement plus tard, dans les années ’90, quand fut édité le livre de Nadejda Teffi, que je reconnus le récit !
Après que celui-ci fut terminé, je n’osais plus, je ne sais pourquoi, demander de lire autre chose ; je faisais confiance à ma charitable visiteuse. Elle se leva. A mon chevet était accrochée, et elle y est encore, une icône, reçue de ma babouchka, du Sauveur et de la Très Sainte Mère de Dieu. La jeune fille se tint devant l’icône, et je me mis à genoux sur mon lit :
«Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, sauve-moi et aie pitié de nous, pécheurs. Très Sainte Mère de Dieu, sauve-nous».
Ensuite, je m’endormis. A mon réveil, j’étais fraîche et en bonne santé. Seule dans ma chambre. Mais la branche de lilas, qui n’était pas dans ma chambre avant que je n’y soit alitée, continuait à embaumer. La petite lampe à huile brûlait, alors que je ne l’avais pas allumée.Mais la preuve la plus évidente de ce que moi, la mauvaise, la pécheresse, j’avais été trouvée digne d’une visite de l’au-delà, c’était le chotki de Babouchka! Ce chotki pendait sur l’icône du Sauveur. Et c’était bien ce chotki avec lequel Babouchka avait été inhumée. Les fils de laine verte réunis en pinceau au bout de la croix avaient disparus, décomposés, mais le chotki lui-même était toujours entier. Depuis ce jour, jamais je ne me sépare de ce chotki. Je n’osais raconter cette histoire à personne, de peur qu’on me prenne pour une folle, mais mes proches, et notre prêtre, accordèrent foi à mes propos et priaient avec moi. Ma maladie a complètement disparu, sans aucune séquelle. Je crois sincèrement que j’ai été guérie de cette miraculeuse façon par les saintes prières de ma babouchka. Elle avait une grande vénération pour Saint Nicolas le Thaumaturge et pour les nouveaux martyrs de la Famille Impériale. Nous étions allés deux fois avec elle en pèlerinage dans la ville qui s’appelait encore Sverdlovsk, à la maison Ipatiev.
Traduit du russe
Source.