Entretien réalisé par le correspondant du site Agionoros.ru, au Monastère de la Présentation au Temple à Moscou, à l’occasion de la publication du livre en russe du Métropolite Athanasios de Limassol «Le Cœur ouvert de l’Église», dont la traduction de plusieurs extrait est proposée ici. Le texte russe est sous-titré: L’Église donne réponse aux questions les plus importantes de la vie de l’homme. Voici la seconde partie de l’entretien; la première se trouve ici.
Dans votre livre «Le Cœur Ouvert de l’Église», au chapitre concernant Saint Porphyrios, vous rapportez qu’un moine catholique romain séjourna avec vous à la Sainte Montagne. Or, quelques années plus tard, vous vous êtes prononcé contre la visite à Chypre du Pape de Rome, et lorsqu’il vint toutefois, vous avez refusé de le rencontrer. Où se situe la limite des relations avec les chrétiens de diverses confessions? Sur quel critère pouvons-nous nous orienter?
En qualité de Chrétien, nous devons aimer et respecter tout homme et toute femme. Mais nous ne sommes pas obligés d’avoir pour autant les mêmes croyances qu’eux. Nous avons notre foi propre, nos dogmes, et nous n’y apporterons aucune modification. J’aimerai tout homme, car il est l’image de Dieu. Je n’ai rien contre les papes. Mais quand l’un d’eux vient à Chypre, il ne vient pas en tant qu’homme. Il l’a affirmé lui-même lorsqu’il sortit de l’avion et descendit les marches: ‘Je suis venu à Chypre en qualité de successeur de l’Apôtre Pierre’. Et nous savons très bien ce que cela signifie: le Pape considère qu’il est le représentant du Christ sur terre, qu’il est le principal évêque sur terre, que ses paroles sont celles du Christ, et surtout, qu’il est infaillible. Je ne veux pas rencontrer ce genre de pape. S’il vient me rendre visite à la Métropole, je l’accueillerai, je lui offrirai une place à ma table, je lui donnerai tout ce que j’ai, car j’aime l’homme en lui. Mais je ne crois pas qu’il soit infaillible, qu’il soit évêque et qu’il soit le représentant du Christ. Je considère que le Vatican est source de nombreux problèmes dans le monde car le papisme a chassé le Christ du cœur des gens.
Je vais vous conter une histoire amusante. Nous accueillîmes un jour, avec amour, un moine catholique romain, à la Sainte Montagne. Je le conduisis auprès des gerondas. Alors qu’il séjournait sur l’Athos, le Pape Jean-Paul Ier vint à mourir, et notre hôte en fut très bouleversé. Souhaitant le consoler, je l’emmenai visiter Saint Païssios. Celui-ci calma le moine: «Que veux-tu, le pape était un homme». Le moine catholique romain répondit: «Oui, mais ce pape était un homme très bon. Priez pour que le suivant soit bon». Saint Païssios dit alors: «Ne t’inquiète pas: quel que soit celui qui sera élu, il sera ‘infaillible’».
Cette année, on célèbre les jubilés de trois grands héros de l’ascèse: les 90 ans de Saint Païssios, les 700 ans de Saint Serge de Radonège et les 300 ans de Saint Cosme d’Étolie, l’Égal-aux-Apôtres. Dans les kelias grecques de l’Athos, on peut voir des icônes de Saint Serge, et en Russie, on organise une conférence consacrée à Saint Païssios et Saint Cosme. Que pouvez-vous nous dire du caractère universel de l’Orthodoxie?
Quand j’étais petit enfant, j’ai lu la vie de Saint Serge de Radonège. En Grèce et à Chypre, nous tirons un immense bénéfice de la lecture des vies des saints de la Rus’ de jadis et des nouveaux martyrs. Nous aimons énormément, et nous vénérons beaucoup, Saint Serge de Radonège, comme d’ailleurs Saint Seraphim de Sarov. Nous sentons qu’il est pour nous comme un père. Un Père de l’Église. Ces saints font partie de l’Orthodoxie universelle, qui est l’opposé du globalisme. C’est comme Saint Cosme d’Étolie. Il est notre père à tous. Ce saint a longuement insisté sur l’importance de l’enseignement. Et c’est grâce à son activité que les Balkans ont échappé à l’islamisation. Il construisit des écoles et ensuite des églises. C’était un homme sage, un père du peuple. Les saints sont des pères pour chacun de nous. Nous devons nous efforcer de devenir leurs disciples, et leurs dignes enfants.
Comment ne pas s’abuser soi-même lorsqu’on essaie de s’unir au Christ?
Nous ne devons pas considérer qu’il s’agisse d’une chose compliquée. C’est au contraire très simple. Voici un exemple tiré de l’Ancien Testament: Quand les Hébreux voulurent prendre Jéricho, sur l’ordre de Dieu, ils envoyèrent des espions. Ceux-ci rapportèrent qu’il allait être très difficile de prendre la place; les murailles étaient épaisses et l’armée locale semblait efficace et était de taille importante. Les Hébreux prirent peur. Le Seigneur se mit alors en colère: «Vous imaginez que c’est avec vos armes que vous prendrez la ville? Non, c’est par Mon Nom que vous la prendrez!». Alors, les Hébreux encerclèrent et assaillirent la ville à sept reprises et ils détruisirent toutes les murailles, et ils prirent Jéricho. Dans la vie spirituelle, il en va de même, il ne faut jamais compter seulement sur nos propres forces. On ne peut commencer par guérir et ensuite seulement aller chez le médecin. Il faut faire le contraire. Allez à l’hôpital, le docteur vous guérira, ayez confiance en Dieu. Il ne rend pas notre vie compliquée, il la fait plus légère. Dans ce genre de situation, Saint Païssios disait: «Le Christ, c’est l’air. N’en faites pas du gaz carbonique».
Parfois, dans le contexte d’une sorte de modernisme théologique, les vies des saints sont présentées comme des historiettes, d’aucuns affirment que les écrits des pères comporteraient des erreurs, que l’Évangile serait déformé par l’Église. Qu’en pensez-vous?
J’ai fait la connaissance de Geronda Païssios quand j’étais âgé de dix-neuf ans. Bien entendu, je me posais tant de questions. Plus tard, après avoir vécu côte-à-côte avec Saint Païssios pendant seize années, j’ai compris que tout ce qui est écrit dans l’Évangile et dans les vies des saints est vrai. Pour moi, il n’y a absolument aucun doute à ce sujet. Les Saints sont la preuve de l’Évangile. Pourquoi douterais-je des miracles du Christ, tels que décrits dans l’Évangile, quand je puis les observer chaque jour sur la Sainte Montagne? Un jour, un professeur d’université vint rendre visite à Saint Païssios. Ils s’installèrent et se mirent à converser. Le savant dit qu’il ne croyait pas en Dieu, car il enseignait la physique, et «la science n’aide pas à avoir la foi». Saint Païssios lui répondit: «Même les lézards ont plus de cervelle que toi». Il prit en main un de ces lézards qui pullulent aux alentours et lui demanda: «Dieu existe-t-il?». Et alors, le lézard se dressa sur ses pattes de derrière et hocha plusieurs fois la tête de façon affirmative. Tous ceux qui étaient là peuvent en témoigner. Si de telles choses se produisent à notre époque, pourquoi ne se seraient-elles pas produites hier aussi? Sans les saints, l’Évangile n’aurait pas de preuve. A toutes les époques, l’Église donne naissance à des saints : hier, aujourd’hui, et demain.
Traduit du russe
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