Le texte ci-dessous est extrait d'un très long essai rédigé par Nicolas Obroutchev, écrivain russe de l'émigration, publiciste et collaborateur des «Éditions Panslaves» à New-York. L'essai fut intégré dans le recueil intitulé «Le Souverain Empereur Nicolas II Alexandrovitch» (Государь император Николай II Александрович) publié par les Éditions précitées (Всеславянское издательство) en 1968. La traduction du premier extrait de ce texte est accessible ici. Plusieurs extraits seront présentés afin de proposer un portrait aussi complet que possible du Saint Tsar Nicolas II, basé sur le texte de N. Obroutchev, qui en a annoncé l'objectif: «Le but du présent essai, consacré à la lumineuse mémoire du Tsar-Martyr Nicolas Alexandrovitch, est de révéler Son Portrait authentique, en tant qu'homme, en tant que Chrétien et en tant que dirigeant, sur base des faits historiques et événements véridiques et de l'opinion des hommes justes et intègres qui le connurent de près.»
Le Tsar-Martyr Nicolas II en tant qu’homme.
Éducation et Formation.
Le Tsar-Pacificateur éduqua ses enfants de façon austère, dans une simplicité spartiate. Ils dormirent dans des lits de bois simples, dotés de matelas et oreillers durs. La nourriture, sans excès, était constituée des plats les plus simples : pain noir, kachas diverses, et œufs bouillis formaient le menu de leurs petits-déjeuners. Au déjeuner, pris en commun avec leurs Augustes Parents, les enfants recevaient leur part après que le dernier des hôtes eût été servi. Et dès l’instant où le père se levait de table, les enfants se levaient eux aussi. On exigeait d’eux l’accomplissement strict de leurs obligations et l’observation précise de l’ordre du jour et des occupations prescrites. Chaque matin, ils se levaient à sept heures et prenaient une douche d’eau froide.
Les exceptionnelles qualités de la belle âme du Tsar-Martyr, simplicité, humilité et amour du prochain, furent mal interprétées et considérées comme de la faiblesse de caractère, non seulement par de nombreux étrangers, mais aussi par maints de ses sujets. Toutefois, grâce précisément à ces qualités d’âme, il était doté d’une énorme force morale qui le guida tant dans l’administration du pays que dans sa vie privée, jusqu’à son dernier souffle.
Le Président Français Félix Faure considérait le Souverain Nicolas II comme l’homme le mieux éduqué qu’il lui ait jamais été donné de rencontrer. Dans un passage de ses mémoires, très contradictoires et infestées de mensonges et de méchantes anecdotes, le Comte S. Witte rapporta toutefois avec précision l’opinion du Président Félix Faure. A un autre endroit, il écrivit : «Son Altesse est un homme d’une grande délicatesse, et cette caractéristique combinant délicatesse et éducation extrêmement développée, se manifesta tout particulièrement dès sa jeunesse». L’Empereur Alexandre III prépara son fils à assumer la lourde tâche et l’énorme responsabilité incombant au futur monarque de l’immense Empire de Russie, avec autant de soin et de méthode qu’il avait accordés à la formation et à l’éducation de celui-ci. A travers entretiens et exposés, qu’il dispensait systématiquement à l’Héritier du trône, au sujet des politiques intérieures et extérieures qu’il menait, il le familiarisait avec ses projets de transformation de l’État en fonction des besoins fondamentaux du pays. Autrement dit, dès son jeune âge, l’Héritier du trône reçut une formation professionnelle de futur dirigeant. Cette formation était fondée sur le programme de construction de l’État de Russie élaboré par les monarques russes au cours des siècles et transmis des grands-parents à leurs petits-enfants afin que ceux-ci assurent la continuité de son destin, toujours orienté vers la prospérité de la population toute entière de la Russie et non de certains groupes, segments de la société ou partis politiques, particuliers.
Le 6/18 mai 1884, le Tsarévitch-Héritier ayant atteint l’âge de seize ans, considéré comme l’âge de la majorité pour les membres de la Famille Impériale, prêta au cours d’une cérémonie solennelle, sous l’étendard du Régiment Atamanskii de la Garde Impériale, le serment de fidélité au Souverain Empereur Alexandre II, et à travers la personne de celui-ci, à la Russie, serment auquel il demeura fidèle toute sa vie, jusqu’à son dernier souffle. Dès ce moment, le Tsarévitch-Héritier fut enrôlé pour le service militaire actif. Il entama ce service militaire le 23 juin 1887 en qualité de jeune officier de la Compagnie du Souverain, dans le Régiment de la Garde Preobrajenski. Le 17 juin 1888, il fut nommé Commandant de ladite compagnie. En 1890, il servit dans le Régiment des Hussards de la Garde de Son Altesse Impériale, d’abord comme jeune officier et ensuite en qualité de Commandant de l’Escadron de Son Altesse. En 1891-1892, le Tsarévitch-Héritier servit dans l’artillerie, commandant d’abord une section du Premier Régiment de la Garde à Cheval de Son Altesse, et ensuite la sixième batterie de fantassins de la Garde de Son Altesse.
En décembre 1892, le Tsarévitch-Héritier, âgé de 24 ans, fut nommé colonel [полковник, Polkovnik. Selon de nombreux ouvrages, il s’agissait du grade d’officier supérieur d’État-major le plus élevé selon les règlements militaires en vigueur à l’époque. N.d.T.], et à partir du 1er janvier 1893, il assura le commandement du premier bataillon du Régiment de la Garde Preobrajenski, jusqu’à son accession au trône, le 21 octobre 1894. Il conserva toute sa vie le titre de commandant de ce bataillon ; c’est ainsi que les ordres concernant ce bataillon furent quotidiennement transmis au Souverain-Martyr en sa qualité de Commandant de Bataillon, lui donnant la possibilité de suivre au-jour-le-jour la vie des «Preobrajenskis». (…) Le Page de la Chambre et Major-Général Alexandre Alexandrovitch Zourov commanda à la fin de sa carrière le Régiment de la Garde Semionov. Après sa retraite, en 1908, il devint le secrétaire permanent de la Grande Duchesse Élisabeth Feodorovna, sœur de l’Impératrice-Martyre, et elle-même morte en martyre (…) Il séjournait à la Cour et connaissait les membres de la Famille Impériale et leur parentèle. Et il connut particulièrement bien et de près le Souverain-Martyr qui, lorsqu’il servit au Régiment de la Garde Preobrajenski, fut d’abord son camarade de régiment et ensuite son supérieur direct (…) J’ai moi-même très bien connu le Général A.A. Zourov car je vécus sous le même toit que lui et le côtoyai continuellement pendant les vingt dernières années de sa vie ; il m’accorda son amitié et sa confiance. Au cours de nos conversations, il revenait encore et toujours au thème de la vie des Martyrs Impériaux et me répéta souvent que la simplicité dans les relations avec ceux qui l’entouraient était le trait de caractère le plus saillant du Tsarévitch-Héritier, mais aussi qu’au cours de son existence d’Autocrate de Toutes les Russie, il était toujours vêtu très simplement, c’est-à-dire, de façon formellement stricte, mais sans aucune marque d’affectation. Le Général Zourov me raconta :
«Le Tsarévitch-Héritier ne manquait jamais de se présenter avec ponctualité au Régiment. Mais il ne venait pas faire acte de présence ; il servait réellement et était un officier et un commandant modèle. Ses relations avec ses camarades de régiment, soldats et officiers, étaient toujours amicales et bienveillantes. C’était un véritable père-commandant qui se souciait de ses subordonnés, tant des officiers que des soldats, et même tout particulièrement des soldats, qu’il aimait de tout son cœur russe. Il était attiré par leur simplicité sans artifice, qui correspondait à un des ses propres traits de caractère. Le Tsarévitch-Héritier s’intéressait non seulement à leur alimentation et conditions de vie à la caserne, mais également à leur situation privée, à la vie et aux nécessités de leurs familles. Et il les aidait financièrement».
Un autre camarade, cette fois du Régiment de la Garde Impériale des Hussards de Son Altesse, le Lieutenant-Général Evgueni K. Miller affirmait que l’Héritier prenait à cœur tous les aspects de la vie du régiment, «l’étroite camaraderie, les relations simples et bien définies, amicales en dehors du service et très disciplinées au cours de celui-ci. Mais ce qui lui plaisait particulièrement, c’était la possibilité de se rapprocher des soldats, les hommes simples issus de la profondeur du peuple. Pénétrant dans la vie et l’existence des soldats de la compagnie ou de l’escadron qui lui était confié, observant et étudiant la psychologie du soldat et les relations entre officiers et soldats, l’Héritier retira de son passage dans les quartiers militaires, non seulement un amour profond et sincère pour le milieu militaire, pour l’armée, mais également une vision précise de la dimension spirituelle de la vie en caserne. Le rêve de l’Héritier était de pouvoir commander un régiment. Il souhaitait mettre en pratique ses points du vues à propos des officiers, des soldats, de leurs relations, à propos du service, et des mesures particulières à mettre en œuvre pour inciter les officiers à se rapprocher de leurs soldats». (…)
Le Gouverneur de Kiev Alexis F. Giers, ancien officier du Régiment Preobrajenski, confirme les témoignages des généraux Zourov et Miller, lorsqu’il écrit dans son livre «Au Service de la Russie Impériale» («На службе Императорской России») : «Le Tsarévitch-Héritier faisait le tour, avec le Commandant du Régiment, le Grand Prince Konstantin Konstantinovitch et le Colonel Ogarev (…) des installations de toutes les compagnies et de tous les bataillons. Il visitait les cuisines, goûtait la nourriture, s’informait des avoirs financiers et immobiliers des bataillons, et à la fin du travail au sein de chaque compagnie, les officiers étaient rassemblés et après un déjeuner commun, chacun d’entre eux lui était présenté. Depuis lors, l’Héritier venait quotidiennement au bataillon à l’heure des exercices, observant leur déroulement. Il s’entretenait de leurs détails et de toutes les questions relatives au service avec les commandants de compagnies et les jeunes officiers. Pendant les interruptions, il discutait avec les soldats, et il les étonna par sa connaissance de tous les noms de famille des sous-officiers de son bataillon, ainsi que des provinces dont ils étaient respectivement originaires. Dès le début, l’Héritier accorda une attention particulière aux cours d’alphabétisation des soldats et il s’efforçait de les convaincre de l’importance et de l’honorabilité du titre de soldat comme le rappelait le memorandum qui leur était remis. Quand il assistait aux leçons de maniement d’armes blanches dispensées aux rangs inférieurs, il aimait prendre une arme et prenant un peu d’élan, il fichait la baïonnette au cœur du mannequin. Lors des exercices de tir, il tirait avec les soldats. Il manifestait également son attirance pour le sport, très peu développé à l’époque. L’Héritier remplissait toutes les obligations liées à son rang ; il assurait son tour d’officier de garde de la même façon que les autres commandants de bataillons. En service, il se comportait avec un soin particulier, entraînant les autres par son exemple. Conformément aux instructions du Commandant de Saint-Pétersbourg, en dépit de toute intempérie ou du froid glacial de l’hiver, tard le soir, il faisait la tournée des gardes et pour chaque poste, appelait la garde montante».
En octobre 1891, le Tsarévitch-Héritier, accompagné de son frère, le Grand Duc George Alexandrovitch (qui mourut de la tuberculose à l’âge de 27 ans, en 1899), commença un long périple à l’étranger par un séjour en Grèce, où l’Héritier du trône grec, le Grand Duc George, se joignit aux deux frères. De là, le croiseur cuirassier «Mémoire d’Azov» les emmena, par le Canal de Suez, vers un long voyage en Orient. Le Tsarévitch visita à cette occasion l’Égypte, l’Inde, Ceylan, Singapour, Java, le Siam, Saïgon, Hong-Kong et le Japon, où il séjourna à Nagasaki, Kyoto et Tsou, où il fut victime d’un attentat au sabre, reflet de l’hostilité envers la Russie qui régnait au Japon, qu’entretenaient les milieux dirigeants de Grande Bretagne et d’autres grandes puissances, et qui finirait par déboucher sur la guerre russo-japonaise. Seule l’intervention instantanée et décidée de l’Héritier du Trône de Grèce, permit d’éviter que l’attentat ne conduisît à la mort du Tsarévitch; d’un coup de canne, George amortit le coup de sabre qui ne put occasionner qu’une blessure assez superficielle, dont la cicatrice demeura visible pendant toute la vie de l’Héritier Nicolas Alexandrovitch, qui conserva tout son calme au moment de l’attentat et par la suite.
En mai 1892, le Tsarévitch arriva à Vladivostok. Le 19 mai, il posa la première pierre de la gare des chemins de fer, gare terminale de la ligne transsibérienne, qui unit la Russie d’Europe au port russe du rivage de l’Océan Pacifique. La construction de cette ligne fut achevée pendant le règne de l’Empereur Nicolas II. Le Tsarévitch rentra alors à Saint-Pétersbourg par la voie terrestre. Ce périple élargit considérablement l’horizon intellectuel de l’Héritier.
A côté de son service militaire, le Tsarévitch se familiarisait avec la pratique des affaires de l’État, participant scrupuleusement à toutes les séances du Conseil d’État de l’Empire de Russie et aux séances de la Commission des Finances de celui-ci, qu’il présidait. Il recevait les ambassadeurs des puissances étrangères et s’employait à la collecte de fonds, en sa qualité de Président de la Commission d’Aide aux Victimes des Pénuries, créées par de mauvaises récoltes. Il y consacra des sommes importantes issues de ses propres ressources.
Suite à sa formation et son éducation conforme à la tradition qu’il avait pleinement intégrée, Le Tsar-Martyr Nicolas Alexandrovitch fut l’incarnation de l’homme russe idéal, tel que le dépeint l’éminent écrivain russe Ivan Chmeliov : «Russe est celui qui jamais n’oublie qu’il est russe. Et qui connaît sa langue natale, la grande langue russe, donnée à ce grand peuple. Et qui connaît son histoire, l’histoire russe, ses pages de grandeur. Et qui vénère les héros de la terre maternelle. Et qui connaît la littérature maternelle, la grande littérature russe, glorifiée de par le monde. Et qui infatigablement se souvient : toi, tu es pour la Russie, seulement pour la Russie ! Et qui croit en Dieu, et qui est fidèle à l’Église Orthodoxe russe : Elle nous unit à la Russie, à notre glorieux passé. Elle nous conduit vers le futur. Elle est notre guide, éternel et fidèle». (A suivre)
Traduit du russe