Le texte ci-dessous est traduit du recueil intitulé «Miracles des Martyrs Impériaux» («Чудеса Царственных Мучеников»), de l'Archiprêtre A.I. Chargounov, (photo ci-contre) maître de conférences à l'Académie de Théologie de Moscou. Ce recueil, dont l'envoi fut rédigé par Sa Sainteté Alexis II, Patriarche de Moscou et de toute la Russie, fut publié en 1995.Le court récit ci-dessous est rapporté parle Comte Dimitri Sergueevitch Cheremetiev, officier d'ordonnance auprès du Tsar Nicolas II. Les interruptions, notées par (...) dans le texte, existent dans l'original russe du recueil de l'Archiprêtre Chargounov, qui a composé son document à partir des «Mémoires du Comte S.D. Cheremetieff» ("Мемуары графа С.Д.Шереметева")
Cette histoire se déroula à l’époque de la Grande Guerre, en l’année 1915. L’Empereur Souverain, accompagné de l’Impératrice Alexandra Feodorovna et de leurs Augustes enfants, séjournait alors à Sébastopol (…)
Le Souverain aimait, lorsqu’il avait terminé de prendre son petit-déjeuner, effectuer de longues randonnées en automobile dans les environs de Sébastopol (…). Un jour, sans l’avoir annoncé, il se rendit en compagnie de l’Impératrice au Monastère Saint Georges. Auparavant, année après année, il lui était arrivé d’y rendre de fréquentes visites, mais cette fois, personne au monastère n’escomptait sa venue. L’higoumène et les frères furent à la fois ébahis et enchantés de la visite des leurs Altesses (…)
Nous pénétrâmes dans l’église et le molieben commença. Les voix élégantes des moines modifièrent instantanément l’atmosphère : c’était comme si nous entrions dans un golfe paisible après la tempête. Tout était prière, tout était calme et nous imprégnait. Soudain, au-delà des portes, de très petite taille, de l’église retentit un bruit inhabituel, de conversations tonitruantes, un affairement étrange, bref, quelque chose ne correspondant pas au sérieux du moment, ni aux règles monastiques en matière de comportement. Étonné, le Souverain tourna la tête. Agacé, il fronça les sourcils et me fit signe d’approcher. Il m’envoya m’enquérir de ce qui se produisait et d’où provenaient cette agitation incompréhensible et ces chuchotements.
Je sortis de l’église et voici ce que m’expliquèrent les moines qui se trouvaient à l’extérieur: le monastère surplombait à droite et à gauche des escarpements rocheux. Deux ermites du grand schème vivaient reclus dans ces falaises. Les moines du monastère ne les avaient jamais vus mais savaient juste qu’ils vivaient là du fait que le matin, on constatait que la nourriture qu’on leur avait déposée au bord d’un étroit sentier, avait été emportée par des mains invisibles.
Et voici qu’un événement inouï venait de se produire, saisissant tous les moines de la communauté : les deux starets revêtus du grand schème s’élevaient paisiblement le long d’une étroite échelle de bois qui semblait monter de la mer. Il était impossible que qui que ce soit les ait prévenus de la présence du Souverain au monastère puisque l’higoumène et les frères eux-mêmes n’avaient pas été avertis de cette visite que l’Empereur avait décidée de façon impromptue. Voilà l’origine de l’agitation régnant parmi les moines.
Je fis mon rapport au Souverain et constatai que cet événement l’impressionnait, mais il ne répondit rien et le molieben se poursuivit. Lorsqu’il fut achevé, l’Empereur et l’Impératrice vénérèrent la Croix et conversèrent quelque peu avec l’higoumène. Ils sortirent alors de l’église et se retrouvèrent dans la cour (…)
A l’endroit où dépassait l’échelle de bois se tenaient deux vieux startsy. L’un portait une longue barbe blanche et l’autre une barbiche menue. Lorsque l’Empereur se fut approché, tous deux firent devant lui une grande métanie. Visiblement ému, le Souverain demeura silencieux, mais fit à son tour une grande métanie devant les starets.
(…) Aujourd’hui, réfléchissant à ce qui s’était passé, je pense que les deux starets du grand schème avaient vu, avec l’œil de leur cœur, le sort qui attendait la Russie et la Famille Impériale, et ils offrirent leur grande métanie à celui qui était non seulement le Souverain Empereur Nicolas II, mais aussi au Grand Martyr de la Terre de Russie.
Depuis longtemps je vis ici, en réfugié. Voici de nombreuses années, j’ai entendu quelqu’un, dont la fiabilité ne peut être mise en doute, dire que le Souverain racontait que lorsque son navire, le «Chtandart» voguait à proximité du Monastère Saint Georges, il se tenait sur le pont supérieur, et de là, il apercevait au loin sur les rochers de la côte, comme de petites statuettes de moines qui à renforts de grands signes de croix bénissaient sans relâche l’Empereur jusqu’à ce que le navire ait disparu de leur vue.
Source
Traduit du russe.
PS: Le texte original de ce récit a également été repris dans le recueil Les Martyrs impériaux dans les mémoires de leurs fidèles sujets : «Царственные мученики в воспоминаниях верноподданных. — Сретенский монастырь; «Новая книга»; «Ковчег», 1999».