Agionoros.ru a mis en ligne une série de textes concernant des ascètes contemporains. Plusieurs de ces textes concernent Geronda Seraphim (Dimopoulos), dont une biographie fut publiée en 2011 : «Père Seraphim Dimopoulos (1937-2008). Un ascète dans le monde contemporain» («Πατήρ Σεραφείμ Δημόπουλος (1937-2008) Ένας ασκητής στον συγχρονό κόσμο»). Les textes publiés par Agionoros.ru ne sont pas extraits de ce livre, mais ont plutôt pour objet d’apporter un éclairage complémentaire. Voici la troisième partie de la série. Les premières parties se trouvent ici.
Missionnaire et bienfaiteur
En 1965, le Métropolite Irénée de Kissamos et Selinos l’ordonna diacre, et un an plus tard, prêtre. Et lorsqu’il reçut la tonsure, il fut nommé Seraphim, en l’honneur de Saint Seraphim de Sarov. Le souhait de prêcher la parole de Dieu poussa le Père Seraphim jusqu’en Allemagne qui faisait partie d’une éparchie dirigée par l’Évêque Irénée, celui-là même qui l’avait ordonné. Le Père Seraphim y œuvra tel un pasteur zélé et plein d’abnégation, offrant au fidèle une puissante aide spirituelle.
En 1978, le Père Seraphim partit en Afrique où il enseigna la Parole évangélique de l’amour à la population indigène. Quand il revint en Grèce, il desservit une paroisse de la ville de Karditsa. Il y fonda également un orphelinat. Installé ensuite à Larissa, le Père Seraphim continua à soutenir les missions orthodoxes, rassemblant pour elles des denrées, des médicaments et des ustensiles d’église. Il convertit à l’Orthodoxie plus d’un millier d’immigrants et un grand nombre de prisonniers incarcérés à la prison de Larissa. Incapable de demeurer insensible à la misère humaine, tant spirituelle que matérielle, il s’efforçait d’offrir de l’aide aux nécessiteux. Quand il arriva à Larissa pour la première fois, en 1969, il établit ses quartiers au premier étage d’une maison particulière tout à côté de l’église Saint Athanase. Outre son labeur pour les missions, il assuma une seconde «obédience» : élever des poules et des poulets afin de pouvoir distribuer leurs œufs et leur viande aux pauvres. Au bout de quelques années, le Père Seraphim déménagea vers un autre quartier où il organisa immédiatement la construction d’un orphelinat à côté de l’église des Saints Pierre et Paul. Plus tard, il offrit l’immeuble au Ministère des Affaires Sociales. Il fonda également à Larissa la société «Saint Jean Chrysostome». L’activité caritative et sociale qu’il mit en œuvre à l’aide de quelques collaborateurs prit une ampleur impressionnante, tout en demeurant discrète. Il ouvrit une seconde maison d’accueil, cette fois pour les enfants de familles pauvres. Et outre le gîte et le couvert, il leur offrait la nourriture spirituelle. Une autre de ses réalisations fut la création du jardin d’enfants «Les Hirondelles», qui accueillait, à côté des petits Grecs, les enfants d’immigrants qui embrassaient l’Orthodoxie, suite à l’activité pastorale de Geronda Seraphim.
Pendant de nombreuses années, Geronda édita le journal «Témoignage Chrétien», et quarante huit ouvrages spirituels sont dus à sa plume. Pendant cinq ans, Geronda rassembla méticuleusement du matériel pour son livre «Saint Seraphim de Sarov», édité pour la première fois en 1967 à Chania, en Crète, grâce auquel le Saint russe acquit une grande notoriété en Grèce. Une large portion du tirage fut distribuée gratuitement. Quant aux exemplaires vendus, leur prix permettait tout juste de couvrir les frais d’édition. La maison où vivait Geronda était jouxtée par un petit entrepôt, que le saint homme convertit en une bibliothèque d’ouvrages spirituels.
Régulièrement, Geronda rendait visite aux prisonniers, leur apportant des objets et aliments généralement rares dans une prison. Un jour, des passants ébahis le virent transporter sur son dos un gros sac bourré de paquets de cigarettes. Geronda Seraphim ne fumait évidemment pas, et c’est à la demande expresse des prisonniers qu’il leur apportait ces cigarettes. Il s’efforçait de conquérir leur confiance, afin de pouvoir leur parler du Christ. Progressivement, il parvint à leur prêcher la Parole de Dieu, à les confesser, à célébrer la liturgie dans la chapelle de la prison, et à donner aux prisonniers la possibilité de recevoir les Saints Dons du Christ. Un jour, un prisonnier connu pour sa violence renversa sur le Père Seraphim un seau d’eau bouillante, mais celui-ci ne dit pas un mot.
Souvent, il aidait les familles pauvres, leur envoyant secrètement de l’argent et des victuailles. Un jour, quelqu’un lui apporta cent euros pour les missions en Afrique. Geronda répondit :
– Nombreux sont ceux qui veulent donner de l’argent pour les missions à l’étranger alors que leurs voisins ont faim. Dans le seul hameau d’Abelonas, une, deux, trois… cinq familles entières souffrent de la faim.
– Geronda, de qui s’agit-il ? Jamais je n’ai entendu parler de ces gens !
– Si tu cherches un peu, tu trouveras toujours quelqu’un qui a besoin d’aide.
Le Père Seraphim envoya sept grandes cloches pour une église au Zimbabwe. Il envoyait régulièrement de l’aide pour les missions : des caisses de nourriture, de vêtements, des sacs de farine. Et il faisait parvenir des ustensiles et livres liturgiques aux communautés orthodoxes du Sud de l’Albanie, persécutées par le pouvoir en place.
Fol en Christ
De temps à autre, Geronda agissait étrangement. Il voulait vraisemblablement ralentir de la sorte le flux sans cesse croissant de ceux qui venaient lui rendre visite. A la louange et la célébrité, il préférait l’humiliation et l’oubli. En plus de son apparence extravagante (toujours échevelé, les lacets de ses chaussures jamais noués), Geronda avait l’habitude de placer la main, ou une boîte d’allumettes, devant son visage, afin de dissimuler celui-ci au regard de ses interlocuteurs. Un jour, il fut invité à un repas solennel, au siège de la Métropole de Larissa. Il avait coutume de ne jamais participer à ce genre d’événement, mais pour une fois, il accepta l’invitation. Son apparence ébouriffée attira l’attention des prêtres qui prenaient part au repas. Alors Geronda prit une cuillère et s’en servit pour faire semblant de se peigner et se rendre présentable, et s’y mira comme s’il s’était agit d’un miroir. Et il se mit à faire des grimaces, singeant ceux que la vanité habite.
Un jour, il demanda à un prêtre connu pour son avarice de lui acheter un billet d’autobus pour Larissa. Troublé, le prêtre acheta le billet, à contrecœur, et lorsque le bus apparut, Geronda Seraphim se leva et dit : «Et bien, non, finalement, je crois que je vais y aller à pieds». (A suivre)
Traduit du russe
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