Vladika Tikhon : Tous connaissent mon numéro de téléphone.

L’Évêque Tikhon (Dorovskikh) dirige l’Éparchie de l’Extrême Orient depuis un peu moins de six ans (22/23 janvier 2011). Parmi les moyens de contact, sur le site de l’Éparchie, on trouve son email personnel. Une telle ouverture se justifie-t-elle de la part d’un hiérarque ? Quel en est le résultat ? L’entretien mené par le magazine Pravmir avec Vladika Tikhon, nous informe sur la vie des Orthodoxes à Sakhaline et dans les Kourilles, sur les problèmes qu’y rencontrent les prêtres, sur l’éducation chrétienne, et bien d’autres choses. Le texte russe de l’entretien a été publié le 26 décembre 2012 sur le site Pravmir.ru. Première partie de l’entretien.

«Où ça ? Mais dans l’église!»
Vladika, vous avez grandi dans une famille extraordinaire. Vos frères sont métropolite et higoumène! Comment furent éduqués les trois soldats du Christ? Quelle était l’atmosphère à la maison ? Quelle était la relation avec l’Église ? Il est devenu difficile, de nos jours, de faire des enfants des croyants et des hommes d’église. Comment cela s’est passé chez vous ?
C’est vrai, j’ai grandi dans une famille extraordinaire. Et cette dimension ne dépendit pas de nous, les enfants, mais bien des parents et des grand-mères. La guerre nous prit, à mes frères et moi, nos deux grands-pères. Mais les deux babouchkas élevèrent leurs enfants, nos parents, dans la tradition et la culture de l’Orthodoxie. Nous fûmes éduqués, vraisemblablement, comme tous le furent à l’époque soviétique. Je n’ai pas peur du mot «soviétique». Cette période fait partie de notre histoire et est liée à différents éléments. Nos parents travaillaient, comme tout le monde ; papa comme serrurier et maman dans une entreprise chimique, toute sa vie. C’était simple, le matin ils partaient travailler et le soir ils nous éduquaient comme ils pouvaient, essayant autant que l’époque le permettait de nous donner des occupations «de jeunes». Je me rappelle qu’alors la paie était répartie en une avance, et plus tard le solde. Avant de recevoir le solde, ils sortaient de l’avance dix ou quinze kopeks qu’ils plaçaient sur le téléviseur, pour le pain. Mais cela ne signifie pas qu’on vivait mal ou bien ; nous vivions normalement. L’atmosphère était toute ordinaire, je dirais une atmosphère chrétienne. Chaque action des aînés, surtout des grands-mères, était envisagée en fonction de l’éternité, c’est-à-dire en fonction de l’absence ou de la présence du péché. Au début du Grand Carême et avant l’entame de l’année scolaire, nous devions aller à l’église, nous confesser et recevoir la Communion. C’était obligatoire, sans compter les autres fêtes liturgiques auxquelles nos parents s’efforçaient de nous emmener. Je me souviens que le dimanche, tous ensemble, la famille au complet, nous quittions l’appartement. La voisine aussi était croyante, une femme très digne, mais comme tout le monde, elle avait ses faiblesses : elle était curieuse. Ainsi, elle se demandait où nous partions ainsi, et elle m’interrogea. Je lui répondis, comme toujours, honnêtement : «Où ça? Mais à l’église!», sans comprendre qu’il n’était pas toujours possible, ni utile, de répondre à de telles questions. Vous affirmez qu’aujourd’hui, il est malaisé d’amener les jeunes à l’église et d’en faire des croyants comme cela se produisit dans ma famille. Si cela se produisit chez nous, ce fut, comme je l’ai déjà mentionné, grâce à nos parents, pas de notre fait. Nos parents s’évertuaient à mener une vie chrétienne et cela nous a été transmis. Les enfants sont comme des éponges, ils absorbent tout, le bien comme le mauvais. Read more