Pravoslavie.ru a repris dans une adaptation russe,le 22 mars 2017, un texte du Métropolite Hiérotheos de Naupacte, publié initialement en grec dans le numéro de février 2017 de la Revue Parembasis, de l’Éparchie de Naupacte et Saint Blaise. Le titre de l’adaptation russe, plus explicite, mais plus long, que celui de l’original grec, est «Dans les questions ayant trait à la foi, il est inadmissible de s’en tenir seulement aux règles de la diplomatie».
Souvent, au cours de rencontres de natures diverses et même lors de synodes ecclésiastiques, résonne l’opinion selon laquelle «afin de préserver l’unité», il est nécessaire de s’en tenir à une forme de consensus, au sujet de l’un ou l’autre point de débat, même si des avis très divergents ont été avancés. Et il arrive que ces mêmes autorités synodales dans lesquelles siègent les mêmes personnages, adoptent des décisions qui se contredisent entre elles, justifiant ces positions par la «nécessité de l’unité», «la préservation de l’unité». Certains hiérarques et acteurs dans le domaine ecclésiastique développent une politique consistant à affirmer qu’ils lutteraient pour l’unité de l’institution en s’opposant, artificiellement, à d’autres qui, eux, ne s’empresseraient pas de sauvegarder l’unité.
Nous affirmons d’emblée que l’unité de la société et de l’Église constitue évidemment un objectif vers lequel tous nous devons tendre. Et particulièrement au sein de l’Église, tous, nous devons aspirer à l’unité, car l’unité nous fut donnée le jour de la Pentecôte. Le Kondakion de cette fête nous le rappelle fort bien: «le Seigneur du haut des cieux dispersa les nations; mais en partageant les langues de feu, Il invite tous les hommes à l’unité…». Il s’agit de l’œuvre de l’Esprit Saint qui agit en l’Église. L’unité de l’Église est donc l’expérience vécue lors de la Pentecôte; voilà ce qui explique l’existence du concept théologique de l’unité des Apôtres et des Pères de l’Église. Il convient toutefois de se rappeler que l’unité existe également entre ceux qui font le mal, qui forment des organisations criminelles, vouées à nuire à la société et à la diviser. Ces gens veillent à leur unité car elle leur permet d’accomplir leurs funestes desseins sans courir de risque. Ainsi donc, ce n’est pas l’unité qui constitue le but final, mais bien la conjugaison de l’unité et de la vérité.
Quand nous célébrons la Divine Liturgie, nous disons : «Ayant demandé l’unité de la foi et la communion du Saint Esprit, confions nous nous-mêmes, les uns les autres, et toute notre vie au Christ notre Dieu». Dans le langage de l’Église, l’unité ne correspond pas à un concept abstrait, à une catégorie absolue ; elle est indissolublement liée à la foi. L’unité est une unité de foi, comme Dieu et les saints le révélèrent, une unité liée à la «Communion du Saint Esprit» et qui, sans aucun doute, exige de consacrer toute sa vie au Christ. Cette unité est bénie de Dieu, à la différence de toute forme d’«unité» qui rassemble les hérétiques et qui repose sur la spéculation rationnelle et la guerre contre les enseignements de l’Orthodoxie.
Dans sa lettre aux Éphésiens, l’Apôtre Paul conseille aux Chrétiens de s’efforcer d’observer une unité d’esprit, liée à un seul Dieu et Seigneur, à l’unité de la foi et à un seul baptême. Voici ce qu’il écrit : «…vous efforçant de conserver l’unité de l’esprit par le lien de la paix. Il y a un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation ; il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, et parmi tous, et en tous» (Éph. 4,3-6). L’unité de la foi est liée à un seul Seigneur, à une seule foi, un seul baptême, un seul corps et un seul esprit. Plus loin, l’Apôtre Paul parle de l’unité dans la déification : «Et il a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs, pour le perfectionnement des saints en vue de l’œuvre du ministère et de l’édification du corps de Christ, jusqu’à ce que nous soyons tous parvenus à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme fait à la mesure de la stature parfaite de Christ» (Éph. 4, 11-13). Ceci signifie que l’unité de foi est liée à la connaissance du Fils de Dieu et a pour but la perfection ; l’homme doit atteindre la stature et la plénitude du Christ, c’est-à-dire, la theosis, la déification.
Il s’agit précisément de la démarche adoptée par les Pères de l’Église. Ils s’efforçaient de préserver l’unité de l’Église fondée sur la foi telle que révélée, chassant de l’Église les hérétiques qui, par leurs enseignements mensongers, portaient atteinte à l’unité de l’Église. C’est l’hérésie, et non la vérité, qui porte atteinte à l’unité. Les hérétiques firent l’objet d’anathème, pour que soient préservées l’unité de la foi et l’unité de l’Église. En éloignant les hérétiques de l’Église, les Saints Pères n’endommagèrent pas l’unité de celle-ci, ils la préservèrent. Toute autre explication n’est rien d’autre qu’une interprétation mensongère des Conciles Œcuméniques de l’Église.
Abba Dorothée liait l’unité des Chrétiens à leur unité de pensée. Ce point de vue fut maintes fois repris par l’Apôtre Paul. Il écrit par exemple aux Chrétiens de Rome : «Que le Dieu de la persévérance et de la consolation vous donne d’avoir les mêmes sentiments les uns envers les autres selon Jésus-Christ, afin que tous ensemble, d’une seule bouche, vous glorifiiez le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ» (Rom. 15,5-6). Et le Saint Apôtre adressa les propos suivants aux Philippiens : «Si donc il y a quelque consolation en Christ, s’il y a quelque soulagement dans la charité, s’il y a quelque union d’esprit, s’il y a quelque compassion et quelque miséricorde, rendez ma joie parfaite, ayant un même sentiment, un même amour, une même âme, une même pensée» (Phil. 2,1-2).
Saint Isaac le Syrien donne un conseil particulier en écrivant ceci : «L’unité spirituelle est une mémoire non-scellée. Continuellement elle brûle dans notre cœur, d’un amour ardent et ce n’est pas de par sa nature, ou suite à une coercition naturelle, qu’elle trouve la force de demeurer dans l’unité, c’est en puisant dans l’observance des commandements». On atteint l’unité spirituelle en observant les Commandements du Christ ; elle enflamme alors le zèle pour Dieu dans le cœur de l’homme.
Dans la société, on parle d’une union entre des points de vue divergents ; c’est précisément l’œuvre du système de la démocratie. Différents centres de pouvoir, différents programmes émanant de partis politiques divers, différentes positions émergeant lors de discussions et débats internes aux partis sont, lorsqu’ils se déploient dans le cadre d’une expression démocratique, le signe d’un consensus réalisé.
Mais il n’en va pas ainsi dans l’Église. L’unité n’est pas la conciliation formelle de diverses positions qui viendraient à s’écarter de la révélation de la foi, et de la Tradition. L’unité est fruit de l’Esprit Saint, communion à l’Esprit Saint, unité de foi.
C’est ainsi qu’au sein de l’Église, nous ne pouvons, «afin de préserver l’unité», aller contre l’ecclésiologie et la théologie orthodoxes, sapant finalement de cette façon les fondements de la foi telle qu’elle nous a été révélée par Dieu. Si quelqu’un vient à s’écarter de la foi, l’union avec lui n’est pas une bonne chose, mais au contraire, celui qui préserve la vérité révélée est en réalité un protecteur de l’unité. Pour traiter des questions de l’Église, il n’est pas admissible de s’en tenir à la diplomatie, de renier sa parole, de changer tout le temps d’avis tout en considérant qu’il s’agirait d’une contribution à la réalisation de l’unité.
Nous vivons une époque au cours de laquelle il ne nous est pas permis de subvertir le sens des concepts, et en particulier celui d’«unité», pour sacrifier à une forme de diplomatie formelle, artificielle et versatile derrière laquelle se dissimulerait la convoitise de bénéfices conjoncturels et personnels.
Traduit du russe et du grec
Sources : Grec, Russe