Texte du Métropolite Hiérotheos de Naupacte, dont la version anglaise a été publiée le 05 janvier 2017 sur le site de la Métropole de Naupacte et Saint Blaise. Il s’agit du texte d’une conférence donnée par Despotes Hiérotheos le 9 avril 1989, second dimanche du Grand Carême, à des étudiants de l’Université d’Athènes. Compte tenu de la longueur du texte, la traduction est proposée en trois parties. En voici la seconde.
2. L’Éducation en Dieu
L’éducation en Dieu consiste en les allées et venues de la Grâce, de toute la connaissance de Dieu et de la vie éternelle qui s’offrent à l’homme qui reçoit des allées et venues de la Grâce incréée. Cette éducation en Dieu est un mystère, car tout ce qui se déploie en l’Église est mystère. Nous nous fondons sur les enseignements des Saints Pères, qui furent «initiés par l’expérience» et reçurent les révélations de Dieu au sujet de ces réalités. L’Ancien Testament et le Nouveau contiennent des passages relatifs à l’éducation en Dieu. Nous n’en ferons pas un usage extensif mais nous citerons toutefois l’Épître de Saint Paul aux Hébreux. En guise d’introduction, nous rappellerons que les Chrétiens, Juifs à l’origine, auxquels s’adresse Saint Paul dans son épître, reçurent la Grâce du Christ et furent, immédiatement après, persécutés par leurs compatriotes. Ils en furent ébranlés, c’est pourquoi l’Apôtre leur adresse cette épître qui souligne certaines vérités, entre autres le fait que la persécution et de façon plus générale la tentation, sont inextricablement liées aux enfants de Dieu. L’entièreté du chapitre douze de cette épître est consacrée à ce mystère de l’éducation.
Cette tentation ne fut pas seulement extérieure; elle fut intérieure aussi. Les premiers Chrétiens étaient confrontés au problème du retrait de la Grâce de Dieu de leurs cœurs, et ils ne pouvaient comprendre cet abandon de la part de Dieu. Ils étaient tout à fait incapables d’interpréter ce phénomène de la vie spirituelle qu’est la participation à la Croix du Christ. Saint Paul veut remédier à cette incompréhension. Nous pouvons dire, conformément aux témoignages de nos saints, que l’Apôtre fait surtout référence à l’éducation en Dieu. Car Dieu œuvre d’une manière incompréhensible pour la raison de l’homme.
Dans les ouvrages des Saints Pères, la vie spirituelle est présentée à travers ses différentes étapes. Ils en distinguent trois: la purification du cœur, l’illumination du ‘noûs’, et la déification. Saint Maxime les nomme «philosophie pratique», «theoria naturelle» et «théologie mystique». Cette distinction trouve son origine chez Aristote et est poursuivie par les Saints Pères, avec toutefois un contenu différent. Dans son examen de la «méthode d’expérience religieuse», le Professeur Panagiotis Christou décrit trois phases distinctes dans la vie religieuse. Aristote a divisé ces phases de la vie religieuse comme suit: éthique, naturelle et théologique. «Dans son excellente méthode métaphorique, Origène dit que le Chrétien acquiert le Christ à travers la méthode pratique, en tant qu’hôte, à travers la méthode naturelle en tant que Roi, et à travers la théologie, en tant que Dieu». Il y a trois étapes dans la vie spirituelle, selon les paroles du Christ: «Je suis la Voie (éthique), la Vérité (nature) et la Vie (théologie)» (Jean 14,6). Évagre définit le Christianisme comme la «doctrine de notre Sauveur Jésus Christ, dans ses étapes pratique, naturelle et théologique». Saint Diadoque de Photiké observe la même distinction, tout comme Saint Siméon le Nouveau théologien (dont ses chapitres étaient divisés en ‘pratique’, ‘gnostique’ et ‘théologique’). Et il en alla de même avec Saint Grégoire Palamas, qui recourait à la distinction: éthique, naturel, théologique.
Toutefois, quand nous étudions les œuvres des Saints Pères, et particulièrement celles des Pères neptiques, nous rencontrons une autre gradation de la vie spirituelle. Elle est plus profonde, sans pour autant abolir les anciennes étapes de la vie spirituelle. Car selon l’expérience de nombreux Saints Pères, la transition d’une étape à l’autre est réalisée à travers l’action de la Grâce de Dieu et la souffrance de la perte de la Grâce, jusqu’à ce qu’elle revienne. Par conséquent, nous observons trois étapes dans la vie spirituelle: la venue de la Grâce, la Grâce se dissimule à l’homme, la Grâce revient dans le cœur de l’homme. Dans leurs œuvres, nos pères théophores font part de cette profonde expérience; voici comment.
Saint Macaire l’Égyptien fait référence à ce processus dans ses homélies spirituelles. Il écrit: «Celui qui entend un mot atteint la componction. Ensuite, la Divine Providence fait diminuer la Grâce, pour le profit de l’homme. Alors celui-ci se livre à des exercices de lutte et d’éducation; il entre en lice et combat satan. Après une longue route, une longue épreuve, il remporte la victoire et devient un Chrétien». Voilà une observation remarquable, qui exprime ce qui a été mentionné ci-dessus. L’éducation est le combat qui se livre lorsque la Grâce a été retirée. Elle présente aussi clairement les étapes de la vie spirituelle, identifiée avec la venue, la diminution et le retour de la Grâce de Dieu. Saint Macaire dit de façon caractéristique que l’homme devient un Chrétien, non pas à travers la componction provoquée par la venue de la Grâce, mais bien à travers le combat qui se déroule ensuite. Alors il acquiert l’expérience et la connaissance de Dieu.
Saint Silouane l’Athonite formule une expérience pareille: «L’Ancien possédait une connaissance empirique du processus spirituel. Il en donnait les trois principales étapes: d’abord, la réception de la Grâce, ensuite, le retrait de celle-ci, et enfin, sa reconquête à travers le combat de l’humilité. Nombreux, ceux qui reçurent la Grâce, non seulement dans l’Église, mais hors d’elle, car en Dieu, il n’y a pas de favoritisme, mais aucun n’a conservé la première grâce, et peu seulement l’ont reconquise. Celui qui ne connaît pas cette deuxième venue, celui qui n’a pas traversé l’épreuve nécessaire à son retour a, essentiellement, une expérience spirituelle incomplète». Saint Silouane était riche de sa propre expérience et d’une bonne pratique de la théorie des écrits ascétiques des Pères de l’Église. Par don de Dieu, non seulement il fut fidèle à la Tradition de l’Église, mais l’expérience des Pères se répéta en lui.
a) La première venue de la Grâce
Dans les textes des Ancien et Nouveau Testaments, nous voyons clairement Dieu se manifestant aux Prophètes de diverses manières. «Après avoir autrefois, à plusieurs reprises et de plusieurs manières, parlé à nos pères par les prophètes, Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé par le Fils» (Hébr.1,1-2). Dieu conclut une alliance avec chaque homme. Il ne veut pas que la connaissance que nous avons de Lui vienne par le témoignage d’autrui. Il apparaît Lui-même et donne Sa connaissance, et l’homme acquiert ainsi son propre témoignage à propos de Dieu. Ce premier contact avec Dieu survient à un moment où l’homme ne s’y attend pas, ou à l’issue d’une recherche douloureuse. Cela peut aussi arriver à un homme qui Le combat. Ce fut le cas de Saint Paul, qui vit Dieu, le Christ Lui-même, lui apparaître et conclure avec lui une alliance particulière, alors qu’il était occupé à Le combattre. Cet état de réception de la Grâce est un état saint. L’âme de l’homme en vient à connaître, faiblement sans doute, Dieu en tant que personne. L’homme comprend alors, avec son cœur, avec son ‘noûs’, comme disent les Pères, que Dieu n’est ni un état abstrait, ni une puissance impersonnelle ou une grande valeur, mais une Personne.
Cette première venue de la Grâce de Dieu, goûtée différemment par chacun, remplit la vie d’expériences intérieures dans le cœur, d’une fête mystique. Saint Diadoque de Photiké écrit qu’«au début, la Grâce illumine souvent l’esprit par la perception de la lumière de la Grâce elle-même». Et ailleurs, il dit encore: «Au début de notre cheminement, pour autant que nous désirions chaudement, ardemment, la vertu divine, l’Esprit Saint fait goûter au ‘nous’ la perception spirituelle et l’assurance spirituelle intérieure de la douceur de Dieu, et ainsi, le ‘noûs’ devient capable de connaître exactement la parfaite récompense des pratiques ascétiques de l’amour pour Dieu».
Avec la première venue de Dieu, nous ouvrons un chapitre d’une vie nouvelle, un chapitre de Grâce. Dieu nous attire vers Lui, et après bien des combats et sacrifices, nous commençons à Le connaître. Nous reviendrons sur ce combat et cette souffrance plus tard. Ici, nous devons noter que cette nouvelle période d’appel de Dieu est un temps de douceur, de joie spirituelle, d’expériences intérieures du cœur. Nombreux sont ceux qui vivent cette atmosphère pascale. Il suffit de mentionner ce témoignage écrit concernant l’état dans lequel Saint Silouane vécut après que le Christ lui fût apparu.«Au moment de l’Épiphanie de Dieu, son existence toute entière fut informée de ce que tous ses péchés lui avaient été remis. Les flammes de l’Hadès qui rugissaient autour de lui disparurent, tout comme l’enfer dont il avait fait l’expérience pendant six mois. Il lui fut donné de vivre une joie spéciale, ainsi que le grand repos de la concorde avec Dieu. Son âme était dominée par un nouveau et doux sentiment d’amour pour Dieu et les hommes, chacun en particulier. La prière du repentir cessa et l’insupportable recherche effrénée de l’absolution, qui empêche le sommeil de clore les paupières, se dissipa. Cela signifie-t-il qu’il pouvait maintenant se laisser tranquillement aller au sommeil? Bien sûr que non. Pendant la première période qui suivit l’Épiphanie, son âme, qui avait pu connaître sa résurrection et voir la lumière de l’existence vraie et éternelle, vécut en une fête pascale. Tout était splendide: le monde était magnifique, les gens, merveilleux, la nature, belle au-delà de toute expression, et le corps était changé, plus léger, plus fort. Les paroles de Dieu donnaient la joie à l’âme, les vigiles dans l’église et surtout les prières dans la cellule, devenaient douces. Débordante de joie, l’âme éprouvait de la compassion pour les hommes et priait pour le monde tout entier».
Il s’agit d’un état que les mots ne peuvent décrire. L’expérience de la Grâce incréée ne peut être contenue dans les mots créés. Seule la personne née à nouveau, la personne initiée par l’expérience, est capable de percevoir cette réalité. Tout est nouveau au cours de cette période. La présence de Dieu est ressentie comme une expérience personnelle, et la personne voit l’essence des êtres dans toute la création. Tout est clair. Les oiseaux et les arbres acquièrent une dimension nouvelle. Tout est vu dans la perspective de l’éternité, dans l’énergie de la Grâce incréée et dans la Lumière incréée. Les problèmes communs à l’humanité ne constituent plus une préoccupation, ni l’opinion d’autrui. La personne est indifférente à l’épreuve ; sa seule préoccupation est la prière et la communion avec Dieu, dans une vie centrée sur l’amour. Et cet amour naquit de la venue de la Grâce. «Béni est celui qui a acquis pareil désir pour Dieu, comme un amant éperdu de sa bien-aimée… Percée par une semblable flèche, quelqu’un dit à propos de lui-même (et je l’admire) que ‘j’étais endormie’, à cause de ma nature, ‘mais mon cœur veillait’, à cause de la puissance de l’amour».
Les passions ne sont pas activées. L’homme «souffre la déification».
La première venue de la Grâce dans le cœur de l’homme est une expérience bouleversante. L’homme ressent toute une vie à l’intérieur de lui-même. Lorsqu’on demanda à Saint Siméon comment on peut savoir que la sainte Grâce est en nous, il répondit que c’était chose toute naturelle. La personne prend conscience de ce qu’elle est devenue le temple de l’Esprit Saint et que la Grâce de Dieu séjourne en lui, tout comme la femme enceinte prend conscience de l’existence de l’embryon dans son ventre. Il ne s’agit pas d’une sensation d’excitation ou d’euphorie, mais plutôt un ressenti de la vie.
Dans cet état, l’homme trouve ce que la Sainte Écriture et les Saints Pères nomment le ‘cœur profond’. Le ‘noûs’ auparavant dispersé, à travers les sens, dans le monde environnant, revient dans le cœur, tout d’abord dans l’organe physique du cœur et ensuite, dans ce que l’on appelle le ‘cœur spirituel’, c’est-à-dire, le centre de l’existence de l’homme. Conformément aux enseignements des Pères neptiques, nous pouvons dire que le cœur est le lieu découvert par l’ascèse, dans la Grâce, et dans lequel Dieu Lui-même est révélé. En réalité, lorsque dans l’Église nous parlons de la personne, nous faisons référence à cet endroit du cœur. Une personne est «la parure intérieure (…) cachée dans le cœur, la pureté incorruptible d’un esprit doux et paisible, qui est d’un grand prix devant Dieu»(1Pierre 3,4). Il est essentiel de trouver ce lieu béni; il en va du salut de l’homme. Quand Abba Pambo fut interrogé à ce sujet, il dit: «Si vous avez le cœur, vous êtes sauvé». A l’intérieur du cœur, que la théologie patristique identifie au ‘noûs’, l’homme est uni à Dieu, comme le dit Saint Grégoire le Théologien: «Dieu uni avec les dieux et se faisant connaître dans le cœur». Le cœur devient alors le temple d’une Divine Liturgie qui ne cesse jamais, et l’homme devient alors vrai prêtre de la sainte Grâce, «clergé spirituel», comme le dit Saint Grégoire le Sinaïte.
L’union du ‘noûs’ avec le cœur est évident, l’homme en reçoit les preuves. En voici trois.
La première est une douleur dans l’organe du cœur, douleur semblable à celle d’une blessure, mais qui provoque un plaisir spirituel, la tranquillité, la paix intérieure. Cette douleur attache le ‘noûs’ à la prière dans le cœur. Cette douleur concentre toute l’existence de l’homme sur cet endroit. Dans cet état, l’homme pense et agit au moyen du cœur. Une foi se développe, qui, selon Saint Grégoire Palamas, est une «compréhension du cœur».
Le flot des larmes de componction est la deuxième indication. Les Saints Pères enseignent que lorsqu’existe le plus grand des états de componction, cela montre clairement que le ‘noûs’ a été uni au cœur. Cette componction est associée aux larmes de joie.
Une troisième indication consiste en ce que la prière se fait par elle-même. La prière incessante n’est pas simplement un mouvement de la raison, mais quelque chose de plus profond. L’homme entend nettement les battements de son cœur physique, et simultanément, très loin sous ce battement, il perçoit une autre pulsation, plus rapide que la pulsation physique. C’est le battement du cœur spirituel. Cela signifie que le cœur spirituel a été découvert. Alors, l’homme est devenu une personne. Car la personne est découverte d’en haut ; c’est la venue du Règne de Dieu dans le cœur. La prière de Jésus est dite de façon incessante, avec cette pulsation. L’homme n’essaie plus de prier, la prière se dit d’elle-même. Elle s’auto-active, durant la veille et le sommeil. Pendant que l’homme dort quelques heures afin de reposer son corps, il sent très bien que son cœur ne dort pas, il prie, conformément aux paroles de Saint Jean Climaque dans son commentaire du Cantique des Cantiques : «Je dors mais mon cœur est éveillé. Je dors à cause de la nature et mon cœur demeure alerte à cause de la puissance de l’amour». Quand il s’éveille, l’homme sent que son corps a dormi, mais il sent aussi clairement que son cœur n’a cessé de prier.
Je souhaite encore mentionner d’autres expériences qui indiquent que l’homme est devenu le temple de l’Esprit Très Saint, alors que la sainte Grâce demeure en son cœur.
Une communion avec Dieu s’établit. Il ne s’agit pas seulement d’un état psychologique ou même d’une simple expérience spirituelle d’une dimension de l’amour physique. C’est une expérience purement spirituelle. L’homme intègre alors ce qu’exprime Saint Maxime le Confesseur quand il dit que Dieu «est amour et aimé», quand Saint Ignace le Théophore appelle le Christ amour (‘eros’) : «Mon amour a été crucifié». Je répète qu’il ne s’agit pas d’un ‘eros’ physique, car il a été précédé par la purification du cœur. En réalité, quand cet ‘eros’ spirituel œuvre, les passions deviennent inactives. L’homme vit un état dépourvu de passion. Il fait l’expérience de Dieu tant au désert que parmi la foule.
Les sens spirituels se développent ; sens noétique, vision noétique, audition noétique. Le ‘noûs’ tout entier est concentré dans le cœur et de ce fait, il accomplit l’unification de l’existence de l’homme. Celui-ci réalise pleinement qu’il est ‘né à nouveau’. Il ressent une chaleur en son cœur, tant dans le cœur physique que dans le spirituel. C’est cette même expérience que firent les Disciples sur la route d’Emmaüs, et à propos de laquelle ils dirent : «Notre cœur ne brûlait-il pas au dedans de nous, lorsqu’il nous parlait en chemin et nous expliquait les Écritures?» (Luc 24,32). Cette chaleur ravive toute l’existence de l’homme, elle le nourrit et lui donne vie.
Une profonde paix s’installe dans la pensée. Au cours du processus de purification, le ‘noûs’ rejette en permanence tous les éléments étrangers qui jusqu’alors la recouvraient, comme des écailles. Elle en devient plus légère et trouve toujours refuge dans le cœur, où souvent elle entend la voix de Dieu. Dieu lui parle et lui révèle Sa volonté, dans son cœur. On peut parler d’une connaissance personnelle, d’une connaissance spirituelle de Dieu.
Toutefois, il ne s’agit pas d’un flux de joie émotionnelle. La joie spirituelle est intimement associée au deuil spirituel. Les Saints Pères recourent à un terme particulier pour exprimer cela, et qui signifie ‘joie-tristesse’ : «χαρμολύπη». Malgré la certitude de l’existence de Dieu, malgré la sensation de la présence de Dieu et de Son amour, l’homme éprouve simultanément un profond repentir. Il s’agit du moyen qui assure que cette joie est pure et vraie. Le ‘noûs’ étant entré dans le cœur, il voit d’une part l’amour de Dieu et d’autre part sa propre impureté, car évidemment, la sainteté de l’homme ne peut être comparée à la sainteté de Dieu. Dès lors, il se plonge souvent dans les lamentations. Cela peut s’exprimer physiquement, mais aussi et surtout à l’intérieur du cœur. Il sent son cœur verser des larmes, pleurer. Et toutes ces larmes purifient le cœur des péchés et des passions. Dans une pareille vie intérieure, l’homme voit l’essence de tous les êtres dans toute la nature ; les enseignements des Saints Pères nous apprennent en effet que la nature n’est pas régie seulement par des lois naturelles mais aussi par des raisons incréées. L’homme voit alors tout de manière différente ; il ressent qu’il a acquis un nouveau sens de la vie. Il (?) autrement les textes des Saintes Écritures et des Saints Pères. Il a de nouveaux yeux, une perception nouvelle. Même une brève lecture transfuse alors du sang de vie dans le cœur.
A ce stade, les passions n’agissent plus. L’homme vit une nouvelle naissance. En même temps, ceux qui l’entourent éprouvent une irrésistible soif de mépris. Mais ce mépris ne l’attriste pas ; en fait, il l’aime et le recherche.
Saint Basile le Grand analyse ce puissant et irrésistible désir qu’éprouvent ceux que la Grâce de Dieu habite, et il dit, de façon caractéristique : «Bénis sont ceux qui aiment voir la vraie beauté ; s’y étant attachés au moyen de l’amour, et aimant l’amour céleste et béni, ils négligent famille, amis, maison et possessions ; ils négligent même leur besoin physique de nourriture et d’eau, et ils s’attachent au seul amour pur et divin». (A suivre)
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