Saint Jean de Kronstadt a prononcé entre 1896 et 1901 l’homélie ci-dessous, à l’occasion de la fête de Saint Nicolas le Thaumaturge, Evêque de Myre en Lycie. Le texte russe original est repris aux pages 226 à 228 du recueil «Je prévois la Restauration d’une Russie puissante» (Я предвижу восстановление мощной России) publié en 2012 aux éditions de l’Institut de la Civilisation russe à Moscou.
En l’honneur du Saint Évêque Thaumaturge Nicolas, je veux vous parler de la grandeur de la nature humaine, créée à l’image et à la ressemblance de Dieu, dotée de la raison, et libre. Le Saint que nous fêtons en ce jour est un exemple frappant et durable de la grandeur de la nature humaine habitée par la grâce. Pendant quasiment quinze siècles, la mémoire de Saint Nicolas fut largement glorifiée en tous les coins de l’univers, elle fut glorifiée ainsi à juste titre, en raison des vertus suprêmes dont Dieu orna son élu pendant que celui-ci vivait sur cette terre, vertus qui firent sa gloire et continueront à la faire jusqu’au bout. Il était un homme à la foi droite, un orthodoxe, grandes étaient ses vertus : douceur, humilité, gentillesse, simplicité. Il compatissait avec tous. Il s’enflammait pour la parole de Dieu, pour la juste foi, pour les âmes de ses contemporains. Son courage était imbattable lorsqu’il s’agissait de défendre la foi, de souffrir pour elle. Il déployait une sagesse inébranlable. Il tournait en permanence son esprit vers Dieu, et les passions humaines n’avaient pas de prise sur lui. Voilà un exemple de grandeur de la nature humaine dans son état de grâce. Cette grandeur, donnée par Dieu à Saint Nicolas, est reconnue de tous, même des mécréants, des non-Chrétiens, Musulmans, Juifs et autres païens. Tous les pieux Chrétiens la ressentent. Saint Nicolas emplit tous les coins de la terre de ses miracles bienfaisants ; il vient à l’aide de tous ceux qui font intensément appel à lui. Il se hâte réellement de venir à l’aide et de prier pour les âmes des Chrétiens, et même pour celles des non-Chrétiens qui font appel à lui avec simplicité de cœur. Voilà pourquoi Saint Nicolas est le plus invoqué et le plus vénéré des Saints du Christ. Il est un véritable participant de la nature divine, uni à Dieu pour les siècles des siècles, selon l’expression du Saint apôtre Paul : «Celui qui s’attache au Seigneur est avec lui un seul esprit» (1Cor. 6,17). Ainsi, appelé partout, il se hâte d’apporter partout l’aide céleste, divine, en tous coins de l’univers, aidant tout un chacun, guérissant, délivrant des malheurs et des fléaux.
Et tous nos saints, glorifiés par Dieu, sont grands, eux aussi, chacun à sa manière : «Autre est l’éclat du soleil, autre l’éclat de la lune, et autre l’éclat des étoiles; même une étoile diffère en éclat d’une autre étoile » (1Cor 15,41). De même, parmi les saints, certains sont glorieux, d’autres plus glorieux encore. Glorieux sont les apôtres, mais Pierre et Paul sont les plus glorieux d’entre eux, et Saint Jean le Théologien est glorifié en tant qu’évangéliste, ami du Christ, et vierge. Glorieux sont les saints évêques, mais les premiers d’entre eux sont ceux des premiers siècles : Saint Jean Chrysostome, Saint Basile le Grand et Saint Grégoire. Glorieux sont les martyrs, mais les premiers d’entre eux sont Saint Etienne le Premier Martyr, Saint Georges le Mégalomartyr, Saint Dimitri le Myroblyte, Saint Théodore Tiron et Saint Théodore le Stratilate ainsi que les Saintes Martyres Thècle, Catherine et Parascève. Gloire à Dieu qui a magnifié notre nature dans le chœur des saints et nous a donné en ceux-ci des exemples dignes d’imitation en termes de justesse et d’ardeur de la foi, d’amour brûlant et invincible pour le Seigneur, de courage et de patience dans les souffrances endurées pour la foi, dans l’élévation de l’âme, dans la renonciation aux appréhensions et aux peurs humaines, entre autres, face aux maladies et afflictions. Jusqu’à la dernière extrémité, ils ont offert en sacrifice leur vie à Dieu.
Voilà des exemples montrant à tous comment croire de façon juste et ferme, comment vivre pour la foi, et mourir pour la foi. Comparons leur foi, leur vies, leur patience, leur fermeté dans les vertus avec notre vie, avec nos mœurs… que voyons-nous ? Quelle différence ? C’est le jour et la nuit, le ciel au-dessus de la terre. Ils se tiennent bien au-dessus de nous. Mais ne sommes nous pas des hommes et des femmes ? N’avons-nous pas reçu ces forces et ces moyens de conquérir les vertus, de nous élever au-dessus des passions, de les vaincre, de parvenir au succès dans chaque vertu, de nous purifier, de nous sanctifier, de participer à la nature divine, de nous déifier ? La Sainte Église n’offre-t-elle pas d’inépuisables moyens et forces à ses enfants fidèles et authentiques, permettant à ceux-ci de dépasser toutes les passions, de participer à toute vertu et toute sainteté ?
D’où proviennent l’absence de foi, l’athéisme, le comportement sacrilège de certains, cette interprétation stupide de l’Évangile, ce mépris à l’égard de la Sainte Église, cette fuite dans les mouvements sectaires de Pachkov, de Tolstoï, et des stundistes ? Pourquoi règnent parmi nous, les Russes, débauche, ivrognerie, mécréance et infidélité tant des maris que des épouses, négligence du carême, passion du théâtre, des courses de chevaux et des déplacements à toute vitesse en vélocipède, mépris de la vie véritablement chrétienne et des idéaux spirituels, permanents, éternels, mépris de la lutte pour la conquête des vertus ? Tous ces plaisirs vains et éphémères souillent notre cœur, occasionnent des maladies à notre esprit ainsi qu’à notre corps ; ils ne donnent pas la vie, ils mènent prématurément au cercueil ! De cette façon les passions amoindrissent, profanent et corrompent la nature humaine, créée à l’image de Dieu, et innombrables sont ceux qui vont à leur perte pour les siècles des siècles, pour l’éternité.
Bien-aimés frères et sœurs ! Très bientôt nous nous retrouverons devant Dieu pour le jugement. Le jugement est inévitable, impartial, juste et terrible, même pour les justes. De quoi aurons-nous l’air lorsque nous comparaîtrons ? Les saints ne seront plus nos intercesseurs, mais nos accusateurs, accusateurs de notre peu de foi, de notre mécréance, de notre incurie, de notre paresse, de notre intempérance, de nos blasphèmes, de notre vie païenne plutôt que chrétienne. Hâtons-nous de rectifier nos habitudes et examinons-nous : vivons-nous dans la foi, oui ou non ? Le temps s’écoule, le jugement approche. Les trônes seront redoutables dans les flammes, les trônes du jugement sont déjà prêts. Terribles seront «l’attente … du jugement et l’ardeur d’un feu qui dévorera les rebelles» (Hebr.10,27). Il nous reste encore du temps. Repentons-nous, produisons les fruits du repentir. Amin.
Traduit du russe.